Algérie

Triple A perdu : une mauvaise note pour la gouvernance Sarkozy



La France a perdu son triple A. Le gouvernement de M. Nicolas Sarkozy tente de minimiser après avoir de la préservation du triple A un objectif primordial. Même si les fondamentaux de l'économie française ne sont pas mauvais, la perte du triple A est un mauvais signal. Il constitue d'abord une appréciation critique de la qualité de la gouvernance française.

Le coup est rude même s'il était attendu. La France, l'un des emprunteurs les mieux cotés par les investisseurs en quête de placements sûrs, sort de la cour très fermée des meilleurs risques souverains. La qualité de ses emprunts parés du triple A était l'une des toutes premières références pour les financiers. Il n'est pas sûr cependant que les prêteurs répercutent immédiatement sur les taux d'intérêts des futures émissions obligataires d'Etat, la dégradation signifiée le 14 janvier 2012 par l'agence Standard & Poors (S&P). Il est vrai que, déficits budgétaire et de la balance des paiements, mis à part les fondamentaux de l'économie française ne sont pas désastreux, loin de là. Mais, la rétrogradation de AAA à AA+, de Prime à High grade dans le jargon des agences de notation, de la signature française sur les marchés internationaux des capitaux est, malgré sa minimisation par Paris, un fort mauvais signal. Si d'autres pays ont connu pareille décote, il s'agit d'un recul sans précédent pour la France. Depuis que le système de notation existe, Paris n'avait jamais perdu la note suprême dont seuls bénéficient aujourd'hui douze pays (1) aux économies considérées comme solides et bien gérées. Mais il ne s'agit pas seulement d'un problème d'image, les coûts d'emprunts français découplés de ceux de l'Allemagne depuis plusieurs mois vont certainement augmenter à terme, creusant l'endettement public externe et réduisant les marges de manÅ“uvre des pouvoirs publics confrontés à une situation difficile et à des perspectives économiques défavorables.

IMPACT SUR LES BANQUES FRANÇAISES

Les investisseurs imposent un taux d'intérêt supérieur à 3% sur les obligations françaises contre 1,75 % pour l'Allemagne dans un contexte où la croissance de l'économie française est bien en deçà des attentes, 0,5% contre 1% espéré. Les indicateurs annoncent une descente vers une récession dont les effets seront accentués par les plans de rigueur et la réduction subséquente de la consommation des ménages, un des moteurs traditionnel de l'activité en France. Mais les conséquences de la perte du triple A, vécue comme une atteinte au prestige national, ne s'arrêtent pas à ces niveaux. Les banques créditrices de l'Etat français, au premier rang desquelles les banques françaises elles-mêmes, vont devoir réajuster à la baisse la valeur de leurs bilans et la perception du risque représenté par les banques françaises naturellement dégradée. Cela n'est pas sans effet dans un environnement caractérisé par une crise de confiance larvée où, comme au plus fort de la tempête des subprimes fin 2008, les banques hésitent à se prêter entre elles. D'autant que la France n'est pas seule à voir sa note revue à la baisse, d'autres pays comme l'Italie, l'Espagne et l'Autriche notamment connaissent le même sort. Ces dégradations pénalisent les détenteurs de créances de ces pays dont les portefeuilles se ressentiront mécaniquement de la décision de S&P. La Chine, important créancier de la zone, a d'ailleurs exprimé son mécontentement en arguant que les agences de notation participent à l'amplification de la crise.

DESAVEU POLITIQUE D'UN PILOTAGE A VUE

Mais le cas français, deuxième économie européenne, est beaucoup plus chargé de significations. La première est que la crise des PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne, sans compter l'Irlande) a contaminé un des moteurs de l'eurozone. Cela n'augure rien de bon dans la perspective d'un rebond de la crise de la dette, tout à fait envisageable dans un marché mondialisé très nerveux. D'autant plus que la sanction infligée à la France est un désaveu de sa politique économique jugée inefficace et en deçà du niveau requis par la situation. L'aggravation du niveau d'endettement et le déficit de la balance des paiements illustrent l'impasse stratégique dans laquelle se trouvent les décideurs français. L'agitation effrénée du chef de l'Etat français ne masque pas une réelle impuissance face au recul tendanciel dû à la perte de compétitivité globale de l'économie française. Pour les marchés, les médications préconisées par le ministre des Finances relèvent du pilotage à vue. L'aggravation de la crise du fait des plans de rigueur successifs, la hausse significative du taux de chômage en est une claire indication, n'est toujours pas évaluée correctement. Les responsables de S&P l'énoncent sans ambages. Moritz Kraemer, responsable des notations souveraines européennes de l'agence enfonce le clou : ««Un processus de réformes basé sur le seul pilier de l'austérité budgétaire risque d'aller à l'encontre du but recherché.» Dans ce contexte, le discours gouvernemental est étonnamment convenu et sans profondeur. L'erreur de diagnostic pointée par S&P n'est pas admise par des autorités économiques enfermées dans un discours qui attribue la responsabilité du recul français à la crise globale et aux dépenses sociales. L'absence de vision stratégique qui caractérise la formulation et la conduite des politiques économiques préoccupe les analystes. La perte du triple A n'est pas seulement la traduction d'un recul relatif de l'économie et d'une aggravation des déficits, il exprime incontestablement l'évaluation critique de la qualité de la gouvernance française.

(1) Allemagne, Australie, Canada, Pays-Bas, Luxembourg, Danemark, Finlande, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Norvège et Singapour.




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