TOUT VA BIAN, LE NOUVEL ALBUM DE SLIM, De l'humour décapant pour fêter le Cinquantenaire

A côté d'un dessin représentant un régime de bananes, cette petite phrase : «Forte de ses 35 millions de dictateurs, dont la moitié de sexe féminin, l'Algérie des 4 saisons a su résister au printemps venu d'Orient. Elle avance tranquillement vers l'arrière où elle se trouvait mieux avant.»


Ne cherchez plus, amis lecteurs, nul besoin de nous torturer les méninges pour trouer une explication à «l'exception algérienne» ! Slim vous en donne la clé pour décrypter le «code», tout en vous communiquant la météo de l'hiver arabe. Mais alors, «tout va bian», n'est-ce pas ' (surtout que «le régime tenait cette fois le bambou»). Ceci, pour vous donner une idée, vous mettre en appétit pour déguster, à la carte, en prenant votre temps et en savourant votre plaisir, les «50 ans, 50 planches quelques autres» que le chef a concoctés pour vous. Un sacré gâteau d'anniversaire ! Une surprise ' Non, sauf pour ceux qui souffrent d'amnésie. Les autres, tous les autres, savaient que Slim ne manquerait pour rien au monde de fêter les noces d'or de l'Algérie et de ses partenaires arabes. 2012, l'année du cinquantenaire de l'indépendance : l'occasion de regarder dans le rétroviseur de sa voiture tout en écoutant Farid El Atrache, Bissat Errih... Mais, autant en emporte le vent, chez Slim Tout va bian et c'est certifié «halal» par tous les «baggaras » de DZ1 et DZ2. Surtout quant le rire est le meilleur désinfectant du foie, comme dirait l'autre. Pour ce nouveau rendez-vous avec ses lecteurs, l'un de nos pionniers et parmi les plus grands auteurs algériens de la bande dessinée, propose en tout 68 planches. Du Slim décapant et décoiffant, où l'humour algérien et l'autodérision agissent comme le remède souverain aux désillusions, aux rêves brisés et aux espoirs avortés. L'artiste puise dans le neuvième art cette thérapie qu'il veut partager avec les autres, sans aucune limite d'âge ou de classe sociale. En revisitant l'histoire de l'Algérie et du monde arabe, Slim préfère en rire qu'en pleurer. Plus que jamais, il est «Maâk yal Khadra», n'ayant connu qu'un seul et vrai amour dans sa vie. Et c'est pour cela, d'ailleurs, qu'il chantera toujours Douane, tou, tri, viva l'Algérie !Ainsi va le monde. Et ainsi naissent régulièrement les albums de Slim. Bien sûr, le dessinateur original et atypique est resté fidèle à tous les personnages qu'il a créés et croqués avec passion (Bouzid, Zina, le gât m'digouti, etc.), il a toujours eu un faible pour l'original et le vrai (le nif, l'algérianité, les gens simples, la mémoire à préserver pour continuer d'exister, la bonne vieille tradition...), mais il innove tout en perpétuant son style et sa griffe. Cet album Tout va bian est la meilleure preuve d'une évolution constante, d'un souci permanent d'une interaction fusionnel entre texte et image. Son travail de recherche intègre aujourd'hui de multiples styles graphiques et des formes de récit très diversifiées, tout en développant tous les sujets. La force de Slim, ce qui explique sa durée (sa longévité dans la BD), c'est bien ce renouvellement, cette actualisation des techniques qui font que son langage est mature tout en regorgeant de fraîcheur. La puissance du verbe (l'art du calembour, de l'équivoque, de l'homonymie, de la caricature dans le jeu de mots, du sens de l'absurde...) éclate, alors, comme à l'air libre, dans cet art subversif qui ne peut trouer un terreau fertile que dans une multitude d'infos qui vont dans toutes les directions. Divertir, oui, mais tout en exprimant une critique sociale. Dénoncer le «tout va bien» qui va mal ! De la sorte, le lecteur a entre les mains toute une variété de séquences, des planches qui révèlent des situations et des tendances. Et c'est là que la bande dessinée, art visuel et art vivant de son temps, contribue au raisonnement critique et réfléchi. Un art à lire, donc, surtout chez Slim où l'illustration est surtout prétexte à approfondir différentes formes d'écritures. Avant de vous laisser partir à la recherche du nouvel album de Slim, nous vous offrons cette autre petite perle (pour la route) : «Nous acceptons les nouvelles coupures de 2000 DA même scotchées. Nous informons notre aimable clientèle que nous ouvrons prochainement un salon Haute Coupure destiné aux «baggaras» de Sidi Yahia. Venez !» Avec cette adresse en poche, vous savez donc où trouver Slim le facétieux !


Hocine T.


Slim, Tou va bian, BD à compte d'auteur, Alger 2012, préface de Ghania Mouffok