Algérie

tragédies d'hier et d'aujourd'hui France : un livre pour la postérité



Témoignage - Dans son livre Ouessant, Enez Heussa, l'île de l'Epouvante publié en 1899, le célèbre traducteur et critique d'art français, Paul Gruyer raconte ainsi le naufrage.«Le lendemain, m'a raconté Miniou, le patron du bateau-courrier, en venant vers Ouessant, je vis que la mer était couverte de débris et qu'un grand naufrage avait dû avoir lieu. Je prévins à mon arrivée dans l'île, et tout le monde mit les barques à la mer. L'on trouva, accroché à une poutre, blême et les bras raidis dans leur étreinte, un homme respirant encore, un nommé Macquar, qui depuis douze heures avait résisté au battement des flots ; un officier qui, toute la nuit, avait lutté comme lui, venait de couler quand on l'atteignit. Par lui seul, et par deux matelots recueillis à l'île Molène, près de laquelle, sur les rocs dits Les Pierres Vertes, le naufrage avait eu lieu, l'on put connaître les derniers moments du navire et la rapidité de l'engloutissement qui, de trois cents personnes, en laissait seulement trois vivantes. Macquar avait dû son salut à ce fait qu'il était par hasard, à cet instant, monté sur le pont. Et si cette fois tous périrent, du moins n'y eut-il pas la longue agonie de La Bourgogne, ses luttes vaines et leurs scènes d'horreur, plus épouvantables certes que la mort. Toutes les montres retrouvées plus tard sur les cadavres indiquaient la même heure, à onze heures et quart. Un seul groupe, composé de deux femmes et d'un homme attachés ensemble, montra qu'il y avait eu quelque tentative de rébellion inutile.»
«La seule question qui n'ait jamais été éclaircie, c'est comment ce navire se trouvait là, car ce n'était point sa route ; elle était au large, en pleine mer, à plusieurs lieues. Jamais pilote ne va, pour son plaisir, passer entre Ouessant et la terre. Erreur singulière et déviation incompréhensible que le brouillard explique mal ; je n'ai pas trouvé un marin qui l'admette possible pour un homme de bon sens. L'opinion générale est qu'à bord on avait dû boire plus que de raison. L'ivrognerie est un vice très britannique et c'est, paraît-il, un usage coutumier aux navires anglais de vider à la fin de la traversée tout l'alcool qui reste ; l'on dansait et l'on buvait. Pour cette cause aussi il n'y a pas eu, sans doute, plus d'hommes d'équipage qui se sont sauvés.»
«À mesure que l'on retrouvait les corps, ils étaient déposés dans une salle de magasin, puis on les enveloppait dans un carré de toile à voiles car le bois est trop rare et trop cher pour tant de cercueils, et on les inhumait. Une partie repose à Ouessant, l'autre à Molène. Les habitants de ces deux îles furent admirables de dévouement pour rendre à tous leurs derniers devoirs... »
Lire demain : «France : France : 65 mètres sous les mers»


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