"Lâchez les routes et laissez les gens se rendre sur leur lieu de travail !". Moncef Marzouki, président de la république tunisienne tout en affichant sa compréhension sur les causes de l'agitation sociale a tancé la « bête noire » des patrons tunisiens : les "sit-ineurs", les grévistes et les contestataires en général. Il faut une trêve sociale de six mois, a déclaré Marzouki sous les applaudissements des patrons membres de l'Utica en avertissant que si elle n'est pas obtenue par le dialogue, le gouvernement appliquera la loi avec fermeté.
La patronne de l'Utica (l'Union tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat) Wided Bouchamaoui, mène campagne depuis des mois contre les sit-in et les grèves qui menacent, selon elle, l'économie tunisienne d'effondrement. Les patrons souhaitaient d'ailleurs depuis longtemps une accélération du processus de la formation du gouvernement afin que « l'autorité de la loi » soit rétablie face à la multiplication des mouvements sociaux souvent avec occupation des locaux. Vendredi, M.Bouchamaoui a renouvelé, devant le président Marzouki, invité par l'Utica à une rencontre avec les hommes d'affaires, son discours alarmiste et véhément à l'égard de la contestation sociale. Avant de donner la parole à Marzouki, elle a dénoncé à nouveau « la poursuite des sit-in, manifestations, ou autres grèves de la faim qui ont cours partout dans le pays, ayant entraîné la fermeture de nombreuses entreprises ». Tout en se disant attachée au droit au travail et à la préservation des acquis sociaux, a souligné que les contestations en toute genre n'incitaient pas à l'investissement et avaient pour effet d'augmenter le chômage er d'appauvrir les tunisiens. Elle a répété ce qui est demandé depuis des mois : sortir de l'effervescence révolution et revenir au « respect de la loi et au retour à la stabilité et à la sécurité ».
Menace de mort contre le système démocratique
«Cette situation a été à l'origine de la fermeture de plusieurs entreprises et du départ d'un nombre de sociétés étrangères vers des sites concurrents ». Selon elle, la confiance des investisseurs tunisiens et étrangers est en berne en raison du « manque de visibilité ». « Il est temps d'appliquer la Loi et de demander des comptes à tous ceux entravent la bonne marche des entreprises et des institutions publiques ». Le message est bien passé et M.Marzouki a fait siennes les préoccupations des patrons en affirmant que le « système démocratique est menacé de mort si la situation ne se stabilise pas ». Il a relevé que la donne sociale risquait de peser lourdement non seulement sur la situation économique maos également au niveau politique. Les gens veulent la liberté, a-t-il dit, « mais s'ils n'ont pas de quoi manger, ils préfèreront retourner à un système dictatorial qui leurs assurera leurs besoins vitaux ». Il a laissé entendre que ces mouvements sociaux pouvaient aussi pousser à une « révolution à l'intérieur de la révolution » qu'à une contre-révolution mais qu'en tout état il y a un grand risque que cela mène la Tunisie vers le désordre, l'insécurité et le chaos. « Nous avons une responsabilité historique, celle de relever le pays et le reconstruire sur des bases solides. Les entrepreneurs ne sont pas incités à investir et vivent une période difficile ». Mais le président Marzouki a appelé également les patrons à « comprendre les causes de ces revendications » et appelé à des efforts pour réparer les injustices subies par de nombreux travailleurs. « Les gens meurent de faim, comment leur faire entendre raison alors que le désespoir est immense ' ». Il n'en reste pas moins que pour Marzouki, tout comme pour les patrons, les mouvements de contestations sociales qui durent depuis le début de la révolution sont devenus une menace.
Suicide programmé
« Ce genre de comportement qui nous mène droit au mur. Ces sit-in et manifestations sont des opérations-suicide » a-t-il déclaré sous les applaudissements nourris des patrons. « Ceux qui en sont à l'origine sont responsables de la situation catastrophique dans laquelle se trouve actuellement le pays. Je me tourne vers eux, au nom du patriotisme, pour l'amour de la patrie, je réitère ma demande d'une trêve de 6 mois. Si rien n'est fait d'ici là, j'en prends l'entière responsabilité, mais maintenant lâchez les routes et laissez les gens se rendre sur leur lieu de travail ! Sinon toutes les entreprises vont fermer et partir, et à ce moment-là où est-ce qu'on va trouver les moyens de subvenir à nos besoin ' Il n'y a pas un pays dans le monde qui pourrait accepter ce suicide programmé ! ». Le président tunisien a averti : si la trêve n'est pas obtenue par le dialogue, les autorités « feront respecter la loi ».
Posté Le : 24/12/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Oussama Nadjib
Source : www.maghrebemergent.info