Algérie

Tout un siècle avec Ali Yahia Abdennour



Ali Yahia Abdennour s'en est allé, hier, après une vie exceptionnelle qui s'est confondue avec les grandes dates de l'Histoire de l'Algérie. Militant pour l'indépendance de l'Algérie, politique actif au lendemain de l'indépendance, ministre du gouvernement Boumediene, défenseur des droits de l'homme, féroce opposant au pouvoir, l'homme a traversé le spectre politique national, comme il a sillonné tout un siècle du parcours de son pays. Il n'est pas de combat qu'il n'ait pas mené avec la passion du militant infatigable qui a décidé de ne jamais prendre sa retraite. N'était-ce l'âge et la maladie qui l'avaient cloué au lit ces dernières années, il n'aurait raté aucune «miette» du chamboulement politique majeur vécu par l'Algérie depuis le 22 février 2019.Les Algériens qui étaient habitués à le voir à toutes les manifestations de l'opposition, en auraient certainement fait l'icône du Hirak. Ali Yahia Abdennour se serait trouvé dans son élément parmi les marcheurs. Il aurait débattu dans la rue avec les citoyens, apostrophé les tenants du pouvoir sans ménagement. Bref, il aurait eu toute sa place dans le Mouvement populaire. Mais la maladie qui l'a éloigné du terrain ne l'a pas empêché de cosigner avec d'autres grandes figures de la scène nationale des appels au dialogue. L'ancien président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme a laissé son empreinte dans la séquence historique que traverse son pays. Au bout de sa vie de centenaire et jusqu'au dernier souffle, il a contribué au débat national et sa voix a toujours résonné en écho, au sein du Hirak et à l'occasion de toutes les initiatives partisanes de l'opposition. Ali Yahia Abdennour a été un acteur de plein droit dans l'épisode politique actuel de l'Algérie indépendante. En fait, on n'avait pas besoin d'imaginer ce qu'il aurait dit et fait s'il avait toute sa santé, puisqu'il a toujours trouvé le moyen de transmettre ses pensées, ses idées et ses convictions aux Algériens.
Que l'on adhère à ses idées ou qu'on les rejette, le défunt imposait le respect par la force de l'argument, mais aussi et surtout, par l'exemple qu'il donnait lui-même du combat qu'il a mené des décennies durant pour les droits de l'homme en Algérie. On peut coller des étiquettes politiques à l'homme de loi qu'il était, mais personne n'osera lui faire le procès de la «controverse». Il ne l'était pas. Il a défendu des hommes controversés, pas des idéologies mortifères. L'idée qu'il se faisait de la personne humaine, l'amenait à faire abstraction de considérations idéologiques pour faire triompher le principe du droit, en toutes circonstances.
Les contradicteurs de Ali Yahia Abdennour qui avaient mal apprécié ses plaidoiries en sont arrivés plusieurs années plus tard à admettre le bien-fondé de son combat. En un mot comme en mille, le défenseur des droits de l'homme n'a pas choisi le confort de «l'opinion majoritaire», mais a crapahuté sur les chemins très compliqués des droits de l'homme dans un pays en situation de guerre. Ce n'est jamais facile, à plus forte raison, lorsque ce pays est le sien. C'est dire tout le mérite de l'homme qui laisse derrière lui une oeuvre pour les générations futures qui auront à faire face à d'autres défis.
Les Algériens de demain auront à méditer le parcours extraordinaire qui a «bu goulûment» toutes les conquêtes de son pays, à commencer par la lutte pour l'indépendance, où ses activité lui valurent une assignation à résidence. À 40 ans, il prit les destinées de l'Ugta, avant de rejoindre le FLN pour se faire élire à l'Assemblée constituante. Il ne rata aucune seconde de la séquence FFS, contribua à sa manière au développement du pays en entrant au gouvernement. Il fit tout cela avec passion, sans calcul. Pour preuve, il aurait pu faire comme tant d'autres politiques en trouvant sa place dans le sérail. Mais l'homme a toujours vécu son époque et ses combats. Et les années 80,90 et 2000 étaient différentes des premières années de l'indépendance, les enjeux aussi. Ali Yahia Abdennour a admirablement su traverser les époques pour vivre chacune d'elle pleinement, à l'instant même de son décès, il était en connexion avec l'Algérie de 2021.
Il aurait vécu 200 ans, il serait toujours l'homme du temps présent.


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