Algérie

TUNISIE



12e journées théâtrales de Carthage Espace des tréteaux palestiniens Théâtre de l?humain d?abord, il l?est devenu depuis quelques années tout en demeurant un théâtre citoyen, mais un théâtre militant qui a tourné le dos aux slogans et à un convenu ton geignard pour adopter l?universalité tout en restant fidèle à sa thématique qui ne peut prioritairement être que celle d?un vécu sous l?occupation israélienne. Le premier spectacle, Discours acerbe contre un homme assis, malgré un titre qui peut prêter à équivoque sur son caractère non politique, constitue une ouverture directe sur de nouvelles préoccupations. Il met au centre de son propos une quinquagénaire qui, à l?occasion du jubilé de son mariage, égrène les amertumes accumulées durant une asséchante vie maritale. Il est de et avec Samia Gazmouz Bakri du théâtre Tell El Fekhar de Akka. Les deux autres pièces disent un autre enfer, celui vécu du fait des multiples frontières érigées par l?occupant sur le chemin de l?école, du travail ou de la maison. La différence entre eux tient au fait que l?un est chorégraphique et l?autre langagier. Ainsi A?l hajiz, une mise en scène de Khaled Alyen sur un texte poétique de Gassem Zakhten écrit à la manière de Mahmoud Darwich, évoque plutôt les barrages fixes ou impromptus à la croisée d?une route, bloquant les issues d?un village et brisant les rêves. Produit par la Surriyet Rammallah, Sur le barrage réussit la gageure de s?élever à la dimension d?une fresque sur la tragédie de l?infinie attente. L?attente infligée aux check-points qui cadenassent impitoyablement le quotidien des Palestiniens. Sur le bord de l?avant-scène, un métronome scande imperturbablement le temps qui passe, faisant entendre son têtu tic-tac toutes les fois que le spectacle s?impose un silence. Mais sur et autour de ces lieux de l?entrave, de la non-vie s?incruste la vie. Outre les échanges sur le beau temps et la pluie, des activités de service se créent (moyens de transports, kiosques) démontrant « la volonté de survivre et de cultiver l?espoir ». Se chargeant d?un souffle épique, A?l hazij traduit les pulsations de cette absurde et pathétique ambiance. La chronique des jours prise en charge par une chorégraphie portée par vingt danseurs, mêlant musique, chants, poésie et les couleurs, chaque élément apportant sa charge dramatique. Et si la scène est nue, cela n?empêche le spectacle d?être fastueux grâce en particulier aux couleurs assorties des costumes sur lesquels jouent savamment les effets de lumière. Les mouvements d?ensemble, les solos aux gestes amples, gracieux ou saccadés et les contorsions, signes minimaux, constituent l?alphabet d?un langage qui dit l?indicible. Tel l?accouchement d?un femme bloquée sur la route de la maternité. Et quant à un moment la voix claire de Souad Massi entonne son bouleversant Hékaya, l?émotion dans la salle de théâtre municipal de Tunis atteint son comble. Elle est libérée par des applaudissement nourris. Le troisième spectacle, dont le texte a été écrit collectivement par les sept comédiens de la troupe du théâtre Al Kasaba, également de Ramallah, a été mis en scène remarquablement par Georges Ibrahim Habash. Ce spectacle, une suite à « histoire sous l?occupation » présenté aux JTC en 2003, est l?un des plus aboutis des JTC tant au plan du texte, de l?interprétation que d?une impressionnante scénographie, soit sept panneaux mobiles de 4m de haut sur un de large, écrasant de leur imposant gabarit les personnages réduits à des fétus de paille. Leur réunion, leur séparation, leurs circonlocutions matérialisent l?oppression dans toute sa cruauté. Le spectacle déroule des tranches de vie bouchée et dresse une galerie de portraits de Palestiniens de tous âges, sexes et professions. Ils sont inscrits dans une série de situations tragico-comiques à travers des tableaux ayant pour lame de fond le Mur de la séparation. A aucun moment, l?apitoiement n?est de mise. Tout est prétexte à satire, mais jamais à la dérision. Les JTC ne pouvaient pas mieux achever leur programmation par un spectacle aussi prenant en la plus immense salle du festival, le mondial, une salle dont même les travées étaient occupées par un public assis par terre. Interminables applaudissements.


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