Algérie

Tout sur la monétique en Algérie avec Newel Benkritly, DGA de la SATIM: «Il faut démarrer avec une bonne règle au départ»



Où en est la modernisation du système bancaire algérien ?

Mlle Newel Benkritly, directrice générale adjointe de la Société d'Automatisation des Transactions Interbancaires et de Monétique (SATIM), filiale des banques publiques et d'Al Baraka, nous parle de l'état d'avancement de la monétique en Algérie et des projets du secteur.

Où en est la monétique en Algérie ?

La monétique c'est vaste, c'est plusieurs projets. On a démarré par le retrait sur des distributeurs (DAB). Maintenant, c'est parti sur une bonne voie. Il y a un programme d'installation d'environ 100 DAB par an, à l'échelle nationale, aussi bien les banques qu'Algérie Poste. En plus d'un programme d'émission de cartes assez ambitieux. En interbancaire, nous sommes à près de 10.000 transactions par jour. Sans compter les retraits effectués par les détenteurs de carte d'Algérie Poste. Donc ça se chiffre à près d'un million de transactions par jour, sur un total de 5 millions de cartes en circulation dont quelque 100.000 cartes bancaires qui servent aussi bien au paiement qu'au retrait.

L'utilisateur attend surtout de pouvoir payer avec sa carte.

C'est notre cheval de bataille aussi bien à la SATIM, qu'au niveau des banques, d'Algérie Poste, et des autorités monétaires (Banque d'Algérie…). Nous préparons une campagne de sensibilisation, d'information et de formation. Vous savez, nous avons encore la culture du cash. Il y a un manque de confiance. Les commerçants ne voient pas l'intérêt d'accepter le terminal de paiement (TPE). Il n'y a pas suffisamment de cartes, aux bons endroits, pour les convaincre d'accepter les TPE. Il en existe 3.000 actuellement. Il y a aussi la crainte du fisc qui est derrière, en raison de la traçabilité des ventes qu'offre le paiement par carte.

 Nous travaillons, avec les autorités, en direction du secteur public. Nous visons les prestataires de service comme Sonelgaz, SEAAL, Algérie Télécom, etc., pour qu'ils acceptent les cartes au niveau de leurs agences pour le règlement des factures. C'est très facile à mettre en place de notre côté, mais c'est un petit peu plus complexe au niveau de ces entreprises, parce qu'elles ont une gestion décentralisée. Il faut qu'elles mettent en place un système d'information global pour pouvoir s'interfacer avec nous.

Où en est le projet de paiement par Internet des billets d'Air Algérie annoncé pour janvier 2010 ?

Il est prêt depuis janvier dernier, mais il faut le faire valider au niveau de toutes les instances, avant de le mettre en production. Nous avons présenté les essais nécessaires, nous avons expliqué les questions de sécurité sur Internet, car des garanties doivent être données à tout le monde, aussi bien la compagnie que le secteur bancaire et l'utilisateur final. On devrait démarrer réellement d'ici fin juin. Tout est installé. Les sites Web ont été développés et testés avec des cartes en circulation.

Tout détenteur de carte bancaire pourra payer son billet Air Algérie sur Internet ?

 Non, seuls les détenteurs de cartes que la banque autorisera, pourront le faire. Tous ceux qui ont une carte CIB (carte interbancaire) peuvent aller au niveau de leurs banques respectives pour demander à pouvoir faire du paiement par Internet. La banque a son libre arbitre. Elle décidera, en fonction du revenu, et de la stabilité du compte (s'il n'a pas eu des problèmes auparavant). Ce ne sera pas systématique. Sur Internet il faut être prudent, du moins dans une première étape.

Des craintes que des comptes bancaires soient piratés ?

 Non, toutes les sécurités ont été mises pour éviter les intrusions et les vols d'informations sur Internet. C'est protégé en amont, au niveau de la plateforme de paiement en ligne de la SATIM et d'Air Algérie. La crainte se situe plutôt au niveau de l'utilisation de la carte par le client. Internet c'est très consommateur. On peut être tenté sans avoir les soldes nécessaires pour effectuer la transaction. Car, pour le moment, nous travaillons à une image solde à J-1 et non pas en temps réel. Il y a très peu banques qui peuvent travailler en temps réel.

Qu'est-ce qu'il faut pour travailler en temps réel ?

 C'est tout l'objet de la réforme. Les banques doivent revoir leur système d'information bancaire (global banking) pour qu'il soit à jour, et assainir le ficher clients pour avoir les bonnes informations, notamment en terme d'adresses. Pour le moment, les agences bancaires sont autonomes. Elles rapatrient l'information, dans le meilleur des cas, en fin de journée. C'est pour ça qu'on a un décalage à J-1. C'est historique, parce qu'à l'époque les télécoms n'étaient pas performants.

Et comment se fait-il que les banques privées arrivent à centraliser l'information ?

