Algérie

Tunisie : les entrepreneurs veulent croire à une amélioration du climat des affaires



La victoire du parti islamiste Ennahda aux élections de l'Assemblée constituante tunisienne suscite quelques interrogations chez les investisseurs, notamment étrangers, mais l'optimisme et la confiance dominent. Le parti islamiste multiplie les démarches pour rassurer le monde des affaires.

« Les craintes ne sont pas justifiées pour l'instant». Abdelaziz Darghouth, chef d'entreprise dans le secteur du linge de maison, résume l'opinion dominante, parmi les chefs d'entreprises tunisiens. Quelques jours après l'annonce de la victoire du parti islamiste Ennahda aux élections de l'Assemblée constituante, ils se disent «sereins». «La priorité des hommes d'affaires, c'est que l'environnement des affaires s'améliore, explique Abdelaziz Darghouth. La transition démocratique devrait éradiquer la corruption, généralisée sous le régime de Zine el-Abiddine Ben Ali, et améliorer la transparence». Une confiance partagée par Maher Kallel, membre du comité de direction du groupe Poulina, une holding de différentes activités. «Au lendemain des élections, notre PDG a adressé une lettre très positive à l'ensemble des salariés, raconte-t-il. Avec le développement de la démocratie, les pressions qui minaient le climat des affaires sous Ben Ali devraient se dissiper».

«ENNAHDA EST UN PARTI LIBERAL»

L'homme croit aussi en la capacité du parti qui s'apprête à occuper une place prépondérante dans la direction du pays, de renforcer l'économie de marché. «Ennahda est un parti libéral, assure-t-il. Dans la philosophie islamique, la notion de libre entreprise est très présente». Ces derniers jours, les dirigeants d'Ennahda ont en tout cas multiplié les messages visant à rassurer les investisseurs et le secteur financier. Le 28 octobre, son président Rached Ghannouchi a déclaré qu'Ennahda avait «un programme économique libéral qui encourage l'investissement et les cotations en Bourse». Le 26 octobre, il avait assuré aux responsables financiers de la Bourse de Tunis qu'il avait conscience de «l'importance» de celle-ci «pour accélérer la croissance économique». Des démarches qui ont permis de stabiliser la Bourse de Tunis, qui avait réagi à la baisse, le 24 octobre, dès l'annonce des premières tendances montrant l'avance du parti islamiste (perdant 1,92% à 4538,41 points). «Le programme économique d'Ennahda et les discours des responsables du parti sont plutôt rassurants, dit Chekib Debbabi, qui dirige les deux filiales tunisiennes de Plastivaloire, une entreprise française de plasturgie. Tout porte à croire que ses responsables veulent continuer à développer le pays par le libéralisme économique».

DES DEFIS IMMENSES

Les dirigeants d'Ennahda «sont conscients des défis et des fortes attentes dans la population, abonde Maher Kallel. Ils vont faire appel à toutes les compétences pour former un nouveau gouvernement provisoire». Ennahda s'est dit prêt à travailler avec tous les partis, à l'exception de ceux ayant soutenu l'ancien régime. Des discussions sont en cours avec deux partis de gauche, le Congrès pour la République (CPR), qui a obtenu 30 sièges à l'Assemblée constituante, et Ettakatol, qui en a remporté 21. «Tant que le jeu reste démocratique, tous les yeux sont tournés vers Ennahda, poursuit le cadre de Poulina. Ses responsables n'ont pas d'autre choix que de rester dans un certain axe». Le gouverneur de la Banque centrale tunisienne (BCT), Mustapha Kamel Nabli, a souligné ce week-end dans un entretien à l'AFP que «le retour les investissements étrangers et nationaux» était essentiel pour permettre au pays une réelle reprise de la croissance économique, mise à mal par la révolution. La Tunisie a enregistré un taux de croissance de -3% sur les trois premiers mois de 2011 et les estimations pour l'ensemble de l'année le situent autour de 0,5 %.

DES PROJETS EN STAND-BY

Le prochain gouvernement devra notamment relancer le tourisme, qui représentait avant la révolution près de 10% du PIB tunisien. Entre janvier et septembre 2011, ce secteur n'a rappporté que 780 millions d'euros de devises, soit une chute de 39,4% par rapport à la même période de 2010. «Ennahda devra prendre des mesures, notamment en matière fiscale, pour renforcer l'initiative privée et l'attractivité de la Tunisie. Le pays ne peut se passer des investissements directs étrangers pour résorber le chômage», dit Mokhtar Chouari, de l'Agence de promotion de l'investissement extérieur (FIPA).

«Le capital national et étranger est bienvenu», a insisté le 27 octobre Abdelhamid Jelassi, directeur du bureau exécutif d'Ennahda. Le lendemain, Rached Ghannouchi se prononçait en faveur d'un dinar tunisien convertible pour favoriser les investissements étrangers. Tous les hommes d'affaires étrangers ne semblent pourtant pas enclins à donner blanc-seing au parti islamiste. «Il est trop tôt pour connaître la réaction des investisseurs étrangers, dit Habib Gaida, directeur général de la chambre tuniso-française de commerce et d'industrie. Mais ils se posent des questions. Le modèle économique va-t-il être modifié? Et le système fiscal?»

Des doutes confirmés par un responsable d'une entreprise française présente en Tunisie, qui opère dans le secteur du recyclage. «Ils craignent une évolution de la législation, aujourd'hui très favorable aux investisseurs étrangers. La priorité pourrait être donnée aux entrepreneurs tunisiens». L'homme est «personnellement confiant», mais dit connaître des hommes d'affaires étrangers qui «ont mis leurs projets en stand-by, préférant attendre de voir Ennahda aux commandes», et d'autres qui «ont décidé d'arrêter leur projet en Tunisie, pour l'implanter ailleurs».




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