Le PDG d'Air Algérie explique les nombreux retards des vols de la
compagnie par des raisons d'ordre technique, logistique et… législatif.
« Renforcement de notre flotte avec l'acquisition de onze nouveaux
avions, transporteur officiel de l'équipe nationale de football pour la Coupe
du monde, nouvelles tenues du personnel navigant, lifting de notre logotype.
Puis la persévérance dans nos efforts pour le maintien de la satisfaction des
passagers avec comme objectifs principaux, la sécurité, la ponctualité et le
confort.» C'est en substance ce qu'écrit le PDG d'Air Algérie dans «Le Mot» du
numéro 1 d'«Algeria Pass», «un petit guide de l'Algérie» contenant des
informations jugées «utiles» aux passagers, par ses concepteurs (trices) de
boîtes privées. Ce nouveau-né renferme deux fiches de renseignement
(détachables) que les passagers algériens sont tenus de remplir et de remettre
à la police des frontières (PAF) à chaque fois qu'ils rentrent d'un voyage. Au
passage, il est quand même curieux que l'Algérie continue de contrôler ses
ressortissants à leur rentrée, dans leur pays, alors qu'à leur sortie du
territoire national, ils sont tous fichés et enregistrés dans des systèmes
informatiques performants. Mais remplir une fiche de police lorsqu'on rentre
dans son pays est une autre histoire d'autoritarisme.
Au-delà de quelques esprits qui restent éveillés et continuent à
s'inquiéter de l'état des libertés individuelles et collectives dans le pays,
les passagers n'en font que rarement cas, la remise de leur fiche de
renseignements à la police des frontières nationales étant devenue un geste
presque banal. La Une d'Algeria Pass est ornée d'une jolie khamssa en fond de
céramique. Dans les pages intérieures, en plus de la Pub, on y trouve des
informations sur les sites touristiques à visiter en Algérie, musées et autres
grands restaurants et formules de relaxation. Les dernières pages comportent
des jeux pour enfants et adultes. «Une bonne initiative et gratuite en plus»,
nous précise le PDG d'Air Algérie.
Reste que les désagréments du
voyage en terre «nationale» marquent plus les esprits. Le 29 juin dernier, un
avion d'Air France en provenance de Paris CDG a atterri à l'aéroport d'Alger
avec plus d'une heure et demie de retard. Pourtant, la compagnie est réputée ne
pas faire de retard. La bousculade qui a suivi l'annonce par l'hôtesse de
l'heure d'embarquement a fait simplement dire au commandant de bord que
l'équipage s'excusait pour cet «embarquement quelque peu précipité». L'on avoue
cependant que l'étape qui a suivi l'atterrissage a été bien plus éprouvante
pour les passagers. Après qu'ils eurent terminé les formalités à la PAF, les
passagers se sont vus obligés d'emprunter un seul portique, en même temps que
d'autres en provenance d'une autre destination. Portique que contrôlait un seul
douanier. Il était bien à plaindre. Il devait en même temps jeter un Å“il sur
l'ordinateur quand l'alarme du portique retentissait au passage d'une personne,
soumettre celle-ci à la fouille et contrôler les bagages à main.
«Ils ont eu peut-être une panne technique»
Drôle de méthodes de travail dans un secteur qui se targue d'avoir
introduit d'importantes facilitations pour les passagers. «Ils sont ailleurs,
je ne sais pas, on les attend…», a bredouillé un homme «en tenue» à qui nous
avions demandé où étaient passés les autres douaniers de service. Les réponses
données sur le pourquoi du comment d'une telle manière de travailler se passent
de commentaire.
Autres désagréments, fréquents
ceux-ci, les retards enregistrés par les vols de la compagnie Air Algérie qui
touchent plus les passagers. «Je me suis juré de ne plus prendre cette
compagnie mais pour une question de nationalisme, je le fais, et je le regrette
toujours», s'est plaint un passager qui voyait déjà sa soirée «ratée». Un homme
d'un certain âge assis à ses côtés lui rétorque: « Il faut les comprendre, ils
ont eu peut-être une panne technique, je les connais assez bien, je voyage sur
cette compagnie deux fois par mois.» Le premier passager se contentera de
pousser un long soupir. Mais il rebondit «je vous jure sur mon honneur que le
31 juillet de l'année passée, dans ce même aéroport français, j'ai attendu 8
heures, c'est un comble, ils ne changeront jamais !» En ce vendredi d'un voyage
fatigant et contraignant. Le vol AH 1005 qui devait partir de l'aéroport d'Orly
à 16h55 (heure française) n'a, en fait, décollé qu'à 20h30. La voix de
l'hôtesse d'accueil à Orly, a elle aussi fait «voyager» les passagers algériens
à sa manière. De salle d'attente en salle d'attente. «Les passagers du vol (…)
doivent se présenter à la salle d'embarquement n7». Quelques minutes plus tard,
elle rectifie «(…) en salle n8.» Et bien plus tard elle annonce «(…) en salle
n12.» Facile d'imaginer l'état d'esprit dans lequel se trouvaient les passagers
qui étaient obligés de se déplacer de salle en salle d'embarquement. Une
affreuse cohue.
