Publié le 1.12.2022 dans le Quotidien d’Oran
par M. Bouabida*
Il n'est jamais assez de parler des marchandises transitant par les ports nationaux et de la facture de leur transport (fret) sans évoquer les surestaries, les incoterms, l'organisation du travail dans les ports, l'importance particulière accordée par les pouvoirs publics pour le développement de la flotte nationale et les formules à choisir, CFR ou FOB, pour le contrat de transport des marchandises.
Malgré les différentes mesures arrêtées par les pouvoirs publics, la facture du fret connait une hausse permanente. Les raisons de cette hausse du fret sont multiples.
Elles portent, entre autres, sur l'organisation dans le traitement des navires dans nos ports nationaux, en passant par l'absence du pavillon national pour les importations et le choix inévitable de l'incoterm CFR (coût et fret) pour le contrat de transport.
Il y a un peu plus d'une année (mars 2021), le ministre des Finances P.I de l'époque Aiman Benabderrahmane déclarait que le coût de l'acheminement d'un conteneur de 40 pieds, est passé de 1.700 dollars à 7.800 dollars !, « Ceci a un impact direct, dira-t-il, sur les prix des produits finaux au niveau des marchés». L'Algérie, pays importateur de plusieurs produits, notamment, de matière première n'est pas épargnée par cette flambée des prix du fret maritime. En effet, aujourd'hui, un conteneur de 20 à 40 pieds, provenant de Chine, arrivera en Algérie avec un coût d'acheminement variant entre 17.000 dollars et 22.000 dollars. C'est un véritable calvaire pour les opérateurs économiques et industriels algériens. Cette hausse du prix du fret impactera leur plan d'investissement et réduira la compétitivité de leur produit sur le marché, notamment, à l'international. Les effets de la flambée des prix du fret sont visibles sur le marché national. Les produits issus de l'importation ont connu une hausse vertigineuse.
A titre d'exemple, les prix des produits de la quincaillerie ont enregistré une augmentation de 300%. Même chose pour les pièces de rechange et autres articles. S'agissant des produits alimentaires, leurs prix ont connu une hausse, mais plus ou moins modérée. L'Etat intervient dans la régulation des prix grâce aux dispositifs mis en place.
Une étude récente du FMI, sur 1992-2021, montre que les pics des prix du fret maritime sont suivis par de fortes augmentations des prix des importations puis des prix à la consommation. Aussi, selon la même étude le prix du transport des marchandises qui avait séculairement baissé, amorce une claire ascension et rien n'indique que cette inflation du prix du fret va se résorber prochainement. La tension sur les chaines de valeur née de la guerre russo-ukrainienne et la politique zéro-Covid en Chine, concentrent les flux sur moins de routes et moins de ports et accentuent les contraintes sur les capacités maritimes. Aujourd'hui bon nombre d'armateurs étrangers assurant le transport maritime vers l'Algérie, rejettent la formule FOB (free on board). Ils ont toujours été réticents à ces mesures. Rappelons-nous, au passage, ce que certains armateurs étrangers de grosses pointures ont, au début de l'année 2012, signifié aux opérateurs algériens leur décision de supprimer, de manière unilatérale, le paiement par la formule FOB de leurs importations. Les clients algériens concernés ont été informés de s'acquitter de leurs factures d'importation en mode coût et fret, le FOB étant supprimé. Le problème ne s'est pas posé pour les importateurs algériens, notamment les industriels qui importaient, depuis longtemps, leurs équipements et matières premières en mode coût et fret. Ce sont les importateurs de produits finis destinés à la revente en l'état, contraint de répercuter un surcoût généré par l'importation en coût et fret sur le prix de leurs produits, qui étaient les plus exposés à des problèmes. A l'époque un importateur de matériel informatique et de mobilier de bureau a été contraint de payer pour le transport maritime 3.700 dollars par conteneur de 40 pieds, en coût et fret, au lieu de 2900 dollars le container, en mode FOB. Le surcoût a été de 800 dollars par conteneur.
