Le verdict est tombé jeudi. Les 53 accusés dans l'affaire du transfert illégal de capitaux de l'Algérie vers
l'Espagne ont été tous condamnés. Ils ont écopé des peines entre 10, 7 et 3 ans
de prison ferme, assorties de lourdes amendes. Quinze d'entre eux, parmi
lesquels le patron de Mobilart, ont été condamnés,
par défaut, à la peine maximale prévue par la loi, à savoir 10 ans
d'emprisonnement, soit la sentence requise par le représentant du droit public.
Un mandat d'arrêt international a été décerné, en audience, contre l'ex-PDG de Mobilart et tous les autres mis en cause absents lors du
procès. Treize accusés, qui étaient en détention provisoire, ont écopé de 7 ans
de prison ferme, alors que vingt-cinq autres, en liberté provisoire, ont été
condamnés à 3 ans d'emprisonnement. Les 53 personnes condamnées doivent, en
outre, verser solidairement un montant faramineux à la Douane algérienne. La
partie civile a en effet vu sa demande d'être dédommagée à hauteur de cinq fois
le montant global des devises transférées, soit l'équivalent de quelque 3
milliards d'euros, accordée par la justice au titre de l'action civile. Tous
les avocats contactés juste après le prononcé du verdict par le Pôle spécialisé
du Centre, siégeant au tribunal de première instance de Sidi M'hamed (Alger), ont déclaré qu'ils allaient faire appel - ou
opposition dans le cas de condamnation par défaut - de cette décision. Maître Boulenouar Amine, l'avocat-conseil du patron de Mobilart, a déclaré attendre jusqu'à dimanche pour
connaître, en détail, la décision rendue par le tribunal avant de décider des
démarches à entreprendre. Au sujet de la « confusion » concernant un autre
accusé portant le même nom que son client, Me Boulenouar
a précisé qu'il s'agit d'un homonyme, qu'il n'y avait aucun lien de parenté
entre les deux hommes. Il y a lieu de rappeler que le verdict avait été mis en
délibéré à l'issue du procès qui avait eu lieu le 15 décembre dernier. Le
ministère public avait requis 10 ans d'emprisonnement à l'encontre des 53
accusés tout en bloc. Sur le plan procédural, il importe de rappeler que le 14
septembre 2011, la chambre d'accusation près la cour d'Alger avait tranché pour
la correctionnalisation (ou la décriminalisation) de l'affaire. En vertu de
l'arrêt rendu par cette juridiction, les chefs d'accusation retenus au départ,
à savoir les articles 2 et 15 de l'ordonnance 05-06 du 23 août 2005 relative à
la lutte contre la contrebande, ont sauté et été remplacés par les articles 2
et 10 de la même loi. La chambre d'accusation n'a pas suivi le juge
d'instruction près la 9e chambre du Pôle pénal spécialisé, en estimant, en
substance, que le cas de figure était disproportionné avec l'article 15:
«Lorsque les faits de contrebande constituent, de par leur gravité, une menace
sur la sécurité nationale, l'économie nationale ou la santé publique, la peine
encourue est la réclusion à perpétuité.» Ainsi, outre le délit de contrebande
(de devises), les 53 accusés ont été inculpés d'un autre délit : l'article 1 de
l'ordonnance 10-03 du 26 août 2010 relative à la répression de l'infraction à
la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux
de et vers l'étranger (fausse déclaration, inobservation des obligations de
déclaration, défaut de rapatriement des capitaux, inobservation des procédures
prescrites, inobservation des formalités exigées, défaut des autorisations
requises, non-satisfaction aux conditions dont ces autorisations sont
assorties).
A l'origine du déclenchement de toute cette affaire: une liste «noire »
où figuraient 43 noms d'Algériens suspectés d'appartenir à un réseau
transfrontalier de soutien financier au terrorisme et au crime organisé,
transmise par les autorités espagnoles à l'Algérie, en milieu de l'année 2009,
dans le cadre de la coopération judicaire entre les deux pays. Etablie donc dans
le cadre de la traque des fonds susceptibles de financer le terrorisme et le
grand banditisme, des recherches pour définir la traçabilité
des fonds transférés par des étrangers vers des banques ibériques ont accouché
de cette liste nominative. Les critères de sélection adoptés alors par les
autorités espagnoles étaient basés sur la fréquence des entrées-sorties et des
déclarations de devises faites par les voyageurs algériens auprès des douanes
espagnoles ainsi que la masse de ces capitaux ramenés d'Algérie, en bagages à
main, par avion ou par bateau. De quoi apporter de l'eau au moulin à un
processus d'investigation mis en branle, peu de temps auparavant, sous le grand
sceau de l'assainissement du commerce extérieur, et dont les premières cibles
consistaient en une quarantaine d'opérateurs dans l'import-export.
Le 13 janvier 2010, la PJ
de la sûreté de wilaya d'Alger clôt son enquête préliminaire visant 44
«passeurs» présumés de devise forte vers l'autre bout de la Méditerranée,
ordonnée 9 mois auparavant par le parquet général d'Alger, et en transmet sitôt
le rapport à ce dernier. Entre- temps, le dossier prenait de l'épaisseur au fil
des jours, avec l'incorporation en avril 2009 d'une plainte émanant des
services de la douane de l'aéroport d'Alger, puis, en août, d'un autre dossier
en provenance du tribunal d'Oran concernant 27 opérateurs basés dans l'Oranie.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 07/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Houari Saaïdia
Source : www.lequotidien-oran.com