Algérie

Trafics


Trafics
«Nous sommes une nation où les intérêts supérieurs de l'Etat s'arrêtent aux frontières des intérêts inférieurs des particuliers.» Jean Amadou
Il ne faut jamais croire les hommes politiques quand ils font des déclarations qui sont en complète contradiction avec l'idéologie dont ils se réclament ou avec les slogans qu'ils utilisent à tout bout de champ. Comme il est difficile de définir la nature de l'Etat dans sa manière de gérer les rapports humains dans la société, il est loisible de dire que tantôt il est d'une sévérité qui fait adopter les dehors de l'autoritarisme, tantôt il est d'une permissivité qui séduit les partisans du libéralisme ou qui frise même une désinvolture suspecte. C'est comme qui dirait au cas par cas: c'est à la tête du client et selon la conjoncture. On peut en juger par le comportement de ceux qui sont chargés d'interpréter et d'appliquer les lois: ici, ils sont d'une mansuétude et d'une indulgence quasi maternelles, et là, ils sont d'une sévérité draconienne. C'est toujours selon les intérêts de ceux qui sont impliqués dans le périlleux exercice de l'équilibre des pouvoirs. Un haut fonctionnaire est cité dans une ténébreuse affaire où la Justice est sollicitée: il trouve toujours le moyen de récupérer son passeport et de partir à l'étranger pour attendre la fin de la tempête. Un grand commis de l'Etat subit les foudres d'une presse unanime pour les résultats désastreux tant sur le plan financier que de l'éthique d'un secteur qu'il était chargé de gérer, il est débarqué dans un silence gênant et se rend à l'étranger pour exercer les talents qui lui ont manqué ici, au service de ses anciens clients qui se montrent pleins de gratitude pour les services rendus. Un plumitif se permet de faire une petite allusion dans un minable article de presse: il est convoqué et sermonné séance tenante pour un délit qu'il était loin d'imaginer. Des apprentis gangsters étrillent un journaliste d'investigation: ses bourreaux attendent depuis des années, le cigare au bec, que justice se fasse. Un chômeur de longue durée sort pour manifester publiquement son indignité: il est embarqué manu militari pour atteinte à l'ordre public, comme si le chômage, cet état qui enlève toute dignité au citoyen, faisait partie du fameux ordre public. C'est cette dichotomie et cette opacité du système de gestion à géométrie variable qui permet à beaucoup de responsables d'adapter leurs discours aux problèmes posés, en fonction de la météorologie sociale et politique. Le désordre qui en résulte sur le terrain donne une réelle idée des intérêts qui sont en jeu. Si on prend le phénomène du marché informel qui est devenu la normalité dans l'économie nationale et que l'on accuse de tous les maux qui frappent le pays, il est né et s'est développé en même temps que l'Etat a commencé à se désengager de la politique d'industrialisation et de subvention des entreprises nationales. Les observateurs n'ont pas manqué de relever avec justesse la simultanéité du phénomène intégriste et de l'apparition des premiers produits importés par de jeunes gens porteurs de grands sacs de voyage. La crise économique et l'ouverture officielle des frontières à l'importation ne feront qu'accélérer et aggraver un phénomène qui détruira le peu qui reste d'une industrie démantelée par des restructurations criminelles. C'est évidemment au départ les revenus en devises d'émigrés dont les ressources sont conséquentes et capables de donner un coup de main à une économie essoufflée, qui vont financer les premiers flux de marchandises sous le manteau. Cela eut pour premier résultat une détérioration de la valeur du dinar qu'une production nationale défaillante ne pouvait soutenir en l'absence d'une politique adéquate. Le laxisme des autorités envers le marché informel ne peut s'expliquer que par le pouvoir qu'exercent les gros bonnets de l'importation sur l'application de la loi. Comment alors comprendre qu'un trafiquant en devises, restaurateur de son état, subisse les foudres de la loi quand des cambistes arborent allègrement, la fleur à la boutonnière, des paquets de devises à deux pas du Palais de justice. Dans le trafic de devises, il n'y a pas que les simples citoyens qui y trouvent leur compte. Comment alors expliquer l'achat de châteaux en Espagne'
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