L'achat d'une cargaison en coût et fret (CFR) implique une mobilisation de devises qui est faite au départ comprenant et la cargaison et le transport maritime. En optant pour la formule FOB les fonds mobilisés en devises ne concernent que la cargaison et sont contrôlés. Le vendeur procède alors aux formalités de dédouanement de la cargaison, à sa charge, au port d'embarquement et on peut dire que la marchandise est algérianisée au port d'embarquement avant qu'elle ne soit embarquée. Le transport maritime est payable à l'arrivée de la marchandise au port d'arrivée.
La décision d'importer, sous la formule FOB, est une formule qui offre en parallèle des avantages. Parmi ces avantages c'est la garantie supplémentaire à l'importateur de prendre possession de sa cargaison et le contrôle du coût du fret par la banque commerciale et la Banque d'Algérie. Aussi, et il est important de signaler, que le trafic maritime de marchandises est dominé par les armateurs étrangers et que le pavillon national, déstructuré depuis des années, n'assure qu'une part infime, ne dépassant pas les 3% du marché du fret maritime en Algérie. Le marché algérien du fret maritime représente 12 milliards de dollars par an pour des importations de près de 46 milliards de dollars en 2011 (24 milliards de dollars en 2021 et 26,5 milliards de dollars en 2022). Le coût du fret est plus élevé en Algérie de 12 à 15% par rapport au Maroc et à la Tunisie. Le marché est dominé à 95% par les armateurs étrangers. Pour faire face à cette hausse vertigineuse de la facture du fret le gouvernement a arrêté des mesures afin d'aboutir à une réduction de cette dépendance des armateurs étrangers.
I- MESURES POUR UNE REDUCTION DE LA FACTURE DU FRET
1.1) -L'IMPORTANCE D'UNE FLOTTE NATIONALE.
Les pouvoirs publiques accordent une importance particulière au développement de la flotte maritime .Ce volet a été débattu, à plusieurs reprises, lors de réunions périodiques du Conseil des ministres. Lors de la réunion du Conseil des ministres du 28 juin 2020 ,le président de la République a donné des instructions fermes afin que le transport soit revu, dans toutes ses formes, en optimisant tous les moyens disponibles et permettre à l'Algérie de retrouver sa place dans le domaine du transport maritime à travers l'élargissement de la flotte maritime, en vue de la prise en charge du transport des voyageurs et des marchandises, de et vers l'Algérie et économiser ainsi les coûts en devises des prestations des compagnies étrangères. Confrontée, dans le passé, à une crise économique, due à la baisse des prix des hydrocarbures et aux effets de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de la Covid-19, l'Algérie a multiplié les actions pour préserver ses ressources en devises. En effet, le gouvernement a examiné, en mai 2021, un plan d'urgence relatif à l'augmentation de la part de la flotte nationale dans le marché maritime des marchandises, indiquait un communiqué des services du Premier ministre. Ce plan visait essentiellement, dans un délai très court, à mettre en place des mécanismes opérationnels permettant la sécurisation des approvisionnements du pays en produits stratégiques (céréales, poudre de lait, etc.), notamment par la priorisation de la flotte maritime nationale dans la réalisation des importations des produits stratégiques.
Ce plan visait, en outre, la participation, de manière substantielle, au transport des marchandises de et vers l'Algérie, par le développement de la flotte maritime nationale en moyens de transport adaptés aux échanges commerciaux de l'Algérie. Il permettra également la réduction significative des transferts de devises vers l'étranger, au titre des services de transport maritime, indiquait le communiqué des services du Premier ministre.
