Dans les champs de patates, comme sur les plateformes de fabrication de parpaings, le phénomène du recours abusif aux enfants dans les durs travaux de manutention prend de l'ampleur à Mila.
Que la chose soit motivée par la simple débrouille ou dictée par la quête de survie, de prise en charge de frères et s'urs, ou encore de parents malades ou séniles, le syndrome de l'utilisation incontrôlée d'adolescents dans les activités manuelles épuisantes fait tache d'huile dans les souks, les exploitations agricoles et les chantiers de fabrication de matériaux. En l'absence de tout contrôle et d'une réglementation claire régissant le recours à l'emploi de la main-d''uvre infantile lors des opérations de chargement et de déchargement de cargaisons de marchandises, des dizaines de mandataires du marché de gros de fruits et légumes à Chelghoum Laïd exploitent sans vergogne des gamins en contrepartie d'une rétribution souvent dérisoire. Cet énorme espace de négoce, ajouté à la plaque tournante de gros et de demi-gros de l'alimentation générale, dénommée « Sabalou », constitue pour ces centaines d'enfants, en quête de leur pain quotidien, des opportunités non négligeables de glaner quelque pécule modeste. Des gosses chétifs, malingres, et dont la physionomie et les yeux trahissent une certaine détresse sociale mêlée à l'innocence, trimballent, tous les jours que Dieu fait et pendant de longues heures, des caisses et des sacs de produits agricoles moyennant quelques dizaines de dinars. Adel et Mourad, respectivement âgés de 15 et 16 ans, résidant à quelques encablures du marché de gros de fruits et légumes (tous les deux exclus de l'école), ont troqué depuis déjà deux années la blouse scolaire contre celle de portefaix. Ils tirent cependant une fierté légitime de leur nouvelle situation. « Nous ne gagnons certes pas beaucoup, mais cela nous permet au moins de nous prendre en charge et de ne pas vivre aux crochets de nos parents », disent-ils.Chelghoum Laïd : plaque tournante du fléauSelon les témoignages rapportés, ils seraient des centaines de très jeunes enfants à pratiquer cette activité. Venant des agglomérations environnantes : Bouhatem, Ferdjioua, Mila, Ouled Khelouf, M'chira, Téleghma et Oued Seguène, ils débarquent chaque jour, par essaims, en dépit des aléas climatiques et des désagréments de la navette, au niveau des grandes sphères commerçantes, des surfaces agricoles et des lieux de fabrication de matériaux de construction de la localité pour s'adonner au rituel des exercices éreintants de la manutention. Dans les champs de récolte, tout comme sur les aires de confection du parpaing et du plâtre, nous avons constaté de visu une foultitude d'adolescents se livrant à des corvées harassantes de cueillette de la pomme de terre, de l'oignon et de la carotte, ainsi qu'au chargement de la brique et des agrégats. À en croire certaines indiscrétions, il semble que la formule appliquée d'un commun accord entre l'employeur et l'ouvrier intermittent consiste en le paiement de cette main- d''uvre juvénile, soit à l'heure, soit au poids de la cargaison, c'est selon. Les temps étant ce qu'ils sont, l'absence de perspectives et le chômage rampant aidant, les enfants optant pour ce genre de « métiers » précaires, ne rechignent nullement à la tâche. « Malgré leurs faibles attributs physiques et les maigres gains qu'ils en tirent, il y en a même qui supplient, (voire quémandent) qu'on leur donne à charger ou à décharger un camion de marchandises », affirme un grossiste en fruits et légumes. Une véritable exploitation de l'homme par l'homme qui ne dit pas son nom. Les organismes et institutions de contrôle et d'inspection, en charge de cette problématique, laissent faire et observent un mutisme inquiétant, pour ne pas dire complice vis-à-vis de ce mal qui gangrène la population infantile.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 06/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : M. Boumelih
Source : www.elwatan.com