Tout se vend, tout s'achète et tout se... paie

A. LemiliTout se vend. A Constantine, laquelle ne déroge évidemment pas au reste des 48 wilayas et de la plus microscopique de leur bourgade, tout s'achète également notamment lorsqu'il s'agit de «bouffe» ou à vrai dire de malbouffe. Ventre creux, le plus lucide des quidams en arrive à perdre la raison à mesure que s'égrènent les minutes menant vers la rupture d'une dure journée de carême.Faim de loup et soif de chameau obligent, le jeuneur fait ventre de tout ce que son regard balaie et plonge pour cela dans l'univers de la démesure et des mirages savamment concoctés par d'apprentis spécialistes de la cuisine portant toque, tablier et, pour faire encore plus docte et sérieux, des gants. Et excusez donc du peu rasés de près et donc pour la circonstance très proprets de leur personne ou faisant seulement illusion dans la mesure où ce n'est que rarement que l'acteur essentiel est scanné, ce qui importe dans l'immédiat étant plutôt son ou ses accessoires.Normal donc que dés neuf heures du matin les gens se bousculent à hauteur de certaines échoppes ayant la réputation de fabriquer quelque chose de spécial. Dans la ville des ponts c'est plus particulièrement la zlabia d'Oued Zenati, ce qui a pour particularité de ne pas en faire une spécialité locale puisque ladite localité relève de la wilaya de Guelma. Sauf que s'agissant d'importation et/ou transfert de technologie nul n'est plus regardant. Et tout contradicteur est invité à en discuter dans la soirée quand tout le monde aura retrouvé sa raison et les victuailles concernées auront trouvé ou retrouvé le lieu pour lequel elles ont été en réalité achetées....le sachets à ordures.Quoiqu'il en soit, dans une attitude pavlovienne déconcertante, les gens sont attirés par les chaînes comme l'est le métal par un aimant et, pour certains qui font la chaîne, et qui excédés par la lenteur, décident soudainement de la quitter pour aller vaquer à autre chose et pourquoi pas se retrouver dans les rangs ailleurs sans trop savoir ce qui s'y vend.Ce n'est pourtant pas que les produits alimentaires qui attirent le consommateur, il y a également tous ceux (produits) proposés dans le cadre de promotions, aussi étranges les unes que les autres, par les opérateurs de la téléphonie mobile. Les chaînes et surtout les prises de becs et de mains à hauteur des différentes boutiques appartiennent littéralement au domaine du surréalisme. Celles-ci (les chaînes) commencent parfois au moment où tout heureux et surtout normal mortel n'a pas encore ouvert les yeux. Pour cause, nombreux sont les jeunes qui vont faire la queue devant des portes hermétiquement closes de boutiques à partir de la rue pour la simple raison qu'ils n'étaient pas encore rentrés chez eux après une nuit passée dehors. Ces jeunes considèrent qu'ils ont tout le temps de dormir durant le reste de la journée.Etrangement, et d'ailleurs ceci expliquant cela, il n'y a que deux endroits où il n'y a pas bousculade : les bureaux de main-d'?uvre et les chantiers de travaux publics et bâtiments, ces derniers souffrant cruellement d'un manque de main- d'?uvre. «...à 1 500 dinars la journée et une prime de 200 dinars par tête de pipe pour un recruteur de circonstance, je ne suis pas arrivé à trouver des man?uvres pour occuper un tant soit peu l'activité à hauteur de deux chantiers. J'ai dû pour la circonstance mettre en congé une partie du personnel administratif pour ce mois», nous dira un important promoteur immobilier.Bien entendu, de ces situations très felliniennes, les plus grands profiteurs sont ceux qui, comme la fourmi de la fable, ont plus que les autres compris que le mois de Ramadhan est celui de l'année où il est possible de réaliser un chiffre d'affaires que d'autres ne réalisent pas durant les onze autres mois. L'intention ou la finalité est évidemment légitime, chacun ayant fait le choix de vivre, voire survivre à sa façon dans une société sans repères réelles sans trop s'embarrasser d'états d'âme par trop désuets par les temps qui courent.A. L.