Un autre paramètre pourrait également contribuer à la réduction de la lourde facture du fret. Il s'agit de la création de lignes régulières par les compagnies maritimes algériennes.Ces lignes régulières permettraient aux importateurs nationaux d'éviter la formule CFR (coût et fret) pour le transport de leurs cargaisons et opter pour la formule FOB (Free on board) avec les Compagnies maritimes algériennes. Le transport sous la formule FOB permet à l'importateur algérien de négocier, directement, avec l'armateur en faisant jouer la concurrence, avec l'avantage de payer à la réception de la marchandise, au port d'arrivée qu'il a choisi. Pour concrétiser cette mesure dont l'objectif est la réduction de la facture du transport maritime, il faudrait une flotte nationale suffisante répondant aux besoins des importateurs, ce qui pourrait influer considérablement sur la balance des paiements. Sur le terrain la réalité est autre. Actuellement ce ne sont pas tous les ports étrangers choisis par les importateurs qui sont desservis par l'armement national CNAN et ses filiales d'où l'impossibilité de privilégier le recours au pavillon national d'une façon significative et sous la formule FOB. Cette inexistence de lignes maritimes nationales incite souvent l'importateur à choisir la formule coût et fret (CFR) pour le transport de sa marchandise. Ce mode de transport (coût et fret) oblige l'acheteur à payer le transport au moins trois (03) mois à l'avance par lettre de crédit, l'obligeant à immobiliser des sommes plus importantes pour le règlement des frais d'acheminement. A l'arrivée au port de destination des frais supplémentaires, à savoir des surestaries, pourraient éventuellement s'ajouter aux frais standards. En coût et fret souvent l'importateur ne connait même pas le navire que le fournisseur va affréter pour son compte ce qui l'expose, parfois, à des surprises se traduisant par des séjours prolongés du navire à quai. Au niveau de nos ports, nous avons vécu des séjours prolongés des navires à quai dépassant les normes pénalisant ainsi et le port et d'autres clients dont les navires sont en attente sur rade d'où l'augmentation des séjours moyens par navire à quai et en rade.
Dans de telles situations ce sont souvent nos ports qui sont pointés du doigt. Souvent ce qu'on gagne en cargaison non pré-élinguée par exemple, on le perd en surestaries. Devant des situations pareilles le fret connait des hausses incontrôlables.
Afin de relancer le transport maritime national au profit du développement économique, il est à noter, au passage, que le gouvernement a décidé, il y a quelques années, d'accorder des crédits au profit des entreprises maritimes pour le renouvellement de la flotte nationale. Ce programme a porté sur l'acquisition de 26 navires dont une partie a été livrée. A notre avis consacrer trois (03) milliards de dollars des réserves de change pour l'acquisition de nouveaux navires serait plus intéressant que de débourser chaque année 5 à 6 milliards de dollars uniquement pour le fret avec toutes les conséquences que subissent les importateurs, surtout en affrétant en mode coût et fret.
Le gouvernement conscient de l'ampleur de la situation du fret maritime et aérien sur la balance des paiements du pays, a décidé d'ouvrir l'investissement au secteur privé. Toutefois les opérateurs privés se sont montrés réticents, du fait que ce domaine nécessite des investissements colossaux.
Depuis l'annonce de cette nouvelle en 2018, aucun opérateur privé ne s'est manifesté et encore moins investi dans ce domaine. Dans ce cadre la CNAN est donc passée à l'action avec l'acquisition de six (06) navires en vue de se lancer dans la forte compétition imposée par les compagnies maritimes étrangères. Toutes ces réalisations entrent dans le cadre de l'octroi à la flotte algérienne l'opportunité pour qu'elle soit un transporteur maritime pour près de 25 % des exportations et des importations hors hydrocarbures.
1-2)- LA NECESSITE DE L'AFFRETEMENT
Le contrôle du fret maritime de marchandises est un enjeu crucial pour l'économie nationale à la recherche d'éléments de résilience. Il s'agit, pour l'Algérie, de s'affranchir de la dépendance des armateurs étrangers dont la facture des services à l'export, comme à l'import, est estimée à environ 12 milliards de dollars. En Algérie les cargaisons homogènes (marchandise générale) sont couvertes, dans leur quasi-totalité, par le biais d'affrètement majoritairement conclu et contrôlé par les fournisseurs étrangers dans le cadre de leurs ventes CFR (coût et fret) aux importateurs algériens. Seule, une part mineure du fret est en effet contrôlée par les opérateurs nationaux (CNAN) dans le cadre de leurs achats en FOB. Sachant qu'il est possible de remédier à cette situation, et c'est en nous présentant comme affréteurs de navires afin de dominer le marché de l'affrètement sur le plan international (en achetant FOB et en vendant CFR.), ce qui permettra, du même coup, de favoriser la balance des paiements. De cette façon, les coûts du prix du transport (fret) pourraient être maîtrisés. L'insuffisance quantitative et qualitative de la flotte maritime algérienne fait de la pratique de l'affrètement des navires un domaine important de notre économie qui est étroitement dépendante de l'importation de produits finis et semi-finis.
