Dans cet entretien, Samir Bellal analyse les enjeux liés à l'Accord d'association avec l'UE et, plus globalement, l'ouverture externe de l'économie algérienne. Il plaide à la fois pour l'abolition de celui-ci et pour «l'insertion de l'Algérie dans la division internationale du travail».Une note interne envoyée par Sellal à la direction générale des douanes stipule qu'aucune marchandise importée ne peut profiter d'une franchise de frais de douanes. Cette mesure est-elle une remise en cause de l'Accord d'association avec l'UE'Je n'en sais pas plus que vous. Mais selon les interprétations avancées ça et là, il s'agit bien d'une remise en cause de l'Accord d'association, du moins dans son volet commercial. En attendant que l'information se confirme, il s'agit de s'interroger sur le bien-fondé d'une telle décision du point de vue de l'intérêt national. La question est de savoir si, dans son volet économique, l'Accord d'association avec l'UE a été bénéfique pour notre pays. La réponse est, de mon point de vue, négative. Notre pays n'a, sur le plan économique, pas tiré profit de cet accord puisque, 10 ans après sa signature, l'Algérie est demeurée un simple marché où viennent se déverser les marchandises venues d'Europe ou d'ailleurs.Le démantèlement tarifaire qui s'apparente à un désarmement douanier n'a fait qu'accroître nos importations de marchandises. L'ouverture de nos frontières externes n'a pas entraîné une dynamique d'investissement ou de transfert de technologies. Notre pays s'est, au contraire, enfoncé dans sa spécialisation dans l'exportation des hydrocarbures. La remise en cause du volet économique de l'Accord d'association constitue de mon point de vue une prise de conscience, tardive il est vrai, que notre pays est allé trop loin dans son ouverture externe. Toutes les études montrent aujourd'hui que l'économie algérienne est, comparativement aux économies de la région, la plus ouverte sur l'extérieur. Une telle situation n'est pas sans lien avec le fait que le pays dispose d'une rente externe considérable. Avec la chute des prix du pétrole, la situation devient intenable.Cette réaction de l'Algérie coïncide avec le rejet de l'UE de la politique des quotas en matière d'importation instaurée par l'Algérie qui, selon l'UE, est non conforme aux dispositions de l'accord. L'Algérie est-elle en train d'engager un bras de fer avec l'UE pour négocier en position de force l'accord en question'Mais, par-delà les considérations liées à la conjoncture qui prévaut sur le marché des hydrocarbures, le problème se pose de savoir quel type d' insertion dans le marché mondial nous voulons pour notre pays. Beaucoup d'économistes vous diront que l'Accord d'association a été mal négocié. Pourquoi' parce que l'Algérie a fait trop de concessions sans contrepartie. On aurait voulu brader les intérêts du pays en signant cet accord, on n'aurait pas fait mieux.Les concessions sont d'autant plus incompréhensibles et injustifiées que notre pays n'exporte que le pétrole et le gaz, c'est-à-dire des produits qui, de toutes façons, trouveront preneurs.Nous ne sommes pas dans une configuration où les deux partenaires ont les mêmes atouts. Dans ce type de situation, il me semble qu'il ne faut pas s'embarrasser de considérations juridiques. Si la sauvegarde de l'intérêt national dicte la dénonciation d'un accord, alors, il faut le dénoncer. Je crois que l'évolution de la situation économique du pays va nous amener, tôt ou tard, à faire le bilan critique de la politique économique menée depuis 1999.Justement, l'Algérie a déjà eu à exprimer sa volonté d'aller vers une révision profonde de cet accord. Concrètement, qu'est-ce que l'Algérie peut tirer de positif de cet accord'Face à la mondialisation, ou ce qui s'apparente à une ouverture imposée de l'extérieur, la gamme de choix politiques de l'Etat est très large, d'autant plus que, contrairement à ce qu'enseigne la théorie orthodoxe du commerce international, les relations internationales ne se réduisent pas à des relations marchandes, mais font souvent intervenir de façon décisive des négociations d'Etat à Etat. Il appartient donc à l'Etat algérien de bien négocier, de faire en sorte que notre économie ait une chance, ce que d'autres pays ont réussi à faire, de s'insérer un jour activement dans la division internationale du travail.Devant une telle situation, deux options s'imposent à l'Algérie: l'abolition de l'accord et l'adhésion à l'OMC. Non'Le plus important dans cette situation, ce sont les arrangements internes. Il ne suffit pas de fermer les frontières. Il faut substituer à l'ouverture externe une ouverture interne. La libéralisation externe n'a fait qu'enfoncer notre pays dans sa dépendance vis-à-vis du secteur des hydrocarbures. Il nous faut à présent une libéralisation interne, c'est-à-dire une ouverture d'accès qui créerait les incitations à produire plutôt qu'à consommer. Le mode de régulation de l'économie doit changer de façon à favoriser la production au détriment de l'importation. Il va sans dire que pour qu'un tel changement se produise, il faut une volonté politique. Il faut sortir du régime rentier. Tel est le défi économique qui se pose à l'Algérie.Certains disent que la mesure a été prise pour faire barrage à l'hémorragie que subit l'euro.Depuis juin 2014, tout indique que nous sommes en présence de la fin d'un cycle. Notre régime rentier est entré dans un nouveau cycle qui nécessite des ajustements qui iront dans le sens opposé de tout ce qui a été entrepris de 1999 à ce jour: dévaluation du dinar, contrôle des importations, austérité budgétaire, privatisations, réduction des subventions, etc. Et tout indique que nous ne sommes qu'au début du processus. Cet ajustement, il ne faut pas se faire d'illusions, aura un impact social des plus douloureux, d'où cette hésitation des pouvoirs publics à aller de l'avant dans cette direction.
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Posté Le : 25/02/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Amar INGRACHEN
Source : www.lexpressiondz.com