Il fulminait de
rage de ne pas pouvoir déchiqueter plus rapidement les lambeaux d'un portrait
dont il piétinait avec une hargne inouïe les morceaux qu'il parvenait à
arracher.
Lui, le perclus
par une timidité maladive qui le condamnait à raser les murs pour se déplacer
se découvre soudainement une proximité généalogique
avec Attila et se mue en une menaçante créature bourrée de violence contre tous
les symboles de la dawla. Enivré par les sermons des
multiples gourous qui l'avaient « pris en charge » dés sa plus tendre enfance
il se mute en une véritable boule de haine qui peut enfin mettre en pratique
les préceptes sacrés d'un rédempteur chargé de purifier le pays d'une hérésie
dont la présence l'oppressait. Il s'acharnait sur ce que les flammes avaient
manqué de brûler de la photo d'un chahid napalmé illustrant les horreurs et les souffrances vécues peut être par son propre grand-père pendant la guerre de
libération nationale. Il venait de la retirer des décombres encore fumantes du
Musée du Moudjahid où des adolescents surexcités continuaient de disperser
rageusement aux quatre vents les restes des objets et documents à moitié calcinés
L'auteur n'était
ni un impitoyable tortionnaire inassouvi qui voulait reprendre d'une autre
manière sa honteuse besogne qu'il estime prématurément interrompue par
l'indépendance, ni un ancien collabo du colonialisme profitant, au crépuscule
de sa vie, de l'occasion opportunément offerte pour se venger de ceux qui lui
avaient pourtant pardonné sa pitoyable forfaiture et tendu la main du pardon ;
mais un…enfant quelconque qui pourrait être le mien, le votre. Son âge n'excède
guère les 15 ans !
La satisfaction
du guerrier triomphant rayonnait sur les visages de quelques adultes
positionnés en retrait, à une bonne distance du champ de bataille parmi
lesquels certains, en contemplant les ruines noircies par le feu n'ont pu taire
leur bonheur d'avoir ainsi pris une revanche sur le sort en réussissant à
effacer les traces matérielles d'un passé qui les accable sans doute. Réaménager
l'écriture de l'histoire qu'ils ont toujours considérée comme confisquée par
d'autres a toujours été leur credo. Pour apaiser leur esprit torturé par une
soif de vengeance inextinguible ils n'ont pas hésité à envoyer des bambins
faire le sal travail.
Ailleurs le
pillage des objets de valeur ou simplement le saccage stupide des équipements
dont le seul effet est de paralyser leur activité pour pénaliser davantage le
citoyen pouvait expliquer la furie de ces déferlantes ; mais que peut-on
trouver d'intéressant à chaparder dans un musée à part quelques vieilles
reliques, témoins de nos souffrances et quel est le rapport avec les
difficultés dans lesquelles se débat la société.
Que connait ce boutonneux de la mal vie, lui le bien vêtu et le
bien nourri auquel apparemment rien ne manque. Ses soucis ne sont certainement
pas les prix du sucre et de l'huile encore moins la réécriture de notre mémoire
collective ou la couleur du système. Quels sont alors les véritables ressorts
qui animent cet élan destructeur et suicidaire au bout du compte.
Tant de rancœurs
à cet âge là n'augure rien de bon pour l'avenir et interpelle sur l'urgence de
la révision profonde de la perception que nous nous faisons de nous mêmes avant
d'être submergés irrémédiablement par ce ras le bol que d'aucuns tentent
imprudemment de relativiser ou de l'associer trop facilement à la cherté de la vie.Pour cela il est temps d'ouvrir d'autres chantiers de
réflexion et surtout de nouveaux canaux de communication afin de libérer
l'expression plurielle .L'expérience commande de ne plus se satisfaire des
rapports lénifiants et trompeurs établis à partir des approches
traditionnellement empruntées par les relais habituels sur lesquels compte
l'état pour rester à l'écoute de la société, la comprendre et accompagner ses
évolutions. (Associations, écoles ; mosquée, zaouïa etc.…)
Un arbre se
reconnaît à ses fruits et si c'est cela l'aboutissement de leur soit disant
immersion dans les profondeurs de la société pour déceler la moindre de ses
pulsions et leur fameuse veille pédagogique il y a bien de quoi ne pas être
rassuré sur l'espoir d'une évolution sereine et apaisée de la société.
Au moment décisif
où le pays traversait la terrible tempête et avait le plus besoin de toutes ses
capacités de défense, on constate avec amertume et désarroi la désertion de la
scène et le silence assourdissant de la majorité des autoproclamés
représentants du peuple qui se bousculent d'habitude impitoyablement pour être
sous les feux de la rampe. Cette fois, il parait même que les guichets de
départ de nos aéroports avaient été pris d'assaut. Les rats prévoyaient
sérieusement de quitter le navire ! On ne sait jamais avec cette plèbe
déchaînée.
