Algérie

TraditionsDeux façons de fêter le Mawlid ennabaoui à Béni Abbès et à Tabelbala



Publié le 17.09.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

AHMED MESSAOUD

Nulle part ailleurs, le Mawlid ennabaoui n’est fêté avec autant de ferveur qu’à Béni Abbès, la perle des oasis de la Saoura dans la wilaya de Béchar.
A partir du 1er rabii al awal, commence la commémoration des 10 veillées par les chants panégyriques en l’honneur du Prophète (QSSL) notamment «la Mawlidia», «la Borda» et «al Hamziya» dans toutes les mosquées de la ville.
Le 10e jour de rabii al awal, est célébré le «Haybousse». A 8 heures du matin, le patriarche de la famille Ouled Rahou procède au cérémonial de «laâbar» qui consiste à peser les quantités de semoule que les femmes doivent rouler pour faire du couscous. Ces femmes, après avoir fait leurs ablutions, s’attellent à rouler le couscous tout en récitant des louanges du Prophète (QSSL). A la 10e heure du même jour, un chameau est égorgé près de la zaouïa de Sidi Mohammed Ben Abdeslam. Le couscous, garni de viande, sera servi à tous les présents après la prière du Maghreb. La «selka» qui débute juste après la prière du dohr pour se terminer avant celle de l’asr est la clôture de la lecture du Livre Saint au niveau de la vieille mosquée.
Le 11e jour de rabii al awal, les descendants des awliya salihine parent les mausolées de leurs ancêtres pour la visite qu'effectuent les élèves des écoles coraniques en usant de «nouba» et de «trada» au cours de leur périple. Ils atteindront «i'masrya» après la prière de l’asr pour assister à la lecture de la Fatiha par les notables. A la fin de la lecture, les salutations du Prophète (QSSL) fusent de partout pour annoncer l’ouverture officielle où entrent en parade les différentes formations folkloriques du baroud et ce, jusqu’à l’annonce de la prière du maghreb. Entre les prières du maghreb et el icha, des conférences seront présentées par des professeurs et des chouyoukh.
Après la prière d’el icha, le visiteur aura le choix entre une veillée organisée par la confédération nationale consultative du mouvement associatif, une visite de l’exposition organisée au niveau de l’hôtel le Grand Erg, la psalmodie du Coran, la circoncision des enfants en compagnie des hénayates chargées de mettre du henné aux garçonnets à circoncire sous les airs de galal et tizemmarine, la distribution des prix aux élèves ayant appris le Livre Saint. Ailleurs et plus exactement au niveau de la mosquée Ibn Badis, se tient une veillée consacrée aux panégyriques du Prophète (QSSL) à partir de une heure du matin jusqu’à l’annonce de la prière du fajr. Le 12e jour au matin commence la marche de «la trada» et le baroud par le trajet traditionnel de la fête d’entrée au vieux ksar en passant par les jardins pour arriver à «Sarout Souikate».
Cette longue procession voit défiler en file indienne tous les baroudeurs par l’allée surplombant la palmeraie de Béni Abbès en forme de scorpion vue de l’air. Les troupes rivalisent pendant tout ce temps à montrer leur savoir-faire dans le maniement des fusils à poudre en battant la cadence sur le rythme du galal et tizemmarine. Le couscous est servi à profusion à tout le monde à partir de la matinée aux lieux-dits El Haybousse et Men Ata. Les troupes du baroud et de la trada seront accueillies par du lait et des dattes à leur arrivée à midi à Hay Chaâba. Là aussi seront honorés les nouveau-nés. Ils sont appelés «Atfal el Mezrak».
Du 12e au 18e jour, différentes compétitions culturelles et sportives sont organisées. Il y a tout d’abord un tournoi de football inter-quartier pendant le jour et des veillées poétiques à caractère panégyrique le soir venu. Après la prière de l’asr du 18e jour, toute la ville assiste aux prières et aux louanges du Prophète (QSSL) suivies de «trada» et de baroud qui dureront au niveau de la place des Martyrs jusqu’au coucher du soleil.