En attendant l'acquisition d'une flotte marchande suffisante pour répondre aux besoins des importateurs, la rationalisation des réserves de changes passe, en grande partie, par l'affrètement de navires qui offre des avantages liés à une augmentation assurée des capacités de la flotte nationale. Cette opération ouvre la possibilité pour notre pays, d'abord de constituer une flotte marchande par le biais de l'affrètement et puis réduire d'une façon significative les coûts du transport maritime.
L'affrètement qui est important économiquement pour la balance des paiements et la négociation des clauses, appartient à celui qui donne du travail au navire du fréteur (l'armateur). Aujourd'hui notre pays fait travailler les armateurs étrangers ; puisque nous n'avons pas une flotte maritime suffisante pour répondre aux besoins de transports maritimes de nos importateurs. Notre pays est donc en train de faire bénéficier le fournisseur ou l'importateur étranger d'un pouvoir de gérer, à sa place, un contrat de vente maritime et le rédige en fonction de ses propres intérêts. En position de force le fournisseur étranger a toute la latitude d'imposer le prix et les conditions qui lui sont avantageux.
1-3) -L'INFRASTRUCTUTRE PORTUAIRE
Le pays est aujourd'hui confronté à des infrastructures portuaires vétustes et à un investissement moderne retardé, longtemps limité à des ports considérés comme des ports de la première génération. En effet, jusqu'en 2000, l'investissement de l'Algérie, dans le domaine portuaire, a concerné davantage les ports pétroliers. D'ailleurs, l'unique spécialisation à laquelle les ports algériens ont consenti des efforts est celle du transport des hydrocarbures. Ainsi, construits selon des normes anciennes, ces ports constituaient une configuration adaptée aux navires de petites tailles en raison, également, de la profondeur théorique (tirant d'eau) de ces ports réduite par le phénomène d'envasement.
Aujourd'hui nous assistons à des efforts du gouvernement dans le développement des infrastructures portuaires qui se sont soldés par la réalisation de l'extension du terminal à conteneurs du port d'Oran, d'un autre terminal à conteneurs en cours de réalisation au port de Djen-Djen qui affiche un taux de réalisation de 96% et un autre projet d'un terminal à conteneurs (mole 5) d'une superficie de 53 ha, au port d'Arzew, et dont l'avis d'appel d'offres national a été lancé. Beaucoup de navires de céréales ont fait escale dans 2 ports algériens pour le déchargement de leurs cargaisons afin de réduire le tirant d'eau dans le premier port qui lui permet d'accoster dans le second qui est le port de destination. Cette opération de 2 ports de déchargement coutait très cher au trésor public puisque la charte partie prévoyait le paiement de 2 dollars supplémentaire sur le total de la cargaison quand le navire est appelé à décharger sa cargaison dans 2 ports nationaux. La faiblesse des profondeurs de nos ports a également obligé les armateurs qui desservent les ports algériens à recourir aux cargos de petites tailles. Ces derniers apparaissent cependant comme non économiques et surtout ils engendrent des taux de frets plus élevés. Dans ce sens, nous citerons les navires de la compagnie TOSYALI' chargée de l'exportation, de fil machine et de fer rond à béton, à partir du port de Mostaganem. Ces navires chargent jusqu'à un certain tonnage à cause de la faiblesse des tirants d'eau ne dépassant pas les 27 pieds (8,27 mètres).Le navire effectue ensuite un mouvement vers le port d'Arzew qui dispose de forts tirants d'eau lui permettant de compléter son chargement. Ce mouvement de port à port engendre des frais supplémentaires et du temps perdu pour effectuer le déplacement du navire vers le port d'Arzew, suivi des manœuvres d'accostage et d'appareillage.
Ces pratiques sont essentiellement dues au retard de modernisation de notre infrastructure portuaire existante ainsi que son entretien (dragage).
