Algérie

Trissiti, L'Algérie sous haute tension !



Trissiti, L'Algérie sous haute tension !
Attention, et la prédiction n'est pas celle d'une Cassandre, l'électricité pourrait être l'énergie d'un futur «printemps arabe» en Algérie ! Le sujet est suffisamment sérieux et grave pour dissuader de vaticiner à ce propos, ici même, comme un vulgaire Nostradamus. Surtout pas car il y a de l'électricité dans l'air et c'est toute l'Algérie qui est sous tension nerveuse, extrême, frôlant ces jours-ci le collapsus énergétique. Qu'en en juge : plus de 20 wilayas plongées récemment dans le chaos noir, y compris Alger, devenu en soirée de Ramadhan une ville fantôme, à cause de pannes généralisées et de coupures ponctuelles mais répétitives. La faute à qui ' Aux climatiseurs ' Aux consommateurs compulsifs d'une électricité bon marché' A la Sonelgaz et à son PDG ' A l'incompétence ou à Pas de chance ' Ou plutôt à l'absence d'une politique énergétique où les maîtres-mots auraient été la prévoyance et la planification d'un Etat stratège ' En fait, pour y voir plus clair, on dirait qu'il s'agit d'un peu de tout cela. Et que rien ne sert d'électrocuter le PDG de Sonelgaz en l'accablant du poids insoutenable des délestages et des pannes de courant. Qu'on se le dise franchement, Noureddine Bouterfa est un manager compétent et sérieux, mais c'est un patron émasculé, impuissant face à un Etat centralisateur et politiquement frileux. Et sans oublier, bien évidemment, une bureaucratie maladivement tatillonne et terriblement castratrice de toutes les bonnes volontés. Bien sûr, comme tout gestionnaire algérien, «normal», Bouterfa communique mal, peu ou prou, ce qui n'arrange pas ses affaires, loin s'en faut. Ceci dit, le problème est beaucoup plus complexe que cela et la question n'est pas tant dans la communication qui met l'accent sur la multiplication des climatiseurs et la propagation d'une «culture du confort» chez les Algériens. Il ne réside pas dans la production, suffisante au demeurant, de près de 50 000 GW/H en 2011, ni, non plus, dans le taux d'électrification de 99%, l'un des plus élevé au monde. Les causes, à l'origine directe ou indirecte des coupures récurrentes sont, dans le désordre, un réseau de transport fragile qui craque de partout, un système de distribution quasi obsolète, des déprédations et des dégradations qui provoquent des pannes fréquentes, partout dans le pays. En même temps, une augmentation considérable de la consommation générale, due à l'amélioration du niveau de vie des Algériens, notamment avec un pic de plus de 30% en été, seuil au-delà duquel des délestages ou des ruptures involontaires sont inévitables. Ce que M. Bouterfa appelle, sans la déplorer, une «culture du confort». Une qualité de vie caractérisée notamment par l'augmentation presque exponentielle de climatiseurs et de chauffages électriques, dont des modèles, particulièrement énergétivores, sont de plus en plus disponibles sur le marché. Pour compléter le tableau des points noirs, ajoutez les fraudes et les branchements anarchiques qui ne sont pas, loin de là, un phénomène marginal. Face à cette situation pour le moins électrique, il y a la Sonelgaz, opérateur unique, en situation de monopole parfait et socialement légitime, mais qui ne lui permet pas pour autant de s'acquitter, sans encombre, de son cahier des charges. La Société nationale de l'électricité et du gaz est un tigre en papier, un mastodonte aux pieds d'argile. L'entreprise est dans l'endettement structurel et ne parvient pas, malgré les subventions étatiques, importantes mais insuffisantes, à faire face, à elle seule, aux indispensables investissements d'entretien et de développement. Sonelgaz a, en la matière, dix ans de retard sur les prévisions, et a besoin, selon son PDG, de 80 milliards de dollars, à l'horizon 2030, affectés aux 2/3 aux énergies renouvelables et pour le tiers restant à l'efficacité énergétique. Investissement colossal s'il en fut, qui nécessite de l'Etat qu'il soit au plus clair sur la question. Or, la compagnie souffre d'un manque de visibilité politique et de l'immobilisme de l'Etat qui ne l'aide guère à pratiquer un prix à la consommation qui couvrirait beaucoup plus que ça n'est le cas actuellement ses coûts d'investissement. Tous les experts s'accordent à dire que le niveau d'investissement est supérieur aux revenus de Sonelgaz qui souffre par ailleurs d'un très faible taux de recouvrement de créances importantes détenues par les collectivités locales et autres organismes publics. Sans compter aussi les préjudiciables retards dans l'exécution des plans d'investissement, imputables aux extraordinaires lenteurs bureaucratiques, particulièrement les approbations de travaux de sous-sols et l'accès aux assiettes foncières. La responsabilité de l'Etat est donc grande et entière, même si on aurait des choses à dire ou à redire sur la qualité intrinsèque du management de Sonelgaz. Structurellement liée à la problématique des investissements, la question des tarifs à la consommation est cruciale. Les prix, qui doivent suivre le cours de l'inflation et indexer les coûts d'investissement, devraient être augmentés annuellement de 11%, selon les prévisions officielles. Or, et c'est là où le bât de l'Etat blesse le baudet Bouterfa, les pouvoirs publics ne veulent pas augmenter les tarifs, déjà bloqués depuis 2005. Pour des raisons politiques évidentes. L'Etat, qui redoute tant l'explosion d'un «printemps arabe» en Algérie, craint comme la peste bubonique des émeutes énergétiques qui suivraient le rythme des pannes et des délestages. On a bien vu déjà, dans les régions du Sud comme récemment à Constantine, à quel point la «trissiti» peut électriser le peuple et mettre le régime sous haute tension. Et on sait depuis Thomas Edison que par delà un confort général de vie domestique, l'électricité, c'est l'eau, et l'eau c'est naturellement la vie. Et la vie ordinaire en Algérie, c'est désormais un climatiseur dans l'enfer caniculaire. Un climatiseur qui fonctionne, sans accrocs. Sinon, c'est l'émeute de l'électricité qui peut allumer un «printemps arabe».
N. K.


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