Algérie

Toute l'Algérie à Tizi Ouzou



Et comme un seul homme, les Algériens se mobilisent pour aider cette région meurtrie par les incendies.Le ciel commence à peine à s'éclaircir, quand trois semi-remorques, chargés d'aides alimentaires, traversent la ville de Tizi Ouzou, avant de foncer sur les hauteurs de Larbâa Nath Irathène, leur destination finale. Ils arrivent de Tamanrasset après trois jours de route. Ce convoi, venu de l'extrême Sud, se joint aux centaines d'autres qui arrivent de partout, affluant sans cesse vers la ville des Genêts, en proie aux flammes depuis lundi dernier. À bord de fourgons, de camions et de voitures, les conducteurs se dirigent tous vers la Kabylie, acheminant nourriture, eau, vêtements, tentes, couvertures, médicaments et jouets pour enfants. "De la fenêtre de notre maison, je vois des convois qui se déploient sur de longs kilomètres.
En tête de peloton, des fourgons où l'on peut lire : 'Oran, nous sommes tous de Tizi'", décrit Samir, un habitant d'un village situé à l'entrée de Larbâa. "Ils arrivent de toutes les régions du pays. De Constantine, de Sétif, de Biskra, d'Annaba, de Chlef, de Djelfa, de Tipasa... bref, de toutes les wilayas que compte l'Algérie. Je n'ai jamais vu une solidarité d'une telle ampleur. Malgré les pertes humaines enregistrées, les populations sont soulagées et consolées par cet élan de solidarité nationale", ajoute Samir, dont le village a failli être décimé par les flammes.
À la maison de jeunes de Larbâa où sont déposées les aides, les citoyens déchargent sans arrêt. Les camions attendent longtemps avant d'être déchargés. Les quantités d'aliments ont de quoi faire vivre pendant six mois toutes les populations sinistrées. Ces volontaires arrivent non seulement chargés d'aides, mais aussi pour prêter main-forte à ceux qui, mains nues, luttent contre les flammes. "J'ai été ému aux larmes quand un groupe de jeunes a sauté d'un camion venu d'Alger et a demandé où il pouvait aller pour éteindre les feux, en lançant : 'Mat khafouch, rana hna' (n'ayez pas peur, nous sommes ici avec vous)", témoigne un autre villageois. "Nous étions dans un moment de désespoir, quand ce groupe de jeunes a débarqué et, sans hésiter, s'est lancé pour contrer les feux.
Cela nous a redonné espoir, nous n'étions pas seuls face à notre tragédie", confesse-t-il. Manifestement, dans la douleur le pays a retrouvé son extraordinaire fraternité. Les chaînes de solidarité citoyenne se mettent rapidement en place et avec une efficacité surprenante. "Via les réseaux sociaux, les gens disent ce dont ils ont besoin urgemment." C'est ainsi que Zouheir, un jeune Constantinois, a débarqué avec ses copains dans la ville des Genêts chargé de médicaments remis à l'hôpital de la ville, où les sirènes des ambulances, transportant morts et blessés, se mêlent aux klaxons des convois de camions qui saturent les rues, sous les applaudissements des riverains.
Le boulevard Krim-Belkacem, qui entoure l'université de Tizi Ouzou, s'est transformé en un immense centre de dépôt, le QG des aides humanitaires d'où les denrées alimentaires sont envoyées vers les régions les plus touchées. "Nous recevons des aides de partout. J'ai vu défiler des camions et des fourgons de l'Algérie entière", assure un jeune bénévole, submergé de dons mais surtout d'émotion. Il ne trouve pas les mots pour exprimer sa gratitude à ces Algériens qui viennent au secours de la région. "Nous nous souviendrons toujours de cette immense solidarité qui nous fait oublier notre douleur", témoigne un autre volontaire. Le décor est le même du côté du stade de 1er-Novembre, où la wilaya a ouvert un centre d'aides.
Une interminable chaîne de camions s'est formée, attendant de décharger les aides, avant de les acheminer vers les communes sinistrées.
"À ce jour, nous les avons acheminées vers Iboudrarène, Ath Yenni, Larbâa Nath Irathène, Beni Douala, Ihesnawen, Aïn El-Hammam, Boghni, Yatafène, Akbil, Illoula, Bouzeguène et Abi Youcef", indique Mokrane, un bénévole qui tenait à transmettre un message de remerciements à tous les donateurs algériens venus au secours de la Kabylie. "Les aides venues d'autres régions du pays ont été salutaires pour nous", reconnaît-il. Mais, depuis mercredi soir, les citoyens de la région ont été brusquement replongés dans un choc encore plus grave que ce que les flammes ont causé. Le lynchage à mort du jeune Jimmy. Quelque chose s'est brisé. "À peine nous commencions à sortir de l'enfer, voilà que ce crime se produit et nous replonge dans l'horreur.
Et, circonstance aggravante, cela s'est produit au c?ur de Larbâa. Cette placette transformée en haut lieu de la solidarité citoyenne, de la communion et de la fraternité algérienne est vite devenue un lieu macabre. Quelle malédiction !" se désole un septuagénaire de la région. Une peur glaçante s'empare de la Kabylie et de toute l'Algérie. Un acte barbare qui vient casser cette résurrection algérienne. Tout le monde est sonné. Mais voilà qu'une voix devine est venue de Miliana et a réussi à apaiser les tensions. D'une dignité inégalable, le père de Djamel Bensmaïl a su trouver les mots que toute l'Algérie ne pouvait dire.
D'une voix calme et sereine, il a su chasser les démons. Toute l'Algérie a poussé un ouf de soulagement. Et comme un seul homme, les Algériens repartent à la mobilisation pour poursuivre cette épopée de solidarité en direction de la Kabylie. Cette Kabylie qui s'incline devant la mémoire d'un homme au grand c?ur, assassiné parce que symbole de cette fraternité.

K. T.-R. N.


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