1-4)-L'INSUFFISANCE DES CAPACITES DE STOCKAGE
Les capacités de stockage des céréales tant au niveau des ports et leurs environs immédiats sont insuffisants au niveau national. C'est ainsi que les pouvoirs publics ont arrêté la décision de construire le plus grand nombre de silos à céréales. Pour un seul port, au niveau national, en 2019, ce sont 27 millions d'euros qui ont été payés par l'OAIC aux armateurs étrangers, pour des surestaries de navires céréaliers. Ce montant astronomique greffant sérieusement le prix de revient de la tonne de blé et de ce fait du fret. Les causes sont multiples, entre autres, l'insuffisance des capacités de stockage. L'Algérie procède à l'achat des céréales par lots importants dans un souci de peser sur les prix d'achat des céréales et réaliser des économies. Ces quantités sont expédiées sur des navires VLBC gros porteurs. Le problème est que ces navires, à cause de leur taille et tirant d'eau, ne peuvent accoster dans tous les ports algériens. Ce fait restreint le nombre de quais pouvant les accueillir d'où les délais d'attente en rade rallongés.
L'insuffisance des capacités de stockage des céréales dans les ports et aux environs immédiats font qu'on maintient les navires en rade ce qui ne fait qu'augmenter leurs attentes et donc gonfler le prix du fret par le paiement de séjours imprévus à savoir des surestaries. Lors du Conseil des ministres du 03 juillet 2022, le président de la République a mis l'accent sur l'impératif renforcement des capacités nationales de stockage des céréales en vue d'augmenter les réserves nationales stratégiques de cette denrée. Le Président Tebboune a donné, lors de cette réunion, des orientations générales au Gouvernement, portant sur « le renforcement des capacités de stockage des céréales au niveau national, notamment dans les wilayas réalisant de grands rendements et l'interdiction du stockage dans les lieux non couverts, en vue d'augmenter les réserves nationales stratégiques de céréales ».
En matière de stockage des produits alimentaires, notamment en céréales, notre pays accuse un énorme déficit. Des programmes pour l'augmentation de ces capacités de stockage ont été lancés depuis 2012 par les pouvoirs publics pour la réalisation de 30 silos de stockage (blé dur, blé tendre et orge) pour atteindre les 41 millions de quintaux de céréales. Toutefois, la cadence de réalisation de ces projets, confiés à des sociétés étrangères, n'a pas avancé au rythme escompté. Selon les chiffres avancés, devant l'Assemblée Populaire Nationale, par le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Abdel Hafed Hani, 14 silos sur les 30 prévus, accusaient un retard de plus de 15 mois et seulement 16 ont été déjà réceptionnés ! Ces retards contractuels accusent souvent des surcoûts considérables pour le Trésor public autant que des difficultés pour l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), pour la gestion de ses stocks afin de répondre à la demande du marché local, en pleine expansion.
II-CONCLUSION
Les opérations du transport maritime ont une incidence sur la balance des paiements du pays et par origine sur la balance commerciale. Lorsqu'on ne dispose pas d'une flotte maritime, comme c'est le cas aujourd'hui pour notre pays, le transport de son trafic, aussi bien à l'importation qu'à l'exportation, est assuré par des compagnies de transports maritimes étrangères. En conséquence le prix du transport maritime est automatiquement payé en devises à ces armements étrangers qui les rapatrient provoquant ainsi une hémorragie de devises. En d'autres termes, tout opérateur économique algérien qui échange avec l'extérieur doit payer un prix de transport. Lorsque l'opération a lieu avec le transporteur national en l'occurrence la CNAN, l'opérateur paie le prix du transport en monnaie locale. Par contre, si le transporteur maritime est étranger, l'opérateur algérien doit payer en devises. En somme, la pratique du transport maritime participe, soit à une économie, soit à une perte de devises, ce qui influe considérablement sur la balance des paiements. Généralement il est recommandé aux opérateurs économiques de vendre en CFR (coût et fret), les frets payables dans le pays de l'exportateur et d'acheter en FOB (free on board), les frets payables dans le pays de l'importateur. Ceci ne peut être appliqué que si le pays dispose d'une flotte marchande. Cependant la grande partie de nos importations se fait donc en mode coût et fret. Les armateurs, dans ce cas, fixent leurs tarifs non seulement en fonction des conditions du port de destination, mais également en tenant compte des risques de séjour prolongé de leurs bateaux. A cela s'ajoute les pénalités comme les surestaries alourdissant ainsi la facture du transport maritime. Malgré l'acquisition de quelques navires, soit 06 cargos, les armateurs étrangers continuent de faire main-basse sur le secteur, au moment où la compagnie nationale CNAN affronte une tempête avec des saisies conservatoires de ses navires dans des ports étrangers.
