Algérie

Tournure sanglante Egypte



Au moins 50 personnes ont été tuées, hier à l'aube, parmi les partisans des Frères musulmans et les soldats de l'armée.Le Caire (Egypte).
Correspondance particulière
L'Egypte s'est réveillée très tôt, hier matin, après le massacre d'une cinquantaine de personnes entre partisans de Morsi et éléments de l'armée, aux abords du siège de la Garde républicaine, au Caire. Une foule de partisans du président déchu était en train d'effectuer la prière de l'aube devant les locaux de la Garde républicaine, quand «des soldats» et «des policiers» ont ouvert le feu sur le tas, souligne un communiqué des Frères musulmans. Des manifestants ont fait état de tirs à balle réelle et de grenades lacrymogènes, dans des circonstances qui restent confuses. D'autres témoins ont raconté que les forces de l'ordre avaient tiré en l'air et que les tirs directs venaient «d'hommes de main» en civil. «Nous étions en train de prier vers 3h30 du matin. Un bon nombre de policiers et soldats de l'armée nous ont encerclés, du club de l'armée jusqu'à la rue Salah Salem, ils ont commencé à nous tirer dessus, faisant plusieurs blessés parmi nous», témoigne Saber A Sabbahi, un ingénieur en génie sur son lit d'hôpital à Madinat Nassr.
Et d'ajouter : «La police tirait dans tous les sens, il y avait même des snipers, on a commencé à nous protéger en nous cachant derrière les arbres.» Cet ingénieur affirme que les violences ont eu lieu de 3h30 à 8h. «Nous étions pacifistes, on n'a rien fait, c'est l'armée qui a commencé à nous tirer dessus, elle tirait même sur les ambulances qui essayaient de transporter les victimes et les blessés», conclut Saber. La situation a suscité la colère de la plus haute autorité de l'islam sunnite du pays, l'imam d'Al Azhar, cheikh Ahmed Al Tayyeb, qui avait cautionné le renversement de Morsi par l'armée et qui a annoncé pour sa part qu'il se plaçait en retrait tant que les violences continueraient. Les partisans de Morsi appellent à un nouveau soulèvement et invitent le peuple à se révolter contre cette transition afin d'éviter ce qu'ils appellent une «nouvelle Syrie». De fait, cette escalade de la violence, au demeurant prévisible, rend un peu plus compliquée la transition politique en Egypte. A fortiori avec le retrait du parti Al Nour, seul allié islamiste ayant soutenu le renversement de Morsi, les tractations pour la formation d'un nouveau gouvernement de transition risquent de se retrouver dans l'impasse.
Ahmad Al Mouslimani, porte-parole de la présidence intérimaire, a déclaré dimanche «plausible» l'option Ziad Bahaa Eldine, un technocrate de gauche qui a dirigé plusieurs institutions économiques égyptiennes. Celui-ci est entré en politique après la chute de Hosni Moubarak, début 2011, comme l'un des dirigeants d'une formation laïque de centre gauche, le parti social-démocrate égyptien, et avait été élu député d'Assiout (sud) fin 2011. Néanmoins, ce choix ne trouve pas grâce aux yeux des dirigeants du parti Al Nour. «Nous rejetons fermement les deux nominations de Baradei et de Bahaa Eddine, ce sont des figures emblématiques du camp laïc, il sont tous deux membres de la coalition d'opposants du Front de salut national», a déclaré Younis Makhyoun, dirigeant du parti Al Nour. Ce parti a officiellement annoncé, hier, son retrait des discussions sur le choix du Premier ministre, dénonçant vivement le massacre commis hier contre les partisans du président déchu Mohamed Morsi. «Nous avons décidé de nous retirer immédiatement des négociations en réponse au massacre qui a eu lieu devant la Garde républicaine contre la foule de manifestants qui réclamait la légitimité des élections et le retour de Mohamed Morsi.
Il est inacceptable d'approuver un geste pareil qui s'est déroulé devant un bâtiment militaire», a affirmé Nader Bakkar, porte-parole du parti. Il est clair que les deux hommes, favoris de Adly Mansour, ne font pas l'unanimité, encore moins chez les membres du parti Al Nour. Les salafistes estiment en effet que ces deux hommes ne sont pas assez «consensuels» et réclament une personnalité compatible avec l'ensemble de la mouvance islamiste. Al Nour, jusque-là la plus importante formation politique salafiste d'Egypte, et le seul partenaire islamiste de la coalition majoritairement laïque qui soutient le renversement de Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, vient en effet de changer toutes les équations en se retirant des discussions.
Selon Shadi Hamed, directeur des recherches politiques et stratégiques à l'institut Brookings à Doha, le retrait d'un parti qui prend de l'ampleur comme Al Nour serait une «erreur fatale» vu que le nouveau gouvernement de transition a besoin de rassurer la population qu'il compte un allié islamiste dans ses rangs. «Le retrait d'Al Nour inciterait directement les salafistes à quitter les négociations et rejoindre la rue», a-t-il expliqué. Al Nour réaffirme tout de même qu'il refusera tout référendum visant à rendre la légitimité électorale à Mohamed Morsi et que le seul moyen de sortir de cette crise est l'organisation de l'élection présidentielle anticipée. Autant dire qu'il y a beaucoup d'inconnues dans l'équation égyptienne.


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