Quelques cas de
résistance menés par d'illustres anonymes ou des interventions de sages non
affiliés (donc encore crédibles) ont réussi avec le langage du cÅ“ur à atténuer
les ardeurs incendiaires et nous éviter l'humiliation de la forfaiture
généralisée.
Les portes de
l'enfer ne s'ouvrent pas aussi spontanément et encore moins aveuglément pour
libérer tant de haine et de destructions sur le patrimoine de la communauté
nationale.
Il est vrais que
chacun a inévitablement sa petite revanche à prendre, ne serait ce que sur le
sort, pour saisir au vol l'opportunité de régler des comptes avec l'origine de
ses déboires : les établissements scolaires pour les exclus du système, les APC
pour la distribution des logements, les bureaux de l'emploi pour les chômeurs,
les recettes de contributions diverses pour les problèmes d'impôts etc.
Les causes
d'insatisfaction ne manquent guère, au point où les commanditaires de ces
troublent n'éprouvent aucune peine à fédérer toute cette masse de mécontents et
confluer tous ces ruisseaux pour en faire des torrents impétueux capables
d'ébranler les structures de l'état et le faire plier à leurs diktats.
Aux antipodes de
l'histoire du sucre et de l'huile, l'objectif recherché était en réalité de
dissuader l'état de s'aventurer dans certains no man's land et de tuer le veau
d'or.
Derrière toutes
ces mises en scènes burlesques et malheureusement dramatiques qu'on joue pour
encore berner le pauvre et exploiter sa candeur au point de l'utiliser comme
chair à canon il y a la raison cardinale : écarter, sinon tuer dans l'Å“uf, la
menace de la normalisation des affaires et de tout ce qui gravite autour du
monde interlope du bizness. Aucune explication rationnelle ne pouvait justifier
la mise à sac d'un bureau de poste, d'un centre de santé ou des bureaux de
l'état civil etc... Des pauvres marginaux actionnés
de loin par les spécialistes de l'entourloupe cassaient et brûlaient à tour de
bras tout ce qui leur tombait sous la main et livraient des batailles rangées à
leurs semblables en uniformes, eux-mêmes enfants de ce peuple. Voilà le triste
spectacle d'un pays atteint par l'endémie de la violence où les pauvres se
bouffent le nez mutuellement pendant que les plus malins peaufinent les moyens
de mieux les traire.
Après le cyclone
tous les héroïques gladiateurs se sont réveillés une main devant, une main
derrière et pas très fiers en face de l'étendue de la désolation qu'ils ont
infligée à leur propre environnement et dont ils seront les premiers à en subir
les conséquences parce qu'elle va compliquer encore davantage leur quotidien.
Qui peut nous
affirmer que ces enfants ont des responsabilités aussi précoces pour aller au
marché et se brûler au contact des prix du sucre et de l'huile et que cette
situation les bouleversait à tel point qu'ils se révoltent et deviennent
subitement des êtres dépourvus de raison .Y a-t-il une quelconque relation
entre ces enfants et la cherté de la vie à part leur naïveté à croire au
charlatanisme et surtout leur prédisposition naturelle à être une proie facile
entre les mains des manipulateurs et autres laveurs de cerveaux.
Nous payons et
nous continuerons à le faire le prix de la déshérence de notre culture et
l'absence d'une prise en charge appropriée par des moyens capables de capter et
de canaliser cette formidable énergie juvénile vers des projets plus
constructifs. Pourrait-on un jour protéger cette prodigieuse jeunesse de
l'influence néfaste des cercles mafieux de tous bords.
On aura remarqué
qu'à chaque fois que l'on tente d'organiser le marché et de mettre en place les
instruments qui permettraient d'en maîtriser les mécanismes, c'est le brasier
qui s'allume « spontanément » avec son cortège de destructions. Pour stimuler
le troupeau on tire l'une des cartes les plus mobilisatrices : l'Islam, le
nationalisme, l'identité, la démocratie, le pouvoir d'achat etc. …C'est en fonction
de l'air du temps et de la tendance en vogue !
Ceux qui tirent
les ficelles ont depuis longtemps découvert le talon d'Achille de l'état : un
manque de constance et une frayeur démesurée des mouvements sociaux qu'il
provoque parfois lui-même par son indécision et le manque de fermeté. Le
reniement sans aucun état d'âme, de ses propres décisions devant la moindre
petite menace du recours au langage de la rue, a encouragé les plus timorés à
prélever leur dîme sur chaque projet de développement ou d'amélioration des
conditions de vie. La méthode adoptée importe peu. Elle va du grotesque
détournement des deniers publics au grand jour aux techniques les plus
élaborées de l'évasion fiscale. Assurés de jouir d'une invraisemblable
indulgence ils sont depuis longtemps convaincus qu'au delà d'une velléité de
résistance vite abandonnée l'état finit traditionnellement par baisser pavillon
et succomber à leur oukase. L'Algérien lambda se demande alors pourquoi dans ce
cas attendre qu'il y ait autant de dégâts, de victimes et de désagréments pour
offrir paradoxalement très souvent plus que l'objet des revendications
originelles. Pour gonfler le moral des troupes et garder le feu sacré pour les
prochaines étapes nos Néron nationaux n'éprouvent aucun gène à qualifier ces
destructions et ces feux qui consument les biens de la communauté d'Å“uvres
civilisatrices menées avec « un esprit citoyen pacifique » Ce sera le nouveau
cheval de bataille de toute une campagne médiatique menée sous la haute
supervision des maîtres à penser d'ailleurs spécialistes dans la distorsion de
l'information. Sans aucun scrupule ils élèveront les auteurs de ces troubles au
rang de héros de la démocratie et les regrettables victimes à celui de martyrs.
