Algérie

Tripartite et développement économique: Le PPP entre privatisation «soft» et cupidité



Le partenariat public-privé (PPP) recherché par les partenaires sociaux convoque la règle 66/34 introduite dans la loi de finances 2016 pour lier «l'entreprise publique à l'entreprise privée»En parallèle de l'article 66 qui codifie l'investissement étranger par la règle 51/49, la loi de finances 2016, par son article 62, préconise pour l'investissement national la règle 66/34. «Les entreprises publiques économiques (EPE) qui réalisent des opérations de partenariat à travers l'ouverture du capital social en direction de l'actionnariat national résident, conformément à la législation en vigueur, doivent conserver, au moins 34% du total des actions ou des parts sociales (…)», stipule l'article. Le ministre de l'Industrie et des Mines et celui des Finances avaient affirmé, à cet effet, que «l'ouverture du capital des entreprises publiques est devenue possible mais ne doit se faire qu'au profit d'entités nationales privées résidentes en Algérie» Ce qui a créé des remous entre les milieux d'affaires et l'UGTA, précisément entre le président du FCE et le secrétaire général de la Centrale syndicale. Ali Haddad avait appelé le gouvernement à ouvrir tous les secteurs -sans exception- à l'investissement privé. Il a tout de suite vu grand et a proposé l'ouverture de capital de secteurs publics névralgiques (aérien, maritime, énergétique…) aux privés. «Désormais, le capital de Sonatrach et de Sonelgaz peut être ouvert au privé», a-t-il déclaré. Abdelmadjid Sidi Saïd a poussé son secrétaire national chargé des relations générales avec les partis politiques et les associations pour affirmer qu'«il ne faut pas délirer ou rêver de la privatisation de Sonatrach, de Sonelgaz, ou même des autres entreprises publiques, il y en a qui ont essayé auparavant mais se sont cassé les dents et se sont même tapé la tête contre le mur» (Voir le Quotidien d'Oran du 16 décembre 2015). «Au lieu de s'échiner à remettre au goût du jour la privatisation des entreprises publiques, il y a mieux à faire et à réaliser par rapport à la crise économique qui risque de frapper de plein fouet les entreprises de tous les secteurs et de tout statut», a-t-il ajouté. Sidi Saïd dira au patron du FCE qu'«au lieu d'utiliser des mots à la limite de la violence qui ne servent à rien sinon à se mettre en relief inutilement, il faut accompagner l'UGTA dans ses encouragements aux entreprises publiques et privées (…), à conjuguer et à rassembler les efforts de tous, pour renforcer l'outil de production, adouber la production nationale à des processus de performance établis à travers le monde (…). »
Une Charte d'éthique pour une privatisation «soft»
Processus que le gouvernement et Sidi Saïd désignent aujourd'hui par le PPP (Partenariat Public-Privé). L'INPED (Institut national de la Productivité et du Développement industriel) en a même consacré en février 2016 des cycles de formation qu'ont animés d'importants spécialistes. Sauf que le PPP défendu par Sidi Saïd n'a rien à voir avec celui enseigné à l'INPED où il s'est agi de formation «dans le montage et l'ingénierie technique, financière, économique, sociale et environnementale de grands projets à réaliser en partenariat public-privé». (Voir le Quotidien d'Oran du 22 mars 2016.) «La conception, la réalisation, la maintenance, l'exploitation des grands projets publics en partenariat public-privé (PPP), sont aujourd'hui des stratégies centrales des Etats (pays industrialisés comme les pays émergents,(…) qui utilisent les PPP pour avancer dans la modernité et pour répondre aux attentes socio-économiques de la population», est-il noté. Les professeurs formateurs ont averti que «les PPP ne doivent être confondus avec les contrats de partenariats classiques, tels entre autres la mise en contrat de management d'un actif public, les contrats d'association dans le domaine des hydrocarbures, la cession partielle du capital des entreprises publiques, (…)» Reste que les raisons de recourir au PPP sont les mêmes chez les académiciens et chez les politiques. «Le recours aux contrats de PPP est en partie lié à la difficulté croissante de la personne publique, des pays industrialisés comme des pays en développement, à financer les investissements lourds», ont expliqué les spécialistes invités par l'INPED. Ils ont affirmé que «l'augmentation des dépenses de fonctionnement, le poids des déficits budgétaires et de la dette publique ont en effet contraint la personne publique, qu'elle soit nationale (ministères et autres institutions) ou locale (municipalité, région…), à différer la réalisation de nombreux grands projets d'importance, voire l'entretien des infrastructures et des équipements existants»
La charte du PPP qui va être paraphée samedi par le gouvernement, l'UGTA et les organisations patronales, ne codifient certes pas ce mode d'emploi enseigné par l'INPED. Elle n'aura rien d'académique, ni d'ailleurs de juridique ou de réglementaire.
Cette cupidité qui fausse le développement
L'on dit qu'«elle adoptera plutôt des principes d'éthique pour qu'entreprises publiques et privées puissent construire un partenariat qui leur soit bénéfique, à toutes les deux» Pour que la Charte puisse anticiper l'ouverture du capital des entreprises publiques comme le veulent les patrons privés, elle doit reposer sur une assise juridique à laquelle l'article 62 de la LF 2016 peut répondre sans ambiguïté. Les hommes d'affaires revendiquent le management et la réorganisation du fonctionnement des EPE contre d'éphémères engagements comme le maintien des collectifs des travailleurs et autres cotisations sociales.
Le PPP version tripartite du samedi -sauf subterfuges démagogiques- est ainsi annonciateur «à moyen terme» de la cession «graduelle» du secteur public au profit du privé. Ce qui signifie un début de privatisation «soft» comme aime Sidi Saïd à la qualifier. Une décision votée en premier, pour rappel, par le Conseil national de transition (CNT) avec la bénédiction de l'UGTA, quand le pays était en pleine tourmente sécuritaire. Sans résultats. Pourtant, exécutée sur la base de règles économiques, de concurrence et de compétitivité claires, elle aurait propulsé le pays vers des horizons de développement sereins et prometteurs. Comme ce qui se fait à travers le monde, le privé national aurait gagné sans duperie ni artifice la place de premier constructeur d'une économie moderne.
Tout autant que les hommes d'affaires, les gouvernements se sont toujours cachés derrière des comportements hypocrites pour liquider avec cupidité ce qui reste du secteur public après sa casse dans les années 90 sous prétexte de conditionnalités du FMI. La LF 2016 le leur permet bien aujourd'hui. Un alinéa de son article 62 stipule : «A l'expiration de la période de cinq (5) années et après constatation dûment établie du respect de tous les engagements souscrits, l'actionnaire national résident peut lever, auprès du Conseil des participations de l'Etat une option d'achat des actions détenues par l'entreprise publique économique. En cas d'approbation par le conseil, la cession est réalisée au prix préalablement convenu dans le pacte d'actionnaires ou au prix fixé par le conseil.» Le dinar symbolique est tout indiqué. Les hommes d'affaires pourront s'emparer de plein droit des EPE puisqu'ils auront détenu dès le début 66% de leur capital. Un listing a été établi par les soins de l'UGTA qui en a placé en haut le secteur de l'électroménager et de l'électronique suivi par celui du BTPH et des matériaux de construction.


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