En visite en Tunisie, le prédicateur égyptien Wajdi Ghenim est accusé de lancer, où qu'il passe, des appels à la haine. Il a déjà écumé plusieurs villes réservant ses piques les plus mortelles aux « laïcs », assimilés au régime de Ben Ali. Plusieurs manifestations ont été organisées pour exiger son expulsion et dénoncer ses opinions favorables à l'excision. Le gouvernement se démarque de son discours mais affirme ne pas pouvoir l'empêcher de s'exprimer. Le président tunisien, Moncef Marzouki, après avoir qualifié ses hôtes de « microbes », a dû vivement s'en excuser.
Le prédicateur égyptien Wajdi Ghenim continue de susciter la polémique en Tunisie, où il se trouve depuis le 11 février dernier pour une donner une série de conférences, en réalité des prêches au vitriol contre ses éternels ennemis, les « laïcs ». Partout où il passe, la discorde semble s'installer entre ses hôtes salafists et d'autres Tunisiens opposés à ses opinions rigoristes et persuadés qu'un des buts de son voyage est de les convaincre des bienfaits de l'excision.
Des médias tunisiens ont ainsi rapporté aujourd'hui que pendant qu'il faisait le prêche du vendredi dans une mosquée de la Sfax (littoral est), une manifestation était organisée devant le siège du gouvernorat pour dénoncer sa visite. La veille, à Kairouan (centre), depuis la chaire de la mosquée historique Okba Ibn Nafaa, il avait invité son auditoire à « laisser les laïcs mourir de leur rage » les assimilant à des soutiens du dictateur déchu Zine El Abidine Ben Ali. « Vous avez coupé la tête de la vipère mais sa queue continue de s'agiter. Par la volonté de Dieu, vous la couperez aussi », s'était-il adressé à son auditoire qui scandait ses paroles d'énergiques « Allah Akbar ».
Avant Kairouan, Wajdi Ghenim avait écumé d'autres villes tunisiennes. Il avait fait parler de lui sur le littoral Est : à Mahdia et Sousse, où il fut accueilli par des manifestations hostiles. A Tunis, sous la coupole du stade Al Manzah, il avait animé un meeting devant un public se comptant par milliers.
Un homme « anormal » selon le président tunisien
Au nom de plusieurs « associations de la société civile », l'avocate féministe Bouchra Belhadj Hmida entend porter plainte contre le prédicateur égyptien pour incitation à la haine et appel à la violence. Elle a invité tous ceux qui veulent s'associer à sa déposition à se mettre en contact avec elle.
L'ancienne présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) n'est pas seule à souhaiter que l'Etat sévisse contre Wajdi Ghenim mais le gouvernement Ennahda (islamiste) refuse, pour l'instant, de l'empêcher de donner ses conférences vouant aux gémonies « les laïcs », indistinctement associés au règne policier de Ben Ali. Lors d'une rencontre avec les journalistes aujourd'hui, rapporte le site d'information Tunisie Numérique, le ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem, s'est démarqué de son discours non sans noter qu'il ne faisait l'objet d'aucune poursuite légale qui justifie son expulsion.
Cette réaction officielle fait suite à une autre, celle du président de la République en personne, lors d'un entretien, le 15 février dernier, avec la Télévision Nationale tunisienne, Hannibal TV et la chaîne At Tounissya. Tout en excluant, « en tant que militant des droits de l'homme », d'« empêcher une association légale (') d'inviter des conférenciers », Moncef Marzouki avait qualifié Wajdi Ghenim d'« homme anormal » et ses hôtes de « minorité bruyante ». « Cette terre sunnite, malékite et modérée, ne laissera jamais ces microbes germer », avait-il martelé. Le lendemain, sur sa page Facebook, il s'excusait d'avoir utilisé le terme « microbes » réitérant « sa fierté de toutes les composantes du peuple tunisien, attaché à son identité arabo-islamique et ouvert aux valeurs de la modernité et des droits humains ».
Un imam favorable à l'excision
Dans la presse libérale tunisienne, l'image de Wajdi Ghenim est celle d'un intégriste radical mais surtout d'un défenseur de l'excision, qu'il a qualifié dans un de ses prêches d'honneur (makrouma) pour les femmes ». Certes, lors de son séjour tunisien, il n'a pas défendu cette pratique, du reste inexistante dans l'ensemble du Maghreb, mais le fait d'en avoir fait la publicité dans son pays l'associe intimement, aux yeux de ses adversaires, à cette mutilation du corps féminin, courante dans les campagnes égyptiennes bien qu'officiellement prohibée.
Soupçonnant une éventuelle influence de l'encombrant visiteur sur certains Tunisiens, le ministère des Affaires de la femme et de la famille a appelé hier à « la prudence face aux déclarations sur l'excision, qui n'a aucun rapport avec la religion islamique ni avec les traditions tunisiennes ». Il a souligné que toutes les conventions internationales (l') interdisent, notamment les conventions relatives aux droits de l'Homme et de l'enfant ainsi que celle visant l'élimination de toutes formes de discrimination contre les femmes.
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Posté Le : 17/02/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Yassin Temlali
Source : www.maghrebemergent.info