Algérie

Transition fragile au Yémen



Le Yémen touché durant dix mois par la vague de contestation populaire dite «printemps arabe», semble entreprendre une transition plus «douce» que celles vécues par la Tunisie ou l'Egypte. En vertu d'un accord âprement négocié, Ali Abdallah Saleh accepte de quitter le pouvoir et une élection présidentielle est organisée avec un seul candidat : Abd Rabbo Mansour Hadi. Ce dernier remplace donc l'ancien autocrate Saleh et entame une transition où le risque de déstabilisation du pays n'est pas pour autant écarté. Le Yémen, pays arabe d'une complexité manifeste, regroupe toujours tous les ingrédients pour une évolution vers le pire. Les djihadistes islamistes ayant longtemps servi de prétexte au régime de Saleh semblent se faire oublier dans un contexte de confusion. En attendant leur heure. Autre facteur de risque au Yémen : le mouvement chiite d'Al-Houti, dans le nord du pays, contre lequel l'armée yéménite a pourtant mené une véritable guerre. Sans parvenir à le mater ou lui faire jouer un rôle dans la nouvelle partition du pouvoir. Les deux mouvements, très radicalement opposés, ont profité des dix mois de chaos pour se renforcer et s'installer. Ils entendent sérieusement peser dans les tractations politiques futures. Le Sud Yémen, à la faveur des contestations anti-Saleh qui ont vus l'armée yéménite se scinder en deux camps, a également subit une impulsion. Après avoir été fortement réprimé, le mouvement sudiste (al-Harak al-Janoubi) a repris du poids. Le début du processus de transition risque fortement d'être perturbé par les acteurs politiques «traditionnels» yéménites. Le Sud Yémen était gouverné sous le régime d'une république marxiste, avant que le pays ne soit réunifié par la force des armes en 1990. Et c'est en tant qu'«unificateur» que l'ex président Ali Abdallah Saleh s'est imposé au pouvoir pendant plus de trois décennies. La menace de sécession au Sud lui a servi continuellement d'argument pour perdurer dans un pays aux démembrements claniques complexes. Cependant, la réunification par la force n'a pas été suivie d'une politique sérieuse d'intégration nationale. Les plus radicaux, qui se reconnaissent dans l'ancien vice-président yéménite en exil, Ali Salem Al-Beidh, ont appelé carrément à la désobéissance civile. Le nouveau président du Yémen n'aura vraisemblablement pas la tache facile. Militaire de carrière, il a servi dans l'armée du Sud Yémen à l'époque où ce dernier était indépendant, avant de faire défection et de passer au Nord, après la guerre civile en 1986. Après l'unification en 1990, il devient ministre de la Défense de Saleh, puis vice-président en 1994. Ali Abdallah Saleh, qui entretenait de sérieuses velléités de faire hériter son fils, cède le pouvoir après 33 ans de règne sans partage. Cependant, au grand dam de nombre de contestataires, Saleh devrait rester au Yémen, où il entend bien «poursuivre une activité politique», son séjour aux Etats-Unis étant limité à des soins. Il a accepté de quitter le pouvoir en échange de l'immunité. Mais, via son réseau tribal et familial, il garde une influence considérable sur la vie politique du pays. Après un an de soulèvement et de chaos la stabilité semble ne pas être au rendez-vous au Yémen. C'est que la tâche est considérable pour le nouveau président, resté pendant 18 ans dans l'ombre de Saleh qu'il a fidèlement servi. les termes de l'accord de transfert du pouvoir sont : la refonte et la réorganisation des puissantes forces de sécurité, la désignation d'une commission chargé d'écrire une nouvelle Constitution et le lancement d'un dialogue national entre partis rivaux. Au Yémen, Abd Rabbo Mansour Hadi, est considéré comme un homme de consensus, «plutôt faible et sans grande ambition politique». Il n'incarne pas le véritable changement. «Il est quelqu'un du pouvoir, issu du Congrès général du peuple, le parti de l'ancien président. On reste un peu sur les mêmes lignes même si la tête civique du pouvoir va changer avec cette élection. La page Saleh ne va pas se tourner de façon totale», estime Dominique Thomas, spécialiste du Yémen. Les membres de la famille et du clan de l'ancien président sont toujours là. «Le nouveau président va devoir mener une politique des petits pas, de consensus et de dialogue avec le parti hégémonique et l'opposition», souligne également Dominique Thomas. Mais le nouveau président de la transition au Yémen aura pour tache délicate de mener des réformes, particulièrement au sein de l'appareil sécuritaire. Et c'est à ce niveau que subsiste la principale inconnue. Quelle posture face au tout-puissant clan Saleh, qui détient toujours les leviers au sein du pouvoir 'M. B.


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