Algérie

Un ami de la Révolution algérienne s'en est allé



Un ami de la Révolution algérienne s'en est allé
Notre mémoire collective a perdu un ami des premiers jours en la personne du grand cinéaste Alain Resnais.Cinéaste de la mémoire et du temps passé, ce dernier a très vite pris position en faveur de la lutte du peuple algérien. Militant anticolonial, il a connu la censure et les interdits avant que son art ne l'impose parmi les meilleurs.Lorsque jeune lycéen j'ai vu Hiroshima mon amour, j'ai su tout de suite qu'avec ce premier long métrage, Alain Resnais avait apporté à la nouvelle vague française une dimension humaniste et politique qui lui faisait défaut. Un an après, Alain Resnais signait avec d'autres grands intellectuels de sa génération, Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet ou encore François Truffaut, pour ne citer que ceux-là, le fameux «manifeste des 121» intellectuels portant «Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie». Après Marienbad, Resnais réalisait un film culte de ses débuts, Muriel ou le temps du retour.Il y abordait pour la première fois la question de la guerre d'Algérie sur laquelle le cinéma français était resté largement muet en dépit de quelques films comme Le petit soldat ou Adieu Philippine.Certes, la question de la guerre n'y était pas abordée de manière frontale, car les rares films abordant le sujet se sont vus censurés, à l'image du Petit Soldat de Jean-Luc Godard qui traitait de front la guerre d'Algérie, Resnais ne pouvait pas non plus oublier qu'en 1953, la censure avait interdit Les Statues meurent aussi, court-métrage qu'il avait coréalisé avec Chris Marker et qui dénonçait l'acculturation coloniale imposée aux Africains.L'important alors était que le film soit vu. La séquence des tortures filmées en Super 8 et infligées à un personnage à la fois invisible et si présent, est particulièrement forte. Jean Cocteau avait alors qualifié le film de Resnais de«chef-d'oeuvre terrible».Demeuré un peu à la marge de la nouvelle vague française, Resnais a montré son engagement aux côtés des grandes causes qu'il a soutenues en s'associant à de grands scénaristes: Chris Marker pour dénoncer la culture coloniale dans Les Statues meurent aussi, Jean Cayrol pour dire l'horreur des crimes nazis dans Nuits et Brouillard, Marguerite Duras pour rappeler le crime nucléaire avec Hiroshima mon amour écrit par Jorge Semprun pour soutenir aux républicains espagnols dans La guerre est finie, Jacques Sternberg pour un film collectif Loin du Viêt-Nam aux côtés de William Klein et Godard, notamment. Il recourt à nouveau à Semprun pour réaliser Stavisky l'un de ses films les plus flamboyants et dans lequel il raconte l'histoire d'un homme d'affaires sulfureux avec le séjour éphémère de Trotski en France, en toile de fond.Ces devoirs de la conscience accomplis, Alain Resnais a su prouver son éclectisme, mais son immense talent de cinéaste et de narrateur situé à mi-chemin entre l'élitisme et l'art populaire. Il s'applique à détruire la narration linéaire et reste obsédé par le rapport entre le libre arbitre et le conditionnement social qui est visible dans Mon Oncle d'Amérique. Resnais a ceci de commun avec Renoir, qu'il élabore son univers filmique à travers des comédiens qui reviennent souvent dans ses oeuvres au milieu des années 1980: Sabine Azéma bien sûr, sa compagne et sa complice, Pierre Arditi, mais aussi le duo d'acteurs/scénaristes, Agnès Jaoui et Roland Bacri, auteurs en particulier de Smoking, non Smoking et de On connaît la Chanson. Resnais prend plaisir à diriger ses comédiens dans un style à présent voué à la fantaisie et au jeu, à mi-chemin entre cinéma, théâtre et opérette. Le dernier film de cet éternel jeune homme du cinéma mondial était en tournage au moment où son auteur fêtait ses 92 ans.Avec plus de 60 ans de cinéma, Alain Resnais auteur, réalisateur et directeur de la photographie, aura gravé son nom dans le siècle du cinéma universel.




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