Algérie

TUNISIE



La Tunisie s'est enflammée. La révolution du jasmin s'est transformée en contestations violentes que l'on surnomme désormais «émeutes du pain». Fragilisé par une situation économique chaotique, le pouvoir en place crie à la manipulation, mais en face, les jeunes émeutiers ne s'essoufflent pas.Abla Cherif - Alger (Le Soir) - A Tunis, certains craignent désormais que l'explosion de colère née de la promulgation d'une nouvelle loi de finances (2018) instaurant une hausse des prix sur une large partie des produits de consommation n'ait été en fait que le prétexte servant à mettre en place un plan diabolique pour transposer les images terrifiantes du Moyen- Orient vers le Maghreb. Ancien conseillé économique sous Marzouki, Aziz Krichem (qui avait fini par prendre ses distances avec le Président) en est même convaincu. Contacté par téléphone, il décrit la situation comme suit. «Nous sommes, dit-il, face à deux phénomènes actuellement. Des manifestations populaires se déroulent le jour. Des générations différentes portent des revendications légitimes. Elles ont trait à la dégradation du niveau de vie. La loi de finances 2018 a été une véritable catastrophe car elle a induit des augmentations sur une grande partie des produits de consommation. Nous sommes donc face à un phénomène social légitime. La nuit, la situation se transforme. Des bandes violentes, constituées uniquement de jeunes, sortent pour casser, piller, voler, et semer le chaos.» Il poursuit : «A ce niveau, les choses ne sont pas claires. Des camions circulent pour leur fournir des pneus à brûler. On voit clairement que beaucoup d'argent circule pour leur fournir la logistique, on a l'impression qu'on transfère ce qui se passe au Moyen-Orient en Tunisie.» Aziz Krichem poursuit son analyse sans hésitation comme pour dire tout haut ce que tous pensent tout bas en Tunisie. «Je pense à un jeu des Emirats. Ces derniers ont échoué dans leur tentative de déstabiliser les forces politiques, à présent, ils tentent de semer le trouble.» Les événements qui secouent le pays font fréquemment la Une de l'actualité internationale. La révolte partie de petites villes s'est progressivement étendue. Selon le ministère de l'Intérieur tunisien, de fausses images et vidéos circulent pour inciter les autres régions à se soulever. Des mises en garde ont été diffusées pour éviter la «manipulation». Pour tenter de cerner la situation qui se déroule réellement, nous avons pris attache avec Thameur Mekki, rédacteur en chef de Naawet. Il décrit les événements comme suit : «Des mouvements de protestation ont été déclenchés la semaine dernière dans des zones bien précises, des quartiers défavorisés. Elles font suite à la hausse des prix sur une grande partie des produits de consommation, y compris le carburant. Cette contestation s'est ensuite étendue à la capitale. Des manifestations ont eu lieu à l'avenue Bourguiba. Des mouvements politiques, de gauche principalement, ont tenté d'encadrer le mouvement, mais nous constatons qu'il n'y a aujourd'hui aucune force pour fédérer ou gérer cette contestation. Des affrontements ont eu lieu un peu partout, mais je pense que le pouvoir n'a pas voulu verser dans une grosse répression qui aurait été contreproductive d'ailleurs. Des accords avec le FMI ont été passés et il est impossible de revenir dessus. Nous sommes loin des émeutes du pain qui s'étaient déroulées sous Bourguiba.» Celui-ci avait eu cette phrase historique : «Nous revenons où nous étions. Il s'était rétracté, et les esprits se sont calmés, mais actuellement, aucune marche arrière n'est possible.» Selon Thameur Mekki, toute projection sur l'avenir relève également de l'impossible. «Ce qui se passe ici est compliqué, le pays n'est pas vraiment dirigé, la coalition est dépassée, depuis son arrivée d'ailleurs, et la situation économique est désastreuse. Ajoutez à cela les interférences extérieures. Le pays est sans pilote, ouvert à tous projets.» Une semaine après le déclenchement des émeutes, la tension reste à son paroxysme. Pour tenter de reprendre le contrôle, l'armée tunisienne s'est déployée dans les zones les plus chaudes. Ici, comme dans bien d'autres régions encore, les émeutiers s'en sont pris à tous les symboles de l'Etat tunisien. Des commissariats ont été également pris pour cible. La police a réagi en procédant à l'interpellation de plus de 200 personnes. Les affrontements ont également fait un mort, un homme de 45 ans qui aurait été atteint par des tirs de balles. Les services concernés ont démenti avoir usé de balles réelles, la polémique enfle. Des appels à de nouvelles manifestations sont lancés. Dans l'œil du cyclone, la Tunisie peine à retenir son souffle.
A. C.
Plus de 750 Personnes placées en garde à vue
Au moins 773 personnes ont été placées en garde depuis le lundi pour actes de vandalisme et de pillage commis dans plusieurs régions de la Tunisie, a indiqué vendredi le porte-parole du ministère tunisien de l'Intérieur le colonel-major Khalifa Chibani.
«Les interpellés ont été placés en garde à vue après consultation du parquet», a-t-il dit, cité par l'agence tunisienne TAP. «Parmi les gardés à vue, se trouvent 16 éléments takfiristesés », a précisé Khalifa Chibani, ajoutant que «les actes de vandalisme ont baissé de façon remarquable durant la nuit dernière ». Aucun acte de pillage et de saccage ni des dommages dans les rangs des forces de l'ordre et de leur équipement, n'a été enregistré durant la nuit de jeudi, a-t-il déclaré. Selon M. Chibani, les arrestations de personnes impliquées dans des actes de pillage, d'attaques contre des biens publics, d'incendies et de barrages routiers se sont poursuivies. Au moins 151 personnes ont été arrêtées jeudi et placées en garde à vue après consultation du parquet. Environ 54,95% des interpellés sont âgés de 21 à 30 ans. Plus de 31% ont entre 15 et 20 ans. Pour le reste des catégories d'âge : ils ont entre 31 et 40 ans (11,71%) et plus de 40 ans (1,8%), selon la même source. D'après le porte-parole du ministère tunisien de l'Intérieur, «parmi les éléments takfiristes arrêtés durant la période passée (16), certains sont soumis à une mesure d'assignation à résidence ». «Ils sont impliqués dans des actes de pillage et de vandalisme dans plusieurs régions du pays», a-t-il soutenu. Selon M. Chibani, 97 agents de sécurité ont été blessés ces derniers jours. Quelque 88 véhicules de police ont été endommagés au cours de ces incidents. Des postes de police ont été incendiés à El Ktar (Gafsa), Thala (Kasserine), de même que le bureau du commissaire de police d'El Battan (La Manouba). De son côté, le ministre tunisien de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Samir Taieb, a indiqué que les manifestations contre la cherté de la vie que connaît actuellement la Tunisie ne sont pas dues aux dernières mesures inscrites dans la loi de finances (LF) de l'année 2018. Réuni jeudi, à Tunis, avec le ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, Mehdi Ben Gharbia et celui des Affaires sociales Mohamed Trabelsi ainsi que des représentants de la société civile et des droits de l'Homme à l'occasion d'une réunion de concertation, M. Taieb a précisé que le gouvernement n'a pas recouru à «des solutions faciles et mesures populaires», lors de l'élaboration de la loi de finances pour l'exercice 2018.


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