Pour la première fois depuis l'indépendance, un régime algérien accepte une invitation officielle de faire défiler des membres de son armée dans les festivités du 14- juillet. À la seconde même de ce faire-part, une effervescence de réactions, ici et là, se met en place pour traiter de la question.On n'attend pas la réponse officielle de la part des plus hauts responsables de l'Etat algérien que les langues se délient pour ou contre cette invite, que d'aucun trouvent incongrue. Originale par le fait de ce degré zéro de la rationalité, qui est que l'ancien colonisateur invite son ancien colonisé, et que depuis assez longtemps, ce même ex-colonisé demande que l'ancien colon fasse des excuses officielles sur son passé monstrueux en Algérie alors que la demande officielle algérienne n'a jamais été faite et -logique- les responsables Français n'ont pas à donner de réponse sur une question qui n'a pas été posée. D'un côté et de l'autre de la Méditerranée, les officiels demeurent dans les positions protocolaires des «meilleures lectures» de l'histoire commune.Qui n'entraveraient pas les relations bilatérales afin de bâtir le devenir des générations à venir, définitivement dédouanées des tourments du passé.Les partisans du pardon, ressortissants vivant en Algérie, émigrés depuis longtemps en France ou binationaux, quelles que soient leurs charges passionnelles et les obédiences de leur culture, trouvent sordide et inconséquent -traître même- l'acceptation de l'invitation et disent qu'elle participe du dénigrement de la gloire des martyrs de la Révolution et de l'hypothèque des grandes valeurs patriotiques à ancrer dans l'esprit de la jeunesse algérienne.Certains détracteurs de cette décision -finalement prise par le chef de l'Etat en personne- dont des intellectuels, qui interviennent régulièrement dans les médias, étayent leur explication en se basant sur l'aspect «factice, parce que forcé de cet héroïsme» du fait que les dizaines de milliers de soldats algériens partis dans les tranchées comme «chair à canon» étaient enrôlés contre leur volonté par la puissance coloniale, comme ceux qui ont été arrachés à leur foyer pour aller combattre contre les nazis ou en Indochine.Mais il y a aussi des citoyens qui pensent la chose autrement, même lorsqu'ils ont vu nos trois soldats défiler stoïquement, emblème algérien en main, avec la quatre-vingtaine de délégations invitées. Pour cette catégorie de citoyens, l'idée et la volonté de dénoncer tout ce qui rappelle le joug colonial et les monstruosités des troupes d'occupation et de spoliation, ne doivent pas, en revanche, occulter le côté de la culture française, reconnu à travers le processus de l'évolution humaniste dans les échanges entre les individus et les groupes, qu'on ne doit pas dénigrer quand il est inscrit sur les principes des droits de l'Homme et des libertés. C'est dans cet esprit qu'il faut saisir l'approche de la réponse à l'invite, qui ne veut pas dire que le fait d'aller sur les Champs-Elysées habillé en officiel, est une faillite de la conscience du devoir, une corruption de la mémoire. Nous vivons déjà une décennie et demie dans le troisième millénaire et la compréhension des affaires du monde ne tolère aucun accès de ressentiment capable d'engourdir le cheminement vers le progrès. Il y a une réalité qu'on peut difficilement occulter, sauf à titre individuel, selon la liberté de chacun, dans un environnement démocratique, l'Algérie, aujourd'hui, possède tous les moyens pour traiter avec une France de la réalité du présent et du devenir, le passé ayant sa place dans le cas où il n'est pas utilisé sous la formule de la subordination. Des fractions populaires, dans les deux rives, pour un intérêt ou un autre, trouvent leur compte dans le rappel permanent des blessures du passé. Selon quoi il ne peut y avoir d'évolution sans que sur les rapports d'échange il ne vienne se greffer un niveau de victimisation.Enfin, certains pensent et croient que depuis ce juillet 2014, avec la parade des trois soldats algériens, quelque chose a vraiment pris le départ entre l'Algérie et la France. Nul ne sait ce qu'il se fut tramé véritablement dans la tête de François Hollande en invitant l'armée algérienne à défiler pour une illustre double commémoration, mais ce qui est certain, c'est qu'au moins, à travers cet évènement, le régime algérien a usé de toute la force de la décontraction, voire d'assurance.N. B.
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Posté Le : 16/07/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nadir Bacha
Source : www.latribune-online.com