Les 28 pays de l'UE tentent de s'accorder lundi sur la réforme de la directive du travail détaché, un dossier crucial pour Paris, qui a bataillé dur face aux pays de l'est de l'Europe, Pologne en tête.Cette réunion des ministres du Travail de l'Union à Luxembourg est un test pour la méthode de négociations au sein de l'UE du président français Emmanuel Macron. Après une campagne électorale française, où les extrêmes de droite comme de gauche avaient vilipendé "l'Europe du dumping social", M. Macron, à peine élu, avait réclamé un durcissement de la réforme du travail détaché, s'en prenant à la Pologne et aux trois autres pays du groupe de Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie), partisans d'un statu quo. "Nous espérons arriver à un accord et avoir tout le monde à bord", a déclaré lundi, en arrivant à la réunion, le ministre estonien du Travail, Jevgeni Ossinovski, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE.
'Salaire égal à travail égal'
"Nous avons travaillé très dur, ces derniers mois, ces derniers jours et même ces dernières heures pour surmonter les différends entre les pays sur ce dossier important", a-t-il ajouté. "Le diable est dans les détails, mais si tout le monde met de la bonne volonté, on peut avoir un accord", a estimé de son côté avant la réunion la commissaire européenne aux Affaires sociales, Marianne Thyssen, à l'origine de la réforme, présentée il y a dix mois, d'une directive datant de 1996. L'objectif majeur de la révision des règles européennes encadrant le détachement un système permettant à des Européens de travailler dans un autre pays que le leur, tout en cotisant dans leur pays d'origine c'est d'avoir un "salaire égal, à travail égal, sur un même lieu de travail". En effet, dans la directive initiale, il est simplement spécifié que les travailleurs détachés doivent toucher le salaire minimum du pays d'accueil. Or, l'élargissement de l'UE à l'Est en 2004, avec l'arrivée de dix nouveaux pays aux niveaux de vie et salaires plus bas a bouleversé la donne, engendrant une concurrence déloyale entre entreprises, ainsi que du dumping social.
En révisant la directive, l'exécutif européen veut désormais que toutes les règles valables pour les travailleurs locaux s'appliquent aux détachés: ainsi, par exemple, si le pays d'accueil prévoit une prime de froid, de pénibilité, d'ancienneté, un treizième mois, ces bonus devront aussi leur être versés.
Cabotage
Trois points posent cependant encore problème. Premièrement, la durée du détachement: l'exécutif européen a proposé de le limiter à 24 mois, mais la France, qui a réussi à convaincre l'Allemagne, les pays du Benelux et l'Autriche, plaide pour 12 mois.
Deuxièmement, la date d'application de la nouvelle directive: Paris souhaiterait qu'elle s'applique dans les deux ans suivant son adoption. La Commission a proposé trois ans, les pays de l'Est réclament cinq ans. Et troisièmement, le transport routier: ce dernier point est particulièrement délicat, car les pays de Visegrad, mais aussi l'Espagne et le Portugal, s'inquiètent des conséquences négatives de la réforme sur leurs chauffeurs. Jeudi soir, M. Macron a profité d'un sommet de l'UE à Bruxelles pour évoquer ce dossier en tête-à-tête avec le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. L'Espagne comme le Portugal, qui n'ont que la France comme porte d'entrée sur l'Union, effectuent des opérations de cabotage une pratique qui consiste à quitter un pays avec un véhicule et à charger puis décharger, à plusieurs reprises, dans un autre pays en France et concurrencent ainsi les routiers français. Selon deux sources proches du dossier, un compromis pourrait se dessiner, en appliquant aux chauffeurs routiers l'ancienne directive du travail détaché concernant la rémunération c'est-à-dire qu'ils recevraient le salaire minimum du pays d'accueil, mais pas les primes, jusqu'à ce qu'une autre réforme consacrée au transport routier spécifie les règles pour ce secteur.
Une délicate réforme
Le détachement des travailleurs, qui permet à des Européens de travailler dans un autre pays de l'UE que le leur, en cotisant au système de sécurité sociale de leur pays d'origine, est au c?ur d'une délicate réforme.
Qu'est-ce qu'un travailleur détaché'
Il s'agit d'un ressortissant de l'Union européenne envoyé par son entreprise dans un autre Etat membre pour y fournir un service à titre temporaire.
Selon la directive européenne de 1996, que la Commission européenne a proposé de réformer en mars 2016, le travailleur doit au moins être payé au salaire minimum du pays d'accueil, mais continue de payer les cotisations sociales dans son pays d'origine. Le nombre de travailleurs détachés a augmenté de près de 45% entre 2010 et 2014, selon les statistiques de l'UE les plus récentes. On dénombrait 1,9 million de détachements dans l'Union en 2014, contre 1,7 million en 2013 et 1,3 million en 2010. Un détachement dure en moyenne quatre mois. Au total, les travailleurs détachés ne représentent que 0,7% du nombre total d'emplois dans l'Union.
