Le ministère
tunisien du Développement régional vient de publier un Livre blanc, ensemble de
propositions pour remédier à la fracture économique et sociale entre les zones
côtières, industrialisées et touristiques, et les zones de l'intérieur du pays,
oubliées du développement. Le Livre blanc du développement régional sera remis
au prochain gouvernement.
« La révolution du
14 janvier 2011 a
projeté au premier plan la question des écarts de développement entre les
régions». Abderrazak Zouari,
ministre tunisien du Développement régional, se veut sensible à l'appel des
habitants de l'intérieur du pays : il y répond en 49 propositions, dans un
Livre blanc du développement régional, qu'il publie quelques jours avant la
formation d'un nouveau gouvernement de transition, suite aux élections de l'Assemblée
constituante du 23 octobre.
Au cœur de la
démarche, un constat. «Durant plusieurs décennies, des régions entières de la Tunisie ont été écartées
du processus de développement national qui s'est construit essentiellement sur
le littoral, indique le ministre dans son introduction. Des territoires entiers
de l'intérieur du pays sont restés [...] condamnés à la stagnation». Résultat: le
gouvernorat – principale collectivité territoriale en Tunisie - de Gafsa
enregistrait fin 2010 le taux de chômage le plus élevé du pays avec 28,3%, soit
plus du double du taux national, alors estimé à 13%. Tataouine
enregistrait un taux de chômage de 23,6%, et Kasserine, berceau de la révolution,
de 20,7%.
Les disparités
entre gouvernorats se confirment s'agissant du taux de chômage des diplômés : le
gouvernorat de Gafsa reste en dernière position avec 47,4%, soit près du double
du taux national de 23,3%. Suivent Jendouba (40,1%), Sidi Bouzid
(41,0%), Gabès (39,4%), Tataouine (39,1%) et
Kasserine (38,9%). Des écarts tout aussi sévères apparaissent quand on mesure
le taux de pauvreté, le taux d'analphabétisme, et même l'espérance de vie, en
raison de structures éducatives et hospitalières défaillantes.
DEVELOPPER LA DEMOCRATIE LOCALE
«Il faut élaborer
une stratégie globale du développement régional», explique Hamza Lakhoua, chargé de mission auprès du ministère du
Développement régional, qui a participé à la rédaction du Livre blanc. Une
vision qui manquait cruellement sous le régime de Zine
el-Abidine Ben Ali. «En l'absence de ministère du
Développement régional, l'administration se contentait de gérer un ensemble de
programmes particuliers et souvent ponctuels en faveur de telle ou telle
région».
Au cœur de la
nouvelle stratégie: le redécoupage administratif du territoire en régions, gouvernorats
et municipalités. «Créons cinq ou six régions constituées de territoires
complémentaires pour créer un effet d'entraînement», propose Hamza Lakhoua. Une région pourrait ainsi se composer de gouvernorats
côtiers, intérieurs et frontaliers. Car, souligne l'introduction du Livre blanc,
«les zones intérieures du pays sont non seulement moins industrialisées, mais
elles possèdent relativement moins d'activités entraînantes capables de
stimuler un processus de développement régional».
Pour soutenir
cette vision, le Livre blanc propose de développer la démocratie locale: les
citoyens choisiraient des responsables locaux qui devraient veiller à la
réalisation du développement dans leur région. «Le président de région, représentant
de ses habitants et de ses intérêts, pourrait assister aux conseils
ministériels traitant de sa région, indique Hamza Lakhoua.
Le conseil régional serait élu au suffrage universel». Le conseil de
gouvernorat serait quant à lui élu au suffrage universel direct, et son
président, qui remplacerait le gouverneur actuel, nommé par le président de la
République, serait élu en son sein. Une approche qui mise sur la capacité et la
responsabilité de chaque région tunisienne à définir et à bâtir son propre
développement économique et social. «Le développement régional doit se faire
dans un régime unitaire mais régionaliste», soulignait ainsi Abderrazak Zouari, fin septembre
à Tunis, lors du Forum annuel de l'Association tunisienne des grandes écoles (Atuge), qui avait mis le thème du développement régional à
l'honneur.
DES REEQUILIBRAGES
A FAIRE
Le Livre blanc
recommande parallèlement le lancement d'un plan de rattrapage dans les zones en
retard. L'Etat devra remédier à un long délaissement. A son arrivée à la tête
du nouveau ministère, Abderrazak Zouari
a constaté que 82% du budget 2011 destiné aux régions allait à la côte, contre 18%
aux régions de l'intérieur. Une tendance corrigée en urgence par l'attribution
à l'intérieur du pays de 80% de la rallonge budgétaire décidée par le
gouvernement de transition pour les régions, contre 20% à la côte, souligne
Hamza Lakhoua. Objectif du rééquilibrage de la
distribution des ressources: renforcer l'attractivité de l'intérieur du pays, boudé
par les investisseurs tunisiens comme étrangers. Sur la période 1992-2010, les
gouvernorats du littoral ont bénéficié des montants d'investissements privés
cumulés par habitant les plus élevés - 8672 dinars/habitant pour Monastir, 8189
dinars/habitant pour Bizerte - tandis que celui de Sidi Bouzid
ne bénéficiait que de 2758 dinars/habitant, et celui de Gafsa de 2613 dinar/habitant.
Le Livre blanc recommande de favoriser les incitations directes (subvention et
prime d'investissement) plutôt que les incitations indirectes (exonérations
fiscales) et d'inciter les promoteurs à investir en matière d'infrastructure
dans les zones de développement régional. A long terme, le ministère espère
donner aux régions les moyens d'être compétitives entre elles, et de développer
leurs potentiels pour s'inscrire dans l'économie mondiale. «Nous souhaitons que
chacune fasse le maximum pour attirer les investisseurs», explique Hamza Lakhoua.
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Posté Le : 15/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Anouk Ledran, De Tunis
Source : www.lequotidien-oran.com