Alors que la demande de transport à l'import a littéralement explosé, ces dix dernières années, passant à 120 millions de tonnes en 2019, la flotte de la CNAN, en nombre très réduit, s'expose à des navettes.
Le renouvellement de la flotte permettrait-il à la CNAN de respirer ?
L'acquisition d'une flotte nationale impose une réelle prise en charge, tant administrative que technique, afin que l'armement national puisse reprendre son titre d'armateur puissant des années 70 avec une flotte importante opposée à la concurrence internationale sur le marché de nos échanges extérieurs. Durant les années 80, l'Algérie disposait d'une flotte enviable, parmi les plus importantes du tiers monde. Elle était classée parmi les 50 premières mondiales. La flotte battant pavillon algérien était alors composée de plus de 80 navires, de tout types, est aujourd'hui complètement disloquée et constituée de quelques navires seulement. La flotte nationale a donc connu une des périodes les plus désastreuses da la vie de la compagnie avec un navire qui a été banni d'Europe et du Canada pour une période de 03 mois. Cette décision a été prise après 03 rétentions, d'un navire algérien, en l'espace d'un an, dans les ports italiens, explique le média spécialisé Le marin'. Donc en application de cette décision ce navire, interdit de toute escale dans les 22 pays maritimes de l'Union Européenne, la Russie, la Norvège, le Royaume-Uni et l'Islande ainsi que le Canada. Rare sont les navires de cet âge (moins de 15 ans d'âge) bannis par le mémorandum de Paris souligne « Le marin » qui rapporte l'information. Notre pays ne dispose pas d'une flotte maritime marchande suffisante, à la hauteur de son commerce extérieur et donc, n'assure qu'une très faible partie du transport des marchandises, tant à l'importation qu'à l'exportation. Ce qui impliquera que le fret maritime est généralement négocié par le fournisseur (dans le cadre d'une marchandise à l'importation) au prix et aux conditions avantageuses pour lui puisque le mode de transport est en coût et fret. Devant cette situation et surtout l'appel du gouvernement de rationaliser les dépenses et à augmenter les exportations, il est préférable, à notre sens d'encourager les opérateurs économiques nationaux à affréter leurs propres navires, et de créer des compagnies maritimes, en Algérie, comme l'a réitéré l'encouragement du Premier ministre lors de son intervention devant l'Assemblée nationale, le 06 octobre dernier, en présentant son programme .Il y a une opportunité à saisir puisque l'opération d'acquisition des navires par les privés étant de nouveau d'actualité.
L'importance du secteur des transports maritimes n'est plus à démontrer. Le développement économique passe par l'intégration du transport maritime, dans le commerce extérieur en se dotant d'une flotte maritime marchande appropriée soit par l'acquisition de navires soit par le système d'autorisation d'affrètement qui permet , après conclusion du contrat et rémunération, à un fréteur de mettre à la disposition d'un affréteur un navire comme le stipule l'article 640 du Code maritime algérien. Il s'agit donc d'une location pour assurer le transport de marchandises, pour le compte de l'affréteur. Actuellement, la réglementation ne permet pas aux opérateurs nationaux d'affréter des navires pour le transport de leurs marchandises à l'import ou à l'export.
Aujourd'hui, devant l'absence d'une flotte maritime marchande pour répondre aux besoins du transport maritime de nos importateurs, tant à l'import qu'à l'export, notre pays fait travailler les armateurs étrangers. Devant cette triste situation l'affrètement des navires qui offre aussi des avantages liés à l'augmentation des capacités de la flotte nationale et la réduction du coût du fret n'est pas permis pour les opérateurs nationaux. Par le biais de l'affrètement cette opération ouvre la possibilité, pour notre pays, de constituer une flotte marchande.