Des modèles à suivre pour notre jeunesse en quelque sorte !
Toute réduction
des prix est la bienvenue même si d'expérience on est convaincu qu'elle ne
vivra que le temps nécessaire à nos trabendistes d'éprouver le sérieux de
l'application des nouvelles règles mises en place à grand renfort de discours
d'autosatisfaction et de trouver les moyens de les contourner ou carrément de
les ignorer superbement. D'ailleurs les dernières exonérations de taxes
accordées dans le but de soutenir le pouvoir d'achat des produits de large
consommation n'ont permis qu'un fléchissement trompeur de courte durée dans les
prix avant que ces derniers ne reprennent l'ascension avec plus de vigueur,
entraînant dans leur sillage les autres marchandises. Quant aux avantages de
ces largesses pompeusement clamées au nom du pauvre on se doutait bien qu'elles
finiraient par renflouer les caisses des barons de l'import import.
L'illustration parfaite du fameux « avoir le beurre et l'argent du beurre ! »
Ce genre de
réaction pour parer au plus urgent demeure en deçà de la solution adéquate et
participe juste d'une énième fuite en avant que le pays paiera au prix fort. La
spirale des prix est devenue endémique et incontrôlable avec les moyens
invariablement utilisés malgré leur inanité consacrée. Continuer, par dépit, à
taper sur le pauvre commerçant du coin n'a aucune chance d'influer durablement
sur les mécanismes du marché. A cause du laxisme et d'une coupable complaisance
trop de mauvais comportements se sont ancrés solidement dans la culture de la
société pour que demain le père de famille soit assuré de remplir son couffin
avec des prix raisonnables et une qualité irréprochable. Trop de promesses sans
lendemain nous ont gavé jusqu'à la nausée.
La véritable
bataille à livrer se situe aux frontières : la maîtrise de la gestion des
importations pour l'aval et la lutte contre l'hémorragie des produits de
première nécessité vers les pays riverains. On peut bien, tant que nos
ressources le permettent, palier à nos carences par l'importation massive et en
catastrophe. Mais jusqu'à quand jouer le pompier ? Il y a des limites qu'il ne
faut pas ignorer.
Dans l'attente de
trouver des solutions autres que de faire turbiner à plein rendement la planche
à billets, parions plutôt sur la longévité de l'accalmie produite par cette
avalanche providentielle d'augmentations de salaires et de rappels pour les
uns, de dégrèvements et d'exonérations d'impôts pour les autres.
Quant à compter
sur une hypothétique indulgence de l'autre camp maintenant qu'il a éprouvé les
capacités de résistance du pouvoir et goûté à la victoire facile, il faut en
faire son deuil. Ce ne sera qu'un sursis de plus. Ce genre de triomphe décuple
l'appétit et enfante beaucoup de prétendants et de héros !
Le véritable
problème est ailleurs et il faut avoir la volonté de prendre à bras le corps
l'éradication des causes profondes qui font le terreau de tous les malaises qui
minent la société et imposer les solutions quelqu'en
soit le prix à payer. La corruption, les passe-droits, l'impunité, le laxisme
l'absence de justice sociale etc.…Ces phénomènes organiquement liés à l'absence
de protection des biens de la communauté nationale et de contrôle de l'état ont
permis l'érection vertigineuse de ces empires de la magouille à grande échelle
qui accablent la société et la défient outrageusement par leur insolence à
cause de leur origine notoirement douteuse.
Tant qu'il n'y a
pas une distribution équitable des richesses et que l'écrasante majorité
n'arrive pas à joindre les deux bouts alors qu'une infime partie se vautre avec
une arrogance blessante dans des positions sociales injustement accaparées au
vu et au su de tout le monde, l'émeute ne connaitra
que des répits, des périodes de basse tension qui préparent dangereusement
l'accumulation explosive. Elle ne s'éteindra qu'avec la disparition totale de
ses causes ou du moins une volonté manifeste et sincère de les combattre. Notre
Pays est-il condamné à garder ce profil bas et timoré dans la lutte contre ces
fléaux pour ne pas heurter la susceptibilité de quelques hâbleurs prétendument
soucieux des droits de l'homme et mettre en péril la stabilité de notre pays ?
Dans les mêmes conditions comment réagiraient-ils chez eux ?
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Posté Le : 06/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amara KHALDI
Source : www.lequotidien-oran.com