Arrivés à l'aéroport d'Alger, des
passagers rouvrent «Algeria Pass» pour relire Le Mot du PDG. «(…) objectifs
principaux, la sécurité, la ponctualité et le confort, il se moque bien de
nous», lâchent beaucoup d'entre eux. «Je ne comprends pas pourquoi il dit ça,
pourtant c'est un homme intelligent», nous fait remarquer un passager qui
semble «bien» connaître le PDG d'Air Algérie. Contacté hier par nos soins,
Wahid Bouabdellah qui nous a précisé qu'il se trouvait à l'aéroport dans une
salle d'embarquement, a imputé les retards des vols à des raisons d'ordre
technique et d'autres liées aux conséquences de la loi de finances
complémentaire 2009. «Les avions affrétés ne sont rentrés qu'hier (ndlr,
vendredi)», explique-t-il. «Ils devaient arriver il y a un mois déjà»,
précise-t-il.
«Le Mot» de Bouabdellah
«L'avion est revenu de Dubaï, est rentré sur Alger pour venir à Paris»,
nous disait vendredi soir un membre de l'équipage à qui nous avons demandé
pourquoi le vol a-t-il fait trois heures et demie de retard. Pour sa part,
Bouabdellah nous a expliqué hier que «l'affrètement d'un avion, c'est comme la
bourse, il faut savoir saisir les occasions à temps, si on rate, on paie plus».
Il explique : «On a des problèmes d'exploitation parce qu'on n'a pas toujours
des avions de remplacement, de soupape en cas de panne.» Il insiste sur
«l'effet boule de neige que tout cela produit». Wahid Bouabdellah rappelle que
«pour réparer un avion en panne, au lieu de le faire en une heure ou deux -et
on peut le faire- on ne le fait que 20 ou 30 jours après à cause du temps que
nous prend l'acquisition des pièces détachées». La LFC 2009 fait encore parler
d'elle. Le PDG rappelle que «la loi nous oblige à recourir au Credoc (crédit
documentaire) pour tout achat de pièce détachée, c'est un mode de paiement qui
n'est pas adapté aux besoins de la compagnie», nous dit-il. «Je suis en train
de négocier d'autres modes de paiement depuis septembre 2009 mais je n'ai pas
eu encore de réponse», ajoute-t-il. Il semblerait que la prochaine loi de
finances introduirait de nouvelles dispositions à cet effet, du moins,
permettre à certains secteurs de faire des transactions avec d'autres modes de
paiement, au plus donner à tous les secteurs la possibilité d'utiliser le mode
de paiement qui les agrée.
Le patron d'Air Algérie continue
d'énumérer les causes des retards des vols. «Les Européens nous louent leur
ciel selon les plages horaires qui les arrangent, ils peuvent nous les changer
dès qu'on a le moindre petit retard, ce qui grossit terriblement le temps
d'attente des passagers et nous pénalise», dit-il. Il rappelle aussi qu'«on
doit donner des informations de sécurité aux aéroports étrangers, souvent, les
agences étrangères émettrices de billetterie ne le font pas, alors on est
obligé de le faire avant l'embarquement, sinon nous payons 2000 euros de
pénalité par passager si les informations ne sont pas données à temps».
Bouabdellah estime qu' «au lieu d'enregistrer un passager en 30 secondes, on le
fait en 30 minutes, imaginez les conséquences…»
Il reste cependant optimiste
quand il écrit dans Algeria Pass «2010 est pour Air Algérie une année riche
d'acquisitions et de persévérances». La phrase a fait bien sourire des
passagers dont la grogne enfle au rythme des retards qui s'imposent à eux
«régulièrement.» Leur Mot à eux «un minimum de respect aux êtres humains que
nous sommes». Le PDG d'Air Algérie termine quand même son Mot par un «je vous
souhaite un agréable vol.»
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Posté Le : 08/08/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com