Nous estimons que la réglementation du secteur maritime en Algérie est tellement rigide qu'elle porte un sérieux coup au développement économique du pays. Nous évoquerons ci-après un avis sur les textes en vigueur en relation avec l'affrètement de navires par l'opérateur national. Notre avis ouvre une brèche sur la possibilité de réduction de la lourde facture du transport maritime en permettant à l'opérateur économique d'affréter sans être, au préalable, armateur, à savoir en posséder au moins un navire. Nous estimons qu'affréter un navire est une façon d'augmenter l'état actuel de la flotte nationale sans toutefois porter atteinte à l'économie nationale. En effet pour affréter un navire il faut obtenir une concession d'exploitation des services de la Marine marchande et des ports. Et pour avoir cette concession il faut disposer au moins d'un navire soit à titre de propriétaire, soit à d'autres titres lui attribuant l'usage du navire telle que définie par les dispositions de l'article 571-1 de l'ordonnance 76-80 du 13 décembre 1976, portant code maritime algérien, citées par le décret exécutif 08-57 du 06 février 2008. Cet article ambiguë du Code maritime algérien rend difficile à ce qu'un opérateur économique algérien soit en mesure d'affréter les navires à la condition de posséder un navire laissant le champ libre aux fournisseurs étrangers, la liberté à le faire à leurs places et à leurs manières les plus avantageuses pour eux. L'ambiguïté à enlever est contenue dans l'article 04 du décret 08-57 du 06 février 2008 fixant les conditions et les modalités de concession d'exploitation des services de transport maritime notamment l'alinéa 5 qui impose comme préalable d'être armateur. Toutes nos opérations de transport maritime du général cargo, vrac se font en coût et fret parce qu'il est difficile d'acheter en FOB (free on board) comme mentionné ci-dessus à cause de cet article 04.
Sur un autre plan et afin de permettre à notre pays de s'affranchir de cette dépendance des armateurs étrangers dont la facture est estimée à 12 milliards de dollars, nous estimons que cet affranchissement passe par en grande partie par une autorisation d'affrètement de navires par des opérateurs algériens en amendant la loi n°98-05 du 25 juin 1998 modifiant et complétant l'ordonnance 76-80 du 23 octobre 1976 portant Code maritime notamment l'article 649 qui stipule que « les activités d'affrètement de navires peuvent être exercées par toute personne physique de nationalité algérienne ou toute personne morale de droit algérien ayant la qualité d'armateur et dont le centre principal d'activités se trouve sur le territoire national ». Cet article bloque l'accès des sociétés algériennes au transport maritime et la facture du fret ne cesse de subir une hausse permanente due principalement à cette hémorragie de devises causée par les frais liés au transport maritime. Cet article ne s'applique pas aux sociétés étrangères qui font du transport maritime sur l'Algérie et il n'est pas aussi exigé de l'entreprise installée à l'étranger d'être armateur pour faire du transport sur l'Algérie, alors qu'il est exigé de l'entreprise algérienne de l'être si elle veut faire du transport maritime. Aujourd'hui, à travers le monde, beaucoup d'armateurs ne font pas directement du transport maritime mais préfèrent fréter leurs navires aux opérateurs spécialisés ; nous assistons à une séparation entre l'armateur et le transporteur maritime.
Dans un autre volet relatif aux textes qui traitent l'affrètement et contenus dans l'ordonnance 76-80 du 23 octobre 1976 portant Code maritime, nous relevons deux articles le 384 et 572 qui donnent la définition de la qualité d'armateur qui bloque l'activité de l'affrètement par les opérateurs nationaux. Nous pouvons conclure que l'activité de l'affrètement donne à l'affréteur la qualité d'armateur, si l'on se réfère à ces deux (2) articles précités et contenus dans cette ordonnance dont les teneurs suivent :
Titre II. Chapitre I. Section. I :Administration des gens de mer
Article 384 : « Pour l'application de la présente ordonnance ; les termes ci-après s'entendent comme suit :
b) « Armateur signifie toute personne physique ou morale qui exploite un navire et engage dans ce but, des gens de mer ».
