Algérie

Traumatisme



Le décès brutal de Chaouki Madani a profondément choqué le monde de la presse. C'est une mort traumatisante, qui nous renvoie à nos incertitudes et nous replonge dans le désarroi.Chaouki était humain, affable, agréable et courtois. D'une gentillesse inégalable, il était soucieux de l'autre. Des traits de personnalité qui se font rares, qui ne trompent pas sur la profondeur et l'épaisseur de l'homme.La presse algérienne a en outre perdu une plume aguerrie. Chaouki s'est forgé dans les années de braise. Le terrorisme islamiste ne l'a pas découragé. Il a gardé la tête haute, bravant quotidiennement, durant plus d'une décennie, le danger et la mort, accompagnant des dizaines de nos confrères assassinés à leur dernière demeure.Il n'était, certes, pas propriétaire de journal, mais par son engagement professionnel, il a pris une part active dans l'enracinement, dans notre pays, de la presse indépendante.Ces dernières années, Chaouki Madani était extrêmement fatigué, malade... L'errance professionnelle l'avait considérablement fragilisé. Au plan social, c'était pire. Il occupait une toute petite pièce sécuritaire à l'hôtel El Manar. Il ne pouvait vivre en famille. La bureaucratie ne voulait rien savoir. Alors que les fils et les filles de la nomemklatura algérienne s'offraient des largesses chez l'AADL, Chaouki est éconduit honteusement. Il a vécu une situation qui l'a profondément perturbé, déstabilisé. Il se sentait humilié.Cette mort, et celle de tous les confrères récemment décédés, nous interpelle. Les séquelles du terrorisme, pour notre profession, causent à présent des dégâts incommensurables.De plus, dans nos rédactions, les conditions de travail ne sont pas toujours adéquates. Les salaires sont, par moments, bas. Le stress est permanent. Les entreprises de presse peinent à se moderniser. Les locaux sont exigus. Les journalistes sont entassés dans des bureaux pas très fonctionnels ; en outre, les pressions exercées par les pouvoirs publics pour fragiliser le travail journalistique et contrôler l'expression sont insoutenables ; elles favorisent le stress, le repli sur soi... et les maladies.Chaouki Madani était de ceux qui vivaient mal ces pressions. Pour lui, la recherche de la vérité doit être au centre du métier de journaliste.Une prise de conscience est nécessaire, il est temps que la profession dépasse les divisions qui la minent, les faux clivages et s'interroge sur son sort... A ce rythme, les rédactions vont se vider.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)