Tandis que le parti Ennahdha, réuni en conseil de la choura ce week-end, rencontre aujourd'hui le syndicat UGTT pour tenter de trouver une solution à la crise politique, l'annonce, vendredi dernier, par Standard&Poor's de l'abaissement de la note souveraine de la Tunisie est perçue comme une alarmante sanction internationale d'une situation de blocage politique.« La solution ne peut être que politique », a répondu une source proche de la Banque centrale tunisienne (BCT) interrogée par Maghreb Emergent sur l'annonce par l'agence américaine d'évaluation financière Standard & Poor's (S&P) de l'abaissement de deux crans de la note de la Tunisie qui passe ainsi de «BB-» à «B». « Cette décision était prévisible mais deux points c'est un peu dur, voire même précipité », a poursuivi notre interlocuteur pour qui cette dégradation a un impact surtout psychologique: « (Son) effet reste limité sur le plan économique car la Tunisie ne compte pas sortir sur les marchés internationaux. »
Actuellement, pour lever des fonds, le pays a recours à des financements bilatéraux ou à des institutions internationales et non à des emprunts sur le marché libre ou auprès de privées. « En 2012-2013, la Tunisie s'est appuyée sur la garantie d'Etat, comme le Japon et les Etats-Unis, et cette tendance devrait se poursuivre en 2013 », a encore expliqué notre source. Compte tenu de cette situation, l'économie tunisienne ne sera pas durement touchée par ces dégradations même si d'autres agences de notation emboîtent le pas à S&P.
Intervenant vendredi dernier sur la radio privée tunisienne Mosaïque FM, Houcine Abassi, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), a lui aussi établi un lien entre la dégradation de l'économie tunisienne et le blocage politique que connaît le pays. Il a été encore plus loin en avouant que « l'UGTT n'a plus la capacité de jouer le rôle d'intermédiaire dans une situation de ravages socioéconomiques dont souffre la Tunisie ».
Cette déclaration sonne comme un aveu d'échec à jouer le rôle de médiateur dans les pourparlers en cours entre Ennahda, qui défend l'idée d'un cabinet de coalition élargie ainsi que le maintien de l'Assemblée nationale constituante (ANC), et l'opposition qui réclame la dissolution du gouvernement dirigé par ce parti, la constitution d'un gouvernement apolitique et la dissolution de l'ANC. L'UGTT défend, elle, une position médiane : la formation d'un gouvernement de technocrates et le maintien de l'Assemblée.
UTICA : l'urgence de se préoccuper du dossier économique
La centrale patronale, l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), a aussi réagi à la nouvelle dégradation de la note de la Tunisie. « La décision de Standard& Poor's est un résultat évident de la crise politique actuelle en Tunisie et de la persistance des perturbations sécuritaires (qui ont) favorisé la détérioration de la situation économique", a-t-elle indiqué dans un communiqué publié vendredi.
Afin d'éviter le pire, l'UTICA appelle toutes les forces politiques à se mobiliser pour résoudre, dans les plus brefs délais, « la crise politique dans le consensus » et à « privilégier l'intérêt suprême de la nation » et ainsi se préoccuper du « dossier économique ». Le centrale patronale a, par ailleurs, réitéré dans le communiqué son appel à la « formation d'un gouvernement restreint de compétences nationales qui se penchera sur les difficultés de l'économie nationale et sur les préparatifs des prochaines échéances électorales ».
Le sceptre de la faillite
« En l'absence de mesures et de décisions courageuses, urgentes et efficaces, l'économie tunisienne risque une probable faillite », a estimé, vendredi, Mourad Hattab, spécialiste tunisien des risques financiers lors de son passage sur les ondes de Mosaïque FM. L'abaissement de la note de la Tunisie, a-t-il estimé, est dû, en premier lieu, à l'instabilité politique que connait le pays ». La Tunisie, a-t-il ajouté, souffre d'une certaine « instabilité des composantes de base de l'économie dont l'exportation et le tourisme qui ont connu 20% de recul ».
La fragilité de la situation économique en Tunisie a été reconnue par le ministre des Finances, Elyes Fakhfakh, lors d'un débat sur Mosaïque FM. « La situation économique est dangereuse mais nous ne risquons pas la faillite, contrairement aux informations de certains experts économiques », a déclaré le ministre, membre du parti Ettakatol (Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés).
De la solution politique dépend donc l'amélioration de la situation économique. A défaut, l'agence de notation Standard & Poor's pourrait encore sévir, comme elle l'a indiqué dans son communiqué de vendredi dernier : « Il y a une chance sur trois que la note de la Tunisie soit à nouveau abaissée dans les douze prochains mois, si la contestation à laquelle fait actuellement face le gouvernement et l'instabilité politique et sociale qui en découlent empêchent la mise en 'uvre de réformes favorables à la croissance ».
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Posté Le : 19/08/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nejma Rondeleux
Source : www.maghrebemergent.info