Algérie

Trahison des clercs, silence des «experts»



Il est connu que Ramadhan n'est pas spécialement le mois de l'effort, ni physique ni intellectuel. Pourtant, chaque année à la même période, nos prédicateurs attitrés se font forts de resservir à la masse des jeûneurs assommés les mêmes sermons d'invite au travail et à la bonne conduite. Un conseil, gratuit : s'ils veulent être écoutés, qu'ils décalent l'horaire de leur prêche. Ventre affamé n'ayant point d'oreilles, peut-être auront-ils plus de chances de faire mouche auprès des fidèles qui n'auront pas pris le chemin des mosquées pour les «Tarawih», s'ils apparaissaient sur le petit écran immédiatement après le F'tour.Ce qui est par contre troublant, c'est ce silence devenu assourdissant, de tous ces forts en thème qui forçaient les colonnes des journaux pour nous expliquer par a plus b le futur politique de l'Algérie. Si certains le faisaient sans sortir des limites de la décence et de la modestie, caractéristiques de la vraie démarche intellectuelle, d'autres laissaient pernicieusement entendre qu'ils étaient dans le secret des Dieux. Le retour au pays du président Bouteflika après plus de deux mois d'absence pour soins à l'étranger était une occasion magistrale de saisir la balle au bond. Tout ce beau monde avait là une bonne opportunité de rebondir sur le terrain de l'analyse, voire la prospective politique. Difficile de savoir si c'est dû à la somnolence du mois de l'effort et de la ferveur ou à leur carquois vidé de toutes ses flèches à force d'avoir trop tiré sur les comètes mais, cédons encore une fois à l'oxymore, il n'y a pour toute réponse qu'un silence éloquent.
Bouteflika est donc rentré il y a une douzaine de jours et il s'est laissé montrer «grandeur nature» et en temps réel, par l'entremise de la télévision, à son arrivée à l'aérodrome militaire de Boufarik. Il était en fauteuil roulant et à peu près dans le même état de santé qu'aux Invalides quand il avait reçu, en juin, le Premier ministre et le chef d'état-major de l'ANP. Comme dirait un livre sacré, ce sont-là, certes, des signes pour qui veut voir. Mieux, quelques jours plus tard, un haut gradé des services de sécurité de l'armée sera mis à la retraite pour, se dit-il, un problème en relation avec la communication sur l'hospitalisation du chef de l'Etat à l'hôpital du Val-de-Grâce. La main présidentielle ne serait pas étrangère à ce limogeage.
A-t-il besoin de parler après cela ' Dans l'immédiat, non, car la façon dont il a géré sa propre image n'a pas manqué d'être en soi assez parlante. Toutefois, un silence prolongé serait de nature à relancer les supputations-élucubrations et à enferrer dans le mutisme des prétendants qui ont décidé qu'ils ne parleraient qu'après lui (le Président).
Pour le moment, clercs et acteurs politiques, ainsi que les «experts» en réserve savent au moins que le Président a toute sa tête, qu'il peut se montrer au peuple tel qu'en lui-même, et surtout qu'il peut décider et même sanctionner. En d'autres termes, le tropisme de sa personne reste prégnant dans le jeu politique national et si ces éléments d'appréciation ne permettent pas de répondre à la question sur ses intentions pour avril 2014, ils en entrouvrent une autre, et de taille. Dans le cas où son état de santé l'empêcherait de briguer un autre mandat ou s'il estimait, pour une raison ou une autre, que le moment était venu pour lui de passer le relais, se tiendrait-il à l'écart des centres de décision ou essayerait-il de peser dans le choix de son successeur '
On peut dire que ce genre de questions ressemble à s'y méprendre à un débat de Normand (sic), tant la contingence et la probabilité l'emportent sur la fiabilité d'hypothèses plus sûres. Mais la mission du chroniqueur s'arrête là, c'est-à-dire à l'intersection où commence celle des experts et des forts en thème.
A. S.


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