Algérie

Un Algérien au Paradis de Rachid Messaoudi, (Roman) - Editions du Toit, Paris 2000


Un Algérien au Paradis de Rachid Messaoudi, (Roman) - Editions du Toit, Paris 2000
Note de l'éditeur

Baïnem, banlieue d'Alger, le 26 mai 1993. Tahar, journaliste et écrivain, sort de chez lui pour se rendre à son travail. Les balles l'atteignent en pleine tête. Plongé dans le coma, il revit les moments forts de sa vie qui se confondent avec l'histoire de son pays.
Par petites touches, à travers des scènes de la vie quotidienne, l'auteur dresse le portrait d'une Algérie plurielle, déchirée et pourtant riche d'espoirs.
Ce livre est un roman-document construit autour du personnage de Tahar Djaout, écrivain et journaliste, figure emblématique de toute une génération avide de démocratie.
Des photos de Francine Bajande, prises en Algérie entre 1997 et 1999, ponctuent ce récit.
Le livre se ferma sur une interview de Arezki Metref, qui fut l'un des proches de Tahar Djaout.

Rachid Messaoudi

natif d'Alger, médecin spécialiste. Depuis 1994, il vit à Paris où il a exercé des fonctions de chef de service dans un hôpital accueillant des malades du sida. Auteur de poèmes et de chansons, il signe ici son premier roman.

Francine Bajande

est reporter photographe. Son travail est largement consacré aux questions sociales et aux portraits de femmes.

Arezki Metref

Journaliste, poète et auteur dramatique. Il vit aujourd'hui en France et collabore à l'hebdomadaire Politis. Ses pièces, Priorité au basilic et L'Agonie du sablier, ont été jouées récemment à Paris.

Extrait

« à quelqu'un qui l'avait traité de poltron pour avoir quitté le pays, Djallal n'eut que ces quelques mots de dépit :
- Si au moins ceux qui sont délibérément restés sur le sol natal pour des raisons de confort personnel ou encore de facilité ne jetaient pas la pierre aux exilés d'office, ce ne serait que justice ! Les cadres, les artistes, les intellectuels et les citoyens qui faisaient le bonheur de l'Algérie, ainsi que des policiers et autres agents de sécurité, qui ont eu besoin de se faire oublier, endurent l'exil dans une grande humiliation. Ils papillonnent de toit en toit, s'imposent chez de vagues amis ou d'anciennes relations de quartier, à défaut de parents accueillants. Ils n'ont plus aucune prétention. Ils rôdent autour de petits métiers, entrant en compétition avec les autochtones. Un médecin passe infirmier, un architecte devient standardiste, un journaliste garçon de café… Certains acceptent très mal ces situations à l'instar de ceux qui regardent, impuissants, le toit de leur maison voler sous un vent maudit. Mais ils voulaient rester vivants !
D'aucuns les accusaient de lâcheté tout en se gratifiant eux-mêmes de résistants ou de nationalistes. Les donneurs de leçons savent-ils au moins qu'on ne peut être heureux que chez soi ? Pourquoi les émigrés cherchent-ils à se ravitailler chez leurs bouchers, à choisir leur coiffeur dans un quartier ghetto où se meuvent leurs compatriotes ?
Quand la nostalgie vient se nicher dans sa tête, l'exilé se laisse prendre par son instinct qui le traîne vers ses frères. Il va comme un mouton vers son troupeau qui lui donnera une chaleur irremplaçable. Ses sentiments deviennent primaires et donc intenses. Écouter une formule de politesse qu'on croit avoir oubliée, un chanteur qu'on n'apprécie pas d'ordinaire, goûter un plat de tous les jours qu'on repoussait par ennui chez soi sont autant d'attitudes pathétiques qui soulèvent les sens au firmament. Il pleurerait du fond des yeux un morceau de ciel qu'il cherche à deviner ; il se tordrait de chagrin pour ce verre de thé qu'il s'imagine prendre sur la place du marché un vendredi de mai. Dans sa chambre où il aura mis des plateaux en cuivre, accroché des aquarelles de la baie d'Alger, aligné des cassettes de musique bien de chez lui, posé des portraits de famille sur la commode, il se sentira, par les matins froids, cerné de souvenirs. »
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