 A l'origine, le problème des banques publiques était lié aux télécoms. Maintenant, le décalage s'est creusé. Une banque publique c'est 100 à 150 agences, contre une soixantaine pour le plus étendu des réseaux de banques privées. En plus, étant arrivées bien après les banques publiques, elles ont bénéficié d'un réseau télécoms bien plus performant, et ont démarré en réseau. Les entités publiques doivent upgrader tout leur réseau, ce qui nécessite des investissements colossaux. Elles ont commencé à leur faire et ça prendra encore deux à trois ans avant d'être opérationnel.

La centralisation est donc une condition sine qua non avant de lancer le e-commerce ?

 Les instructions de la Banque d'Algérie (BA) font qu'un particulier ne peut pas passer débiteur. C'est un délit. On accorde à une entreprise un découvert, mais pas à un particulier. C'est de là que vient la nécessité d'être en temps réel pour vérifier le solde du client. Demain les choses peuvent évoluer. La BA s'équipe pour avoir une centrale des risques, ça veut dire que demain on peut accorder des crédits à des particuliers. On peut même accorder un salaire de découvert, c'est ce qu'on appelle le « crédit revolving » utilisé actuellement en Tunisie. Il y a toute une réglementation à mettre en place. Au client ça paraît lent, mais pour nous, en interne, il y a énormément de boulot qui est en train d'être fait.

En clair, les autorités ont peur que le client dépense son argent sans compter ?

Les autorités ont peur d'un risque systémique. Qu'il y ait quelques cas, ce n'est pas grave, c'est gérable. Simplement, il faut démarrer avec une bonne règle au départ, de façon à éviter qu'une banque qui fasse mal son boulot et qui entraîne les autres banques. Parce qu'à l'inverse d'un chèque, le paiement avec une carte est garanti. Une fois que le client utilise sa carte, qu'il introduit son code confidentiel, et que tout est validé par le système, il ne peut plus dire je n'ai pas fait cette transaction, et sa banque doit payer la banque du commerçant. Après, si elle a un problème, elle se retourne contre son client. Cette garantie doit donc être couverte, par des outils de contrôle nécessaires. La banque ne peut pas donner la possibilité de payer par Internet à n'importe qui.

Toutes les banques publiques avancent au même rythme ?

Sur le retrait, oui, sur l'émission de cartes, il y a encore quelques-unes qui sont encore à la traîne.

Peut-on parler des meilleures ?

Les leaders sont le CPA, la BEA et la BNA. C'est normal, elles ont un portefeuille de clients très important.

Des sites Web en Algérie proposent des services de e-commerce, comme l'achat de cartes Visa. Ceci prouve que l'Algérien est prêt.

 Ces sites n'utilisent pas le système bancaire algérien. C'est lié à l'international. Vous savez, tant qu'il n'y aura pas une solution algérienne, on ne peut pas empêcher les gens de se débrouiller. Il y aura toujours le système D.

Ce n'est pas illégal ?

Ce n'est pas interdit. Mais à un moment donné il va bien falloir mettre en place quelque chose de normal qui réponde à une législation locale. Il n'existe pas encore de législation qui protège le consommateur dans le cas du e-commerce, contrairement à la partie retrait et paiement. On va démarrer avec des sites comme celui d'Air Algérie, et demain il y aura d'autres compagnies aériennes et d'autres enseignes locales.

D'autres projets de e-paiement qu'Air Algérie ?

Les autres compagnies aériennes, comme Aigle Azur et Air France, nous ont également sollicités pour ce produit. Nous sommes aussi en discussion avec Djezzy, le Groupe Hachette, via sa filiale algérienne Sedia, ainsi que Cevital et bien d'autres enseignes. Pour les compagnies aériennes, c'est plus facile, parce qu'on peut savoir immédiatement si le client a reçu quelque chose en échange de son paiement. Pour la grande distribution, ce n'est pas pareil. Il y a la livraison derrière. Il faut protéger le client final.

On lancera la carte « corporate » (entreprises). C'est les banques qui souhaitent donner à leurs entreprises clientes des cartes professionnelles pour payer certains frais, habituellement payés en cash, comme l'essence et autres achats de consommables. Elles n'auront plus à se soucier d'alimenter la caisse. Il y a déjà trois banques, Société Générale Algérie, AGB et le CPA, qui vont probablement démarrer d'ici la fin de l'année.

Pourquoi ça ne marche pas comme chez nos voisins ?

 Nous n'avons pas la même histoire. Nous avons subi un retard de plusieurs années, pendant ce temps, ils ont beaucoup avancé. Technologiquement, nous n'avons rien à leur envier. C'est juste qu'en termes de mentalité, il faut que ça évolue à tous les niveaux.

Pourtant, le client algérien en veut.

Oui, mais ce même client est fonctionnaire, il est employé, et il est sceptique ! C'est notre nature. Nous avons besoin d'êtres convaincus.

Ou d'être secoués ?

Non, on n'a jamais rien fait par la force.




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