Il faut surtout
se garder se tromper de grille de perception de ce qui vient de se produire en
Tunisie. Les résultats de l'élection de l'assemblée constituante Tunisienne
suscite des réactions idéologiques totalement autistes sur le plan politique.
Les partisans de l'Etat islamique crient victoire, alors que les ceux de la
sécularisation de l'Etat parlent de périls. Ne faudrait-il pas évaluer ces
résultats à l'aune de la nature de l'élection et des engagements avancés par ce
parti ?
L'élection qui
vient de se dérouler est celle d'une assemblée chargée de rédiger le projet du
texte fondateur de la seconde République Tunisienne, et de désigner un
gouvernement de transition responsable devant elle. Cette assemblée aura donc à
définir les contours de l'Etat Tunisien, à poser ses fondements, à proclamer
les libertés et les droits et à créer les mécanismes de leurs concrétisations
et de leurs protections. Les 217 membres de la constituante ont une année pour
débattre et mûrir le projet de constitution, tout en veillant à la surveillance
de l'action du gouvernement de transition.
La plate-forme
politique avancée par Ennahda lors de cette élection
l'engage sur l'ensemble des thèmes dont se saisira l'assemblée constituante. Il
me semble nécessaire de tenir compte de ces engagements dans l'évaluation de
cette élection. De la lecture de ces engagements il sera possible de juger du
bien-fondé du triomphalisme des uns, et de l'alarmisme des autres. Il y a lieu
de se demander si la plate-forme politique d'Ennahada
présage de la remise en cause du caractère républicain de l'Etat Tunisien, de
sa nature démocratique ? Prône-t-elle la mise sous tutelle du suffrage
universelle ? Menace-t-elle la séparation et l'équilibre des pouvoirs ?
Remet-elle en cause la souveraineté populaire comme source de légitimité et
prône-t-elle l'instauration de plusieurs collèges ? Introduit-elle des
distinctions fondées sur le sexe, l'ethnie, les croyances, la capacité ou la richesse
? Se refuse-t-elle au respect des règles du jeu démocratique d'accession et
d'alternance dans l'exercice des pouvoirs ?
Dans la mesure où
Ennahda a été admis comme un partenaire politique
dans le processus de changement. Qu'il n'a pas été dénoncé comme une menace sur
ce processus. Son appréciation se fait, dès lors, sur la base de ses prises de
positions et de ses programmes. La vigilance ne devrait pas signifier de s'en
remettre à la primauté des préjugés et des procès d'intentions. Si le « printemps
arabe » aura servi à faire émerger un courant islamo-démocrate
– Ennahda avance comme filiation le courant
réformiste musulman du siècle passé, peut-être en démarcation par rapport aux frères-musulmans et aux salafistes
– qui prône le suffrage universel, l'alternance au pouvoir, le respect du
pluralisme et l'acceptation de la différence. Un courant musulman qui voit
indistinctement en l'homme et la femme des citoyens égaux en droit. Si cette
évolution s'avérait réelle et pérenne, alors nous sommes devant un acquis
historique majeur des soulèvements populaires du printemps 2011.
Il reste à voir
la concrétisation de ces engagements dans le processus d'élaboration de la
nouvelle constitution. A être attentif à la conduite de la mission du
gouvernement de transition. Mais aussi à la capacité d'Ennahda
à maintenir sa cohésion autour de sa plate-forme politique et à résister aux
pressions des salafistes.
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Posté Le : 27/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohand Bakir
Source : www.lequotidien-oran.com