Algérie

Un acquis et' plusieurs échecs



Alors que les officiels s'affairaient à célébrer les 41 ans de la nationalisation des hydrocarbures, scandant sans relâche un acquis indiscutable et onéreux, les acteurs de l'époque des grandes nationalisations, dont Nordine Aït Laoussine, tentaient de faire, hier à Alger, loin des couloirs officiels, le bilan économique de la nationalisation des hydrocarbures, 41 ans après.«Il y a des attentes déçues.» C'est par cette phrase, lourde de sens, que l'ancien ministre de l'Energie ouvre son réquisitoire à l'encontre des décideurs qui ont eu, pendant les différentes périodes post-nationalisation, à penser les politiques économiques du pays qui devaient reposer, initialement, sur les objectifs et les finalités assignés à l'action de nationalisation, en 1971, des hydrocarbures. Si le bilan physique, matérialisé par les niveaux de production et de revenus engrangés depuis 1971, semble satisfaisant, le check-up traitant du caractère de l'économie nationale est loin d'être à la hauteur des engagements pris à l'heure des nationalisations, regrette l'ancien ministre de l'Energie.
Un des mérites de cette action de reconquête de la souveraineté nationale sur les richesses du pays : 16 milliards de barils de pétrole produits (2 milliards de tonnes environ), 7 milliards de barils de condensat GPL (l'équivalent de 700 millions de tonnes), 2500 milliards de mètres cubes de gaz naturel et des revenus pétroliers qui culminent à 880 milliards de dollars. En revanche, fera remarquer M. Aït Laoussine, cette enveloppe a été déboursée et/ou thésaurisée sans que l'on puisse satisfaire les attentes nées de cette action de nationalisation des richesses du pays qui, avant 1971, étaient entre les mains des firmes internationales. «Nous sommes encore très loin du but recherché par la nationalisation ; celui de diversifier l'économie, entre autres.» La sentence n'est pas facile à digérer pour ceux qui ont eu à sculpter les modèles économiques appropriés pour le développement du pays.
Chiffres à l'appui, M. Aït Laoussine, qui s'exprimait hier au 6e Forum d'Alger organisé par le cabinet Emergy, a détaillé l'aboutissement des 41 années de nationalisation comme suit : «Les revenus pétroliers constituent 50% du PIB et 95% des exportations du pays ; le chômage des jeunes (15/24 ans) est estimé à 25%...» En termes plus simples, l'orateur, actuellement président du cabinet Nalcosa SA, donne le verdict selon lequel «nous avons bel et bien échoué dans la bataille de recyclage de la rente et son bon usage». Le réquisitoire ne s'arrête pas là. Il enchaîne, dans le même ordre d'idées, pour dire que les 41 ans, âge des hydrocarbures nationalisés, ont débouché sur une croissance hors hydrocarbures décevante, une croissance économique dépendante de la conjoncture pétrolière, un climat des affaires qui entrave et décourage l'investissement privé, une non-pertinence des objectifs de développement économique et politique et une absence de planification. C'est ainsi que le rapport de causalité s'applique bien au cas Algérie. Il n'y a pas de fumée sans feu. Les dirigeants ont échoué à faire valoir le pesant d'or du pays à des fins utiles pour l'économie nationale, à l'heure même de l'«embellie financière» que l'on ne cesse de chanter à chaque coin de rue. Le défi futur auquel est confronté le pays est le même, mais de taille : «Déterminer le bon usage des richesses disponibles», dit M. Aït Laoussine.
Il est plus que jamais urgent, soutient-il, de mettre à profit cette aisance financière pour construire une économie. «Placer les revenus en réserves de change n'est pas une solution ; laisser les hydrocarbures dans les sous-sols non plus», estime-t-il. Il n'hésite pas à refroidir les sueurs lorsqu'il lance : «Suivant les informations dont je dispose, nous avons déjà pompé la moitié de nos réserves. Un tel degré d'épuisement de nos réserves» risque de lézarder l'avenir des générations futures. Le constat fait peur. Nos dirigeants continuent de se plaire dans la bulle de négativisme dans laquelle ils baignent.


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