Des spécialistes dans les domaines d'intervention dans les situations traumatisantes ont été sollicités pour enrichir et consolider leur compétence de prise en charge des victimes en se familiarisant avec les dernières techniques dans le diagnostic et les traitements.C'est à l'initiative du Laboratoire de la psychologie de l'usager de la route (LPUR) de l'université de Batna 1, qui a organisé pendant deux jours, les 1er et 2 décembre derniers, un colloque international sur «Le traumatisme dans les situations humaines : mécanismes d'intervention et de prise en charge».
Le fait que ce soit un jour de repos hebdomadaire n'a pas dissuadé les universitaires de venir nombreux assister à cette rencontre. Samedi, la salle de conférence n'était pas clairsemée. Des étudiants en licence, master et des chercheurs se sont dits fort intéressés par le thème, relevant de leur spécialité.
La problématique
La visibilité des situations traumatiques générées par les conflits armés, les catastrophes naturelles, les accidents mortels ou les maladies s'est accentuée ces dernières années. «Personne ne peut nier aujourd'hui le grand impact de ces divers traumatismes sur la santé des personnes qui y sont exposées, que ce soit sur le plan physique, psychologique, sécuritaire, social ou économique.
Afin de garantir la meilleure protection aux sujets, c'est l'intervention et la prise en charge rapides et urgentes dans ces situations qui permettent d'éviter la détérioration des cas exposés à la mort ou à de graves troubles. Il est donc impératif pour les spécialistes dans ces domaines d'enrichir et de consolider leurs compétence d'assistance et de prise en charge des victimes en se familiarisant avec les dernières approches et techniques dans le diagnostic.
Et de prospecter des méthodes novatrices dans la gestion urgente de tous les cas afin de pallier les conséquences graves causées par leur exposition à des traumatismes», ont argumenté les organisateurs, représentés, entre autres, par le président du LPUR, le Pr Mohammed El Hadi Rahal Gherbi. Et partant, les spécialistes des traumatismes ainsi que les praticiens thérapeutes ont été sollicités «pour introduire de nouvelles thèses procédurales du phénomène, en mettant l'accent sur les interventions d'urgence et les stratégies idoines pour ce type d'interventions».
La mission du LPUR
Le Laboratoire de la psychologie de l'usager de la route (LPUR), qui a organisé le colloque, a été créé en 2009 au sein de la faculté des sciences humaines et sociales de l'université Batna1. Son objectif principal était de «veiller et d'identifier les facteurs psychologiques importants qui jouent un rôle dans l'équation ? sécurité contre les risques-». Aussi, de «suggérer des solutions et d'élaborer des programmes éducatifs et psychologiques de sensibilisation et de généraliser la culture de la sécurité routière».
Composé de quatre équipes de chercheurs, le LPUR, pour atteindre les objectifs tracés, tente de répondre à une série de questions à travers lesquelles il est identifié les facteurs responsables de la propagation des accidents de la route en Algérie, leur influence psychologique dans l'aggravation de ce phénomène, et les déterminants juridiques et organisationnels qui contribuent à leur propagation. Le laboratoire se penche aussi sur les facteurs culturels et sociaux qui ont un rôle sur l'accroissement des accidents de la circulation et d'en dégager les moyens de prévention et la prise en charge des victimes.
Pour mener à bien cette mission, quatre champs de recherche sont investis, en l'occurrence la psychologie du conducteur, la psychologie du piéton, l'apprentissage de la conduite et du code de la route et la prévention et les sanctions. Il est toutefois des exigences que les organisateurs ont immiscées dans ce conclave porté par des professionnels, dont des psychologues cliniciens nationaux et internationaux.
Celles de présenter «les plus récentes des définitions de la notion de traumatisme, les approches modernes d'intervention et de prise en charge, l'initiation aux nouvelles techniques de traitements, ainsi que l'exposition des diverses expériences et recherches locales ou internationales dans le domaine de l'intervention d'urgence en cas de traumatisme», selon notre interlocuteur.
Thérapie novatrice
Pour réussir cette feuille de route, il a fallu la participation d'une cinquantaine de communicants, issus de 22 universités et centres universitaires, ainsi que d'institutions spécialisées en Tunisie, Grande-Bretagne, Allemagne, France et Congo. Les axes principaux sur lesquels le thème a été enrichi se sont articulés autour du traumatisme dans les situations humanitaires, les mécanismes d'urgence, la prise en charge des traumatisés et l'élaboration de stratégies d'intervention. Les dernières techniques thérapeutiques ont été abordées par des spécialistes venus d'Europe, à l'image du Dr Khaled Soltane, installé en Grande-Bretagne.
