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"Trump instrumentalise l'Arabie saoudite pour des objectifs politiques"



Liberté : Les membres de l'Opep et leurs partenaires non-Opep ont décidé les 22 et 23 juin dernier d'augmenter leur production d'un million de barils par jour à même de compenser une baisse de l'offre constatée chez certains producteurs. Cette décision est-elle de nature à remettre de l'équilibre sur le marché, ou bien faut-il s'attendre à un effet retour de manivelle 'Olivier Rech : La décision d'augmenter la production d'un million de barils par jour n'est pas mentionnée dans les communiqués officiels de l'Opep des 22 et 23 juin. Ce chiffre ne peut donc être considéré comme une cible, encore moins comme un engagement. Mais il est clair que c'est un ordre de grandeur, un peu excessif à mon sens, qui correspond à celui de la réduction de l'excédent sur le marché depuis la décision de réduction de production en novembre 2016. Or, cette réduction de production a produit un résultat tout à fait satisfaisant comme en témoigne la remontée régulière du prix du baril au cours des derniers mois. La décision du 23 juin revient dans l'ensemble à stabiliser le prix proche de son niveau actuel. Donc, pas de crainte de retour de manivelle.
Le président américain ne cesse d'exercer une pression sur l'Opep et les grands producteurs de brut, dont l'Arabie saoudite et la Russie, pour obtenir une nouvelle hausse de la production qui serait de 2 millions de barils/jour et, par la même, une baisse des cours. Comment voyez-vous la réaction du marché à ce jeu de pressions auquel s'adonne Donald Trump '
Ma lecture de ces pressions exercées par l'administration Trump est un levier d'instrumentalisation de l'énergie, en général, et de l'Arabie saoudite, en particulier, au service des objectifs de politique internationale des Etats-Unis. Cela ne peut être perçu que de façon négative par les pays avec lesquels les Etats-Unis entretiennent des relations difficiles, voire quasi conflictuelles, tels que l'Iran, le Venezuela et la Russie. Si l'on ajoute les pressions exercées sur les pays consommateurs, comme l'Inde par exemple, c'est le principe même du marché qui apparaît menacé. Ce qui est le comble de la part des Etats-Unis qui se revendiquent être les champions de la liberté d'entreprendre et de commercer.
Si le président américain venait à mettre à exécution ses sanctions contre l'Iran et le Venezuela, à l'heure où la guerre commerciale entre les Etats-Unis et nombre de leurs partenaires redouble de férocité, comment voyez-vous l'évolution du marché pétrolier dans les mois à venir '
Pour l'heure, le prix reste guidé par les forces naturelles de l'offre, de la demande et des décisions prises par l'Opep. Mais mon analyse est que le risque de déstabilisation augmente de nouveau. Et j'accorde une probabilité de 30% à une évolution conflictuelle de la situation au Moyen-Orient et à une forte réaction à la hausse du prix du pétrole vers la fin de l'année 2018.
Y aurait-il un risque d'implosion au sein de l'Opep si l'Arabie saoudite venait à satisfaire les demandes incessantes du président américain, sachant que nombre de pays membres de l'Opep ne sont pas en mesure d'équilibrer leurs budgets avec un baril de moins de 70 dollars '
Comme je l'ai évoqué, l'administration Trump ne dissimule pas sa stratégie d'instrumentalisation vis-à-vis de l'Arabie saoudite. L'Opep a déjà traversé des périodes de crise et de conflit interne larvé, mais je pense que la question du passage de témoin entre la génération qui a piloté l'Opep au cours des 30 et 40 dernières années et celle qui, à l'image du prince Salman d'Arabie saoudite, entend prendre sa place dans l'Histoire mérite d'être posée. Rien ne garantit que les principes et intérêts partagés par les pères fondateurs au sein des principaux pays producteurs le seront par les fils, surtout dans le contexte d'une fragmentation croissante des relations internationales.


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