Algérie

Trois questions à Tramor Quemeneur



Auteur d'une thèse de doctorat soutenue dernièrement, Tramor Quemeneur est l'auteur d'»Une Guerre sans «non» ? Insoumissions, refus d'obéissance et désertions de soldats français pendant la guerre d'Algérie». Il s'est entretenu avec l'Abbé Davezies pour les besoins de son travail universitaire. Le Quotidien d'Oran: Dans quelles circonstances, Robert Davezies s'engage contre la guerre d'Algérie? Tramor Quemeneur: Robert Davezies est un prêtre ouvrier de la Mission de France, dont de nombreux membres ont été très tôt engagés contre la guerre d'Algérie. Il prend conscience de la situation coloniale en Algérie et des tortures qui y sont pratiquées par l'intermédiaire de deux autres prêtres ouvriers: Jean Urvoas, impliqué dans l'aide aux Algériens, dès le début de l'année 1955, et Bernard Boudouresques. Courant 1956, Robert Davezies s'oppose à la guerre d'Algérie dans un cadre légal, avant d'accepter d'aider les Algériens à la demande de Bernard Boudouresques, en juin 1957. Q.O.: Quelles formes a pris son engagement anticolonial? T. Q.: Robert Davezies fait partie des membres fondateurs du «réseau Jeanson», le principal réseau d'aide aux militants en France, créé en 1957 par le philosophe Francis Jeanson. Dans ce cadre, Davezies participe au passage illégal des militants algériens entre l'Espagne, puis l'Allemagne et la Suisse, et la France. C'est d'ailleurs lui qui a infiltré, en France, les membres du commando qui a vainement cherché à exécuter le ministre Jacques Soustelle. A partir de 1958, il participe aussi à la collecte des fonds de la Fédération de France du FLN. Même si le «réseau Jeanson» est ébranlé par plusieurs arrestations, en 1960, Robert Davezies continue son aide au FLN, dans le cadre du réseau du militant communiste juif égyptien Henri Curiel. Robert Davezies contribue, enfin, à la création de «Jeune Résistance», structure de déserteurs et d'insoumis français réfugiés en Suisse. Mais il est arrêté en janvier 1961 et condamné à trois ans de prison, peu avant le cessez-le-feu. Il est incarcéré à Fresnes avec les autres militants algériens et français. C'est là qu'il apprend la signature des Accords d'Evian. Q. O.: Ce parcours «algérien» fait-il de lui une figure marquante de l'opposition des Français à la guerre d'Algérie? T. Q.: Assurément. Il a lutté infatigablement tout au long de la guerre. De plus, il a écrit plusieurs livres sur cette page. En 1959, il a publié «Le Front», un recueil de témoignages d'Algériens, avant d'écrire «Le temps de la justice» et «Les abeilles»: deux récits sur la lutte contre la guerre d'Algérie et la vie des militants incarcérés. Le conflit terminé, Robert Davezies a milité en faveur des opposants français à la guerre d'Algérie dont certains sont restés emprisonnés jusqu'à la fin de l'année 1963. Ils étaient alors un peu oubliés de tous. Il a aussi oeuvré en faveur de leur amnistie qui n'est intervenue qu'en 1966. Enfin, Robert Davezies a continué à soutenir les mouvements de libération nationale, notamment angolais. On peut dire que toute sa vie a été marquée par l'expérience fondatrice de la guerre d'Algérie contre laquelle il s'est totalement investi.


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