Algérie

Tragédies ordinaires ne convoquent pas les projecteurs



En l'espace d'un mois, plus précisément entre le 13 mars et le 15 mai 2021, six enfants et adolescents âgés entre 10 et 16 ans sont morts par noyade dans la wilaya de Boumerdès. Inutile de dire que ce genre de chiffres ne s'invente pas, puisque c'est le porte-parole de la Protection civile locale qui le communique. S'il y avait un doute quelconque autour de la crédibilité du chiffre, ce n'est pas sûr que ce soit dans le sens qui vient spontanément à l'esprit. Il faudra alors revoir ce bilan à la hausse et ça devient plus douloureux, plus dramatique encore. Autre chose qui vient « spontanément à l'esprit », les « noyades », ce n'est pas ce qu'une personne ordinaire pourrait naturellement imaginer, surtout quand cela concerne Boumerdès, une sous-région plus encline à évoquer la mer et les plages au sable fin, plutôt que ces sordides retenues collinaires, ces plans d'eau qui ne servent à rien sinon à donner la mort à des enfants, des adolescents et plus rarement des adultes.Ces enfants sont donc morts en cherchant à... vivre un moment de détente qui les éloigne du brasier naturel et de l'enfer préfabriqué. Quand on est un enfant de Kherrouba, il arrive qu'on oublie même que la mer est à un battement d'ailes de son hameau, tellement les choses sont compliquées pour les gens de modeste condition. Alors, on va, le corps en avant et la tête en ébullition, se jeter dans un bassin mortel ou la vase assassine du barrage. Deux mômes ont laissé leur vie à Kherrouba dans un bassin. À côté, il y a un immense barrage qui s'est trompé de vocation et au loin, la grande bleue, pas vraiment bleue pour tout le monde. Aux Issers, encore plus proche de la mer et des lumières de la route, il y a eu un autre gamin, mort d'avoir voulu se rafraîchir la tête, le tronc et les membres. C'est bête, c'est dur et c'est surtout injuste de mourir dans la plaine des Issers à l'orée de l'été. La mer se sent déjà dans les chaumières et sur le bas-côté, il aurait pu y avoir une piscine. Finalement, il n'y a eu que la mort, encore et toujours, comme chaque année à la même période, dans les mêmes coins perdus et d'autres pas si perdus que ça. Et enfin, il y a eu Benchoud. Vous ne connaissez pas Benchoud ' Vous n'aurez pas la chance de la découvrir dans d'heureuses circonstances. Parce que dans cette commune de Boumerdès, il y a eu des enfants morts noyés, pas en mer mais là où ils ont trouvé un peu d'eau. Vous n'aurez pas entendu parler de Benchoud sans le porte-parole de la Protection civile locale. Les tragédies ordinaires ne convoquent pas les projecteurs.
S. L.


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