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Les fleurs s'amoncelaient et les esprits s'échauffaient hier au pied de l'immeuble de pierre à Odessa où des dizaines de pro-Russes ont péri la veille dans un incendie provoqué par des affrontements avec des partisans de l'Ukraine unie.Le bilan exact du seul incendie n'est pas connu: selon la police locale, 42 personnes au total sont mortes vendredi dont plusieurs lors des violents affrontements qui ont précédé le sinistre.Sous un chaud soleil de printemps, plusieurs milliers de personnes, majoritairement hostiles au pouvoir de Kiev, se sont rassemblées sur la place Koulikove Pole à la mi-journée pour rendre hommage aux victimes et crier leur colère.«Oui, je suis russe ! Je suis vraiment russe, alors arrêtez-moi si vous voulez ! Vous ne m'empêcherez pas de dire qu'ils ont été assassinés» crie sous le nez de dizaines de policiers en tenue anti-émeute Elena Petrova, 53 ans, les yeux brillants de rage.Plusieurs centaines de membres des forces de l'ordre cernent le bâtiment aux vitres cassées, façades noircies, portes et fenêtres défoncées. Sur l'avant, un échaufaudage de fortune monté pour tenter d'offrir une échappatoire aux prisonniers des flammes et de la fumée se dégageait encore sur place. A cèté, des lames de stores ont été nouées depuis une fenêtre du troisième étage et pendent encore dans le vide, corde de survie improvisée.«On a tué nos jeunes. Ils les traitent de terroristes mais c'est faux», sanglote Elena. «C'étaient de jeunes gens ordinaires. Ils sont morts ici pour nous. On ne pardonnera jamais, c'est impossible».Un autel de fortune a été installé devant la grande bâtisse de quatre étages à l'architecture monumentale, plantée dans un grand parc proche du centre-ville. Des fleurs et des cierges s'y accumulaient à cèté de photos historiques, notamment celle, fameuse, du drapeau soviétique planté sur le Reichstag le 2 mai 1945. «Vous êtes des héros morts pour une noble cause. Vous triompherez» proclame une affichette. La moindre parole en faveur de Kiev attire les cris et les insultes, surtout entre femmes, qui en viennent parfois aux mains avant d'être séparées. Olga, une historienne de 31 ans qui n'accepte de révéler que son prénom, tente de dire: «il y avait beaucoup de Russes venus de Russie dans ce bâtiment, pas beaucoup de gens d'ici» quand elle est prise à partie, bousculée, insultée. Elle s'éloigne. La seule chose sur laquelle tous s'accordent est l'incompréhensible délai d'au moins une heure, selon des témoins, mis par les pompiers pour intervenir et éteindre un incendie qui à l'origine était limité à quelques pièces.Bogdan, 40 ans, assure avoir assisté à l'enchaînement des événements, qui ont commencé par une manifestation pro-ukrainienne dans le centre-ville, se sont poursuivis par des affrontements entre les deux camps avant que les pro-Russes ne se réfugient dans la Maison des Syndicats qui est alors attaquée à coups de cocktails Molotov.«La caserne des pompiers est à moins d'un kilomètre d'ici. L'immeuble est accessible de tous les cètés. Les pompiers ne sont pas arrivés avant au moins une heure. Il faudra qu'on nous explique pourquoi. Je n'étais pas d'accord avec ces pro-Russes, mais ils n'auraient jamais dû mourir», dit-il. «C'est pareil pour la police: ils étaient trop peu nombreux, n'ont rien fait pour s'interposer. C'est un scandale. Ce gouvernement à Kiev est responsable. Devant l'entrée calcinée où flotte encore une forte odeur de brûlé, la foule se presse contre le barrage de police. «Laissez-nous entrer ! Honte ! Honte ! Assassins ! Russie ! Russie !» crient certains. Un orateur monte sur le perron, tente de calmer les esprits. Sa voix est couverte par les insultes:«Qui es-tu pour parler ' Honte sur toi aussi !» lui crie une babouchka, le poing tendu.Une vieille femme édentée, en larmes, marche tel un automate en tenant à deux mains sur sa poitrine une feuille de papier sur laquelle elle a écrit en lettres capitales : «Les Etats-Unis sont les vrais tueurs».Le visage fermé sous de grandes lunettes noires, un jeune homme fend la foule et se précipite sur le ruban bleu et jaune, couleurs de l'Ukraine, qui lie le bouquet de fleurs qu'une femme vient de déposer. Il le dénoue, le jette, le piétine. «Ce sont eux, ces fascistes qui ont fait ça... Et je ne dirai rien de plus» lâche-t-il entre ses dents.


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