Fréha, une tradition séculaire du Mawlid ennabaoui à découvrir à Tabelbala
Après vous avoir fait découvrir les différentes festivités du Mawlid ennabaoui el-charif à Béni Abbès, nous vous invitons à découvrir Fréha, une tradition séculaire célébrant le jour anniversaire de la naissance du Prophète (QSSSL) à Tabelbala, qui se trouve à 420 km au sud de Béchar.
Durant l'après-midi du 11 rabii al awal, les premiers signes de fête sont visibles et entendus de Zaouïa à Cherayaâ à 7 km plus loin en passant par Ksar Makhlouf et Koara au centre-ville. Des femmes richement vêtues et arborant bijoux, mains et pieds portant des arabesques tracées au henné, déambulent dans les rues. De temps à autre, des youyous fusent des maisons. On entend aussi des chants religieux en traversant la ville sans qu’on puisse voir les chanteuses cloîtrées dans leurs maisons. Tous les gens que vous rencontrerez vous recommandent d’assister à la fréha. Ils se rassurent et se réjouissent lorsque vous leur apprenez que vous vous êtes spécialement déplacés à Tabelbala pour découvrir cet événement annuel.
Le 12 au matin, il faut quitter le centre-ville pour prendre la route menant à Zaouïa en passant près de Ksar Makhlouf. Zaouïa est une agglomération habitée par les Ouled Sidi Brahim, les Zekraoui, les Yahyaoui et les Ayachi. Elle tient son nom de la présence en son sein de la zaouïa séculaire de Sidi Bouzekri. C’est son cimetière qui renferme la tombe de Sidi Bouzekri, le saint patron de Tabelbala, les sépultures des Sabaâtou Rijal et des tombes géantes. Trois grandes tentes sont dressées pour l’occasion entre les dunes de sable et les ruines de la première mosquée de l’oasis construite, selon les uns, par Sidi Bouzekri et, selon les autres, par Sidi Brahim, son disciple. Comme Sidi Bouzekri n’avait point laissé de progéniture, les descendants des quatorze enfants de Sidi Brahim soutiennent que c’est leur aïeul qui a édifié cette mosquée zaouïa dont les ruines sont toujours visibles et n’ont point fait l’objet de restauration. Sidi Bouzekri et après lui son disciple Sidi Brahim ont contribué à la propagation de l’Islam, à l’apprentissage du Livre Saint dans cette contrée où la totalité de la population autochtone parlait koarandzé. A l’intérieur des tentes, les personnes présentes récitent Al-borda, un chant panégyrique du Prophète (QSSSL) écrit par Al Imam Sharafeddine Abou Abdallah Mohamed ben Saïd Al-Boussaïri. Elles céderont la place à la troupe El Assala de l’inchade. A midi, les notables honorent les enfants classés aux trois premiers rangs du concours d’apprentissage du Coran. Des diplômes assortis de chèques postaux leur sont attribués à cette occasion. Le spectacle ne s’arrête que le temps de servir le repas constitué de couscous garni de viande. A l’appel du muezzin, les hommes se dirigent vers la mosquée pour la prière du dohr. Après la prière, il faut suivre les notables de Zaouïa qui se dirigent vers la demeure où doit se préparer la fréha.
Fréha est le nom donné à Tabelbala à une gasaâ, une grande assiette en bois taillé dans le cèdre servant à rouler le couscous. Elle symbolise la réconciliation entre deux familles qui vivaient en perpétuel conflit : les Yahyaoui et les Ouled Sidi Brahim. Fréha est jalousement gardée à Ksar Zaouïa par les Ouled Sidi Brahim et n’est sortie de la maison du patriarche de cette lignée qu’une fois par an, le jour du Mawlid ennabaoui. Pour faire accepter la réconciliation entre les deux familles en conflit, les anciens ont exigé que la fréha soit préparée, c'est-à-dire remplie de couscous par les hommes d’une famille et portée de cet endroit à l’emplacement de l’ancienne mosquée zaouïa de Sidi Bouzekri par les hommes de l’autre famille.
Dans une grande salle, on commence par étendre un drap propre au-dessus d’une couverture. Sur cette couverture, on a posé la gasaâ dite fréha. Un homme verse dedans une grande quantité de couscous qu’un autre se met à tasser avec ses mains. Un troisième, le patriarche sans doute, déverse dessus du beurre de chamelle fondu contenu dans une grande bouteille. On ajoute du couscous et on tasse de nouveau. Il y a été mis l’équivalent d’un quintal de couscous à notre estimation. Tout ce rituel se déroule en même temps que des chants religieux venant des pièces voisines où se trouvent les femmes. Après avoir invoqué les noms d’Allah et du Prophète (QSSSL), une dizaine d’hommes désignés à cet effet prennent de leurs mains la couverture qui se trouve sous la grande assiette en bois et sortent les premiers. Ils sont suivis par une grande procession d’hommes, de femmes et d’enfants. Les hommes portent des gandouras d’un blanc immaculé et se couvrent le chef de chèche, turban qui épargne de l’insolation et des poussières. Les femmes portent la mlifa, une étoffe dont elles se couvrent de la tête aux pieds. Ces mlifas rivalisent par les couleurs et les motifs. Le khôl dessine à ravir leurs yeux de gazelle et le miswak, brou de noix, met en valeur leurs lèvres charnues. Les plus âgées se sont enduit tout simplement les mains avec du henné, les plus jeunes se sont ingéniées à se couvrir les paumes des mains et les pieds d’arabesques. Les femmes portent haut plusieurs drapeaux.
A l’approche des tentes où les convives attendaient, les youyous saluant l’arrivée de la fréha donnent en même temps le coup d’envoi des exhibitions folkloriques des femmes. Tous les hommes présents mangent à tour de rôle quelques cuillères de ce couscous scellant le rituel de la symbolique de la réconciliation entre les deux familles. Pour clore ce rituel, la Fatiha est récitée par l’ensemble des présents. Dans le courant de l'après-midi, la troupe folklorique Ettawassoul du baroud s’exhibe à Cherayaâ.
Ahmed Messaoud




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