Titre I. Chapitre I :L'armateur
Article 572 : « Est considéré comme armateur toute personne physique ou morale qui assure l'exploitation d'un navire en son nom soit à titre de propriétaire du navire, soit à d'autres titres lui attribuant l'usage du navire ». Donc il est très clair d'après les deux définitions sus-énumérées, les termes contenus dans les articles 384 et 572 laissent apparaître qu'il est considéré comme armateur toute personne physique ou morale qui exploite un navire soit en tant que propriétaire ou en tant qu'affréteur qui assure soit la gestion commerciale, soit la gestion nautique et commerciale selon les clauses de la charte-partie. A travers ces deux définitions nous pouvons dégager deux catégories d'armateurs, à savoir : l'armateur propriétaire de navires telle que la CNAN et l'armateur disposant, par le biais de l'affrètement de navires. Le code maritime stipule bien que pour avoir la qualité d'armateur il faudrait être soit propriétaire de navires soit en disposer par le biais d'affrètement. En conclusion on peut dire que l'affréteur peut être assimilé à un armateur et un affréteur doit obligatoirement être armateur (propriétaire du navire) pour exercer les activités d'affrètements. Au moment de finaliser cet article nous apprenons par les médias que lors de la réunion du gouvernement du 09 novembre 2022 présidée par le Premier ministre Aimene Benabderrahmane, l'état de mise en œuvre de la feuille de route pour le développement de la flotte nationale de transport maritime de marchandises a été présenté par le ministre des Transports. Lors de cette communication il a été passé en revue l'ensemble des actions réalisées dans le cadre de la feuille de route pour le développement de la flotte nationale de transport maritime de marchandises. Cette feuille de route est axée notamment sur le développement et le renforcement de la flotte maritime pour la prise en en charge du transport des marchandises par la fusion de la compagnie nationale de navigation (CNAN) et par l'acquisition de nouveaux navires pour le transport national, sur l'accélération de l'ouverture de l'investissement dans le secteur du transport maritime et la facilitation des investissements privés et le traitement définitif des dossiers déposés pour l'ouverture de compagnie privées de transport maritime .Voilà des décisions qui pourraient apporter un plus à la réduction de la facture du transport maritime . Il est important de souligner que la maîtrise des transports maritimes est une source de gain et d'économie en devises, ce qui impacte la performance des entreprises économiques et participe ainsi à l'équilibre de la balance des paiements et de la balance commerciale nationale. En continuant à importer en coût et fret parce que la flotte nationale est insuffisante pour assurer les importations, parce qu'il n'est pas permis à un importateur d'affréter un navire s'il n'est pas armateur, alors nous continuerons à importer en acceptant des contrats de transport maritime en mode coût et fret (CFR). Ce mode CFR laissera le soin au vendeur de choisir le navire et de négocier à notre place le montant du fret maritime, montant qui sera intégré dans la facture de vente de la marchandise et transféré à l'étranger en devises. La réduction de la facture du transport maritime passe inévitablement soit par l'ouverture de l'activité de l'affrètement par une autorisation d'affrètement de navires par des opérateurs algériens en amendant la loi n°98-05 du 25 juin 1998 modifiant et complétant l'ordonnance 76-80 du 23 octobre 1976 portant code maritime notamment l'article 649, soit par le développement de la flotte nationale par l'acquisition de nouveaux navires .Les résultats seraient plus intéressant et permettraient de réduire le déboursement, chaque année, 5 à 6 milliards de dollars uniquement pour le fret avec toutes les conséquences que subissent les importateurs en optant inévitablement pour des contrats de transport maritime en mode coût et fret.
Sources:
-Coût d'acheminement d'un conteneur : Economie et Finances/Eco Time.
Mars 2021-Janvier 2022.
- Navire algérien banni d'Europe et du Canada : « Le Marin ». Janvier 2021.
-Eco Times : Capacités de stockage des céréales. Janvier 2022.
-Etude FMI : L'inflation importée du transport maritime. Juin 2022.
Algérie-Eco : Fret maritime de marchandises. Le gouvernement examine un plan d'urgence. Mai 2021.
-Réunions du Conseil des ministres : Elargissement de la flotte maritime en vue de la prise en charge du transport des voyageurs et de marchandises : Juin 2020-Juillet 2022.
- Présentation de programme devant l'Assemblée nationale par le Chef du gouvernement : Octobre 2022.
Feuille de route pour le développement de la flotte nationale de transport maritime de marchandises : Novembre 2022 .
*Ex Commandant de port /Directeur de la Capitainerie/Cadre Dirigeant Expert maritime agréé près les tribunaux (non opérationnel).
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Posté Le : 07/12/2022
Posté par : rachids