Où travaillent-ils'
Certains secteurs et certains Etats membres présentent une plus forte concentration de détachements que d'autres.
Le secteur de la construction regroupe à lui seul 43,7% du nombre total de détachements, bien que le recours au détachement soit également important dans l'industrie manufacturière (21,8%), les services liés à l'éducation, à la santé et à l'action sociale (13,5%) et les services aux entreprises (10,3%), selon des chiffres de la Commission européenne.
L'Allemagne, la France et la Belgique sont les trois Etats membres qui attirent le plus de travailleurs détachés, puisqu'ils reçoivent à eux trois environ 50% de l'ensemble des travailleurs accueillis dans le cadre d'un détachement. Parallèlement, la Pologne, l'Allemagne et la France sont les trois Etats membres qui détachent le plus de travailleurs.
Quels problèmes pose ce statut'
Depuis la directive de 1996, la conjoncture économique et la situation du marché du travail ont nettement changé. Avec l'élargissement de l'UE en 2004, où dix nouveaux pays, principalement de l'Est, sont entrés dans l'Union, suivis par la Roumanie et la Bulgarie en 2007, le marché unique s'est élargi et les écarts salariaux se sont creusés, ce qui a incité les entreprises à recourir au détachement pour tirer profit de ces écarts.
En outre, étant donné qu'avec la directive de 1996, les entreprises détachant des travailleurs ne sont tenues de respecter que les taux de salaire minimum en vigueur dans le pays d'accueil, il existe souvent d'énormes écarts entre le salaire des travailleurs détachés et celui des travailleurs locaux, surtout dans les Etats membres où les salaires sont relativement élevés.
Dans certains secteurs et dans certains Etats membres, les travailleurs détachés percevraient un salaire jusqu'à 50% inférieur à celui des travailleurs locaux.
L'existence d'écarts salariaux importants fausse la concurrence entre les entreprises, ce qui nuit au bon fonctionnement du marché unique. De plus, le détachement fait l'objet de nombreux détournements: non-déclaration, rémunérations inférieures au salaire minimum, dépassement des durées maximales de travail, hébergement indigne, etc.
Dumping social
En révisant la directive, l'exécutif européen veut désormais que toutes les règles valables pour les travailleurs locaux s'appliquent aux détachés: ainsi, par exemple, si le pays d'accueil prévoit une prime de froid, de pénibilité, d'ancienneté, un treizième mois, ces bonus devront aussi leur être versés.
Le président français Emmanuel Macron, qui à peine élu avait réclamé un durcissement de la réforme, s'en prenant à la Pologne et aux trois autres pays du groupe de Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie), partisans d'un statu quo, a indiqué vendredi "souhaiter finaliser le plus rapidement possible un accord". Trois points posent cependant encore problème. Premièrement, la durée du détachement: l'exécutif européen a proposé de le limiter à 24 mois, mais la France, qui a réussi à convaincre l'Allemagne, les pays du Benelux et l'Autriche, plaide pour 12 mois.
Deuxièmement, la date d'application de la nouvelle directive: Paris souhaiterait qu'elle s'applique dans les deux ans suivant son adoption. La Commission a proposé trois ans, les pays de l'Est réclament cinq ans.
Et troisièmement, le transport routier: ce dernier point est particulièrement délicat, car les pays de Visegrad, mais aussi l'Espagne et le Portugal, s'inquiètent des conséquences négatives de la réforme sur leurs chauffeurs. Et s'ils s'opposent ensemble à une révision, un accord ne pourra pas être trouvé.
Jeudi soir, M. Macron a profité d'un sommet de l'UE à Bruxelles, pour évoquer ce dossier en tête à tête avec le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy.
Routiers espagnols
L'Espagne comme le Portugal, qui n'ont que la France comme porte d'entrée sur l'Union, effectuent des opérations de cabotage une pratique qui consiste à quitter un pays avec un véhicule et à charger puis décharger, à plusieurs reprises, dans un autre pays dans l'Hexagone et concurrencent ainsi les routiers français.
Selon deux sources proches du dossier, un compromis pourrait se dessiner, en appliquant aux chauffeurs routiers l'ancienne directive du travail détaché concernant la rémunération c'est-à-dire qu'ils recevraient le salaire minimum du pays d'accueil, mais pas les primes , jusqu'à ce qu'une autre réforme consacrée au transport routier spécifie les règles pour ce secteur.
Il y a une semaine, une première étape avait été franchie pour la révision de la directive, avec l'adoption par la commission de l'Emploi et des Affaires sociales du Parlement européen d'un texte un peu plus dur que celui de la Commission européenne.
Si ce texte est adopté cette semaine lors de la session plénière au Parlement européen à Strasbourg, et si les ministres de l'UE parviennent de leur côté à un accord, alors pourront commencer les tractations sur un texte final entre ces deux organes législatifs, chapeauté en trilogue par la Commission, l'exécutif européen.
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Posté Le : 24/10/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha S
Source : www.lemaghrebdz.com