Consultant à EMDR Europe, il a présenté une thérapie innovante, l'EMDR, initiales de «Eye movement de sensitization and reprocessing», qui signifie désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires. D'origine syrienne, l'intervenant, qui pratique à Londres, traite ses patients aux quatre coins du monde. Selon lui, nul besoin de séances présentielles. La technologie lui permet d'actionner ce procédé à distance.
Il effectue sa thérapie via le skype. Mais au fait, c'est quoi l'EMDR ' La définition la plus vulgarisée est que «la thérapie EMDR utilise une stimulation sensorielle bi-alternée (droite-gauche) qui se pratique par mouvements oculaires ? le patient suit les doigts du thérapeute qui passent de droite à gauche devant ses yeux ?, mais aussi par stimulis auditifs ? le patient porte un casque qui lui fait entendre alternativement un son à droite, puis à gauche».
Il faudrait une quinzaine de séances pour aboutir à des résultats, parfois moins, dira le Dr Soltane, qui affirme avoir traité des cas en une seule séance. Et de donner l'exemple, photo à l'appui, d'un enfant syrien de 12 ans. L'avant et l'après séance ne relève aucun doute sur les résultats de cette thérapie. Cette dernière, pratiquée en Europe et aux Etats-Unis, est inexistante en Algérie.
Une innovation dont les spécialistes nationaux ont pu jauger de son efficacité à travers une séance pratique menée par le spécialiste. En suite logique, les séquelles post-traumatiques ont aussi été associées aux travaux d'ateliers. Statistiquement, elles sont présentes à hauteur de 53,8% chez les victimes de torture ou de captivité, 49% pour les cas de kidnapping, 23,7%, pour les agressions sexuelles, 16,8% pour les accidents et 2,3% concernant les désastres naturels.
Des chiffres qui croissent dès qu'il s'agit de violences ou d'agressions. Et de préciser que le traitement des séquelles post-traumatiques diffère d'un cas à un autre : chez les enfants, il est très difficile de les surmonter : «Le traumatisme, c'est la récurrence des humiliations. L'origine est à chercher dans le milieu familial», a estimé le spécialiste. Et d'exposer son expérience en la matière avec des réfugiés syriens. En 2012, il a traité quelque 200 cas post-traumatiques à travers 28 visites effectuées en Syrie et aux camps de réfugiés en Turquie et au Liban.
Les victimes collatérales
Les victimes de traumatismes ne sont pas uniquement celles qui en ont fait l'objet. Les intervenants peuvent en être sujets, à l'exemple des secouristes et des corps constitués. Pour le Dr Soltane, la police et l'armée au Royaume-Uni ont recours aux spécialistes des traumatismes pour leurs propres effectifs. Le représentant de la Protection civile a d'ailleurs abondé dans ce sens lors de ce colloque.
L'horreur des accidents de la route ou des catastrophes naturelles provoque un impact sur certains éléments. Les répercussions peuvent être désastreuses sur au moins 10% d'entre eux, comme l'a indiqué le Dr Jassem El Mansour, et qui peut se traduire ne serait-ce que par cette pensée négative qui peut les accompagner le long de leur vie.
Ce professionnel de la thérapie post-traumatique à Berlin (Allemagne) est revenu sur les moyens de prise en charge rompus en la matière : «L'être humain est exposé à moult traumatismes dans sa vie, dont le premier est la naissance? De ce fait, les troubles psychologiques générés provoquent un déséquilibre qui entraîne une incapacité à gérer cette situation.» Et la solution ' La thérapie.
Il faut procéder par étapes, retrouver l'équilibre psychologique, puis la confrontation avec le choc, et enfin la réinsertion de nouveau dans la société. Le Dr El Mansour a toutefois soulevé la complexité de certains cas : «La prise en charge n'est pas la même pour tous les traumatisés. Je ne peux pas établir l'équilibre psychologique chez quelqu'un qui est toujours violenté ou vivant encore dans un conflit armé.»
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Posté Le : 12/12/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Naïma Djekhar
Source : www.elwatan.com