L'Algérie est
engagée par des contrats à long terme Take or Pay mais aussi Deliver or Pay pour la fourniture de volumes importants de gaz naturel
auprès de plusieurs pays européens, les USA et la Turquie. Devant la
crainte de voir le gisement super géant de Hassi R'Mel s'essouffler, les responsables du secteur de l'énergie
prennent le virage du gaz de schiste. Au moment même où la planète amorce un
désamour pour ce gaz non conventionnel très cher et très polluant à extraire.
Sonatrach prévoit de lancer
au début de l'année 2012 ses premiers forages exploratoires pour trouver du gaz
de schiste. «Le projet pilote pour le gaz de schiste sera lancé au début de 2012
dans la partie sud-ouest du pays. Différentes études ont montré que le pays
disposait d'un important potentiel en matière de gaz de schiste», a déclaré le 28
septembre dernier Nouredine Cherouati,
directeur général de Sonatrach. Le patron de la
compagnie algérienne a également évoqué des partenariats avec des firmes internationales
dans cette nouvelle aventure du gaz de schiste, sans préciser lesquels. En
avril dernier Sonatrach et ENI Algeria
avaient signé un accord de coopération afin «d'unir leurs efforts en vue
d'évaluer le potentiel en hydrocarbures non conventionnels et dans le cas
d'intérêt avéré, poursuivre avec un ou plusieurs projets-pilotes
de forages.» Les premiers travaux préliminaires réalisés par les experts de Sonatrach, laissent entrevoir des bassins sédimentaires
recélant un haut potentiel en «shale gas». Selon des
chiffres communiqués déjà par le ministre de l'Energie et des Mines de
l'Algérie, Youcef Yousfi, les
réserves de gaz de schiste en Algérie seraient sept fois supérieures aux
réserves de gaz conventionnel qui sont, elles, de 4500 milliards de mètres
cubes. Aussi, Sonatrach a
d'ores et déjà entrepris de former ses cadres sur ces techniques d'extraction
des gaz non conventionnels.
YOUCEF YOUSFI SOUS
L'EMPRISE DE LA MODE
AMERICAINE ?
L'engouement
soudain des autorités algériennes pour le gaz de schiste, dont le potentiel
dans le Sahara est connu depuis longtemps, coïncide avec le retour, en mai 2010,
de Youcef Yousfi, à la tête
du ministère en charge de l'énergie et des mines. L'actuel ministre était en
poste en Amérique du Nord lorsque Américains et Canadiens ont connu l'euphorie
de la mise en exploitation triomphante des gaz de schiste, mettant fin ainsi à
l'angoisse d'une dépendance annoncée pour cette source d'énergie éminemment
stratégique. La piste du gaz de schiste algérien est devenue un recours
beaucoup plus pressant lorsque se confirmaient l'année dernière des inquiétudes
sur la capacité du gisement gazier géant de Hassi R'mel de maintenir son plateau de production, de 80 milliards
de m3 par an, dans la durée prévue. Youcef Yousfi a choisi en mars dernier la Cera Week à Houston pour marquer les esprits
en annonçant des réserves de gaz schisteux algérien «aussi grandes que certains
des champs américains majeurs». L'enthousiaste ministériel pour le
développement en Algérie de cette filière butte cependant sur une série de
contraintes techniques financières et écologiques. Allant jusqu'à plus de 3 000 m sous terre, ce gaz
est difficilement accessible. L'industrie a donc perfectionné la technique de
fracturation hydraulique. Il s'agit d'injecter dans le puits –d'abord vertical,
puis ensuite horizontal– un mélange à haute pression d'eau, de sable et de
produits chimiques. Tout le long du conduit, les roches souterraines se
fissurent, libérant le gaz, qui peut ensuite être acheminé vers la surface.
Chaque
fracturation requiert de 15 à 20 millions de litres d'eau, soit la consommation
quotidienne d'une ville moyenne de 40 000 habitants ! Une eau qui plus est
mélangée à des substances chimiques qui se disséminent ensuite dans les nappes
phréatiques.
RETOUR «DE BATON» A
L'ECHELLE INTERNATIONALE
Les dégâts
occasionnés à l'environnement, aux Etats-Unis mêmes, et la forte mobilisation
citoyenne contre l'utilisation de la fracturation hydraulique laissent penser
que cette filière n'a pas un grand avenir… malgré les profits mirobolants
qu'elle a pu faire miroiter ! Selon le New York Times qui a exploité des
documents confidentiels provenant de l'Agence américaine de protection de l'environnement,
l'EPA, les résultats des recherches recensent de la
radioactivité dans 149 des quelque 200 puits de forage installés dans l'État de
Pennsylvanie, plus 42 puits dont l'eau rejetée dépasse la norme autorisée pour
l'eau potable en radium, 4 dans le cas de l'uranium, 41 dans celui du benzène
et 128 les dépassant le «gross alpha» (radiations
causées par les émissions d'uranium et de radium). Ces informations ont vite
fait de mobiliser dans les pays où la citoyenneté n'est pas un vain mot. En
France, une loi promulguée le 13 juillet dernier interdit la technique de la
fracturation hydraulique pour exploiter les gaz de schiste, abrogeant de fait
les permis d'exploration de gaz de schiste accordés à Total à Montélimar et à
la compagnie américaine Schuepbach en Ardèche et dans
le Larzac. La France
mais aussi le Québec et bien d'autres pays - à l'exclusion des USA - ont déjà
interdit l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste à cause des
problèmes de pollution de la nappe phréatique par les produits chimiques
utilisés.
POLLUTION ALBIENNE
ET CONCURRENCE DU SOLAIRE
C'est dans ce
contexte international de défiance vis-à-vis de l'exploitation du gaz de
schiste, notamment par la technique de la fracturation hydraulique que Sonatrach engage son projet pilote de début 2012. Des
questions subsistent justement sur la filière technique utilisée dans ce projet
pilote et son exacte localisation. L'imprécision à ce sujet du PDG de Sonatrach qui parle de région sud-ouest du pays (environ 800
000 km2 !) n'est pas fortuite. Les populations locales méritent de connaître
les incidences sur leurs réserves en eau albienne de l'industrie du gaz de
schiste. Sur un plan commercial et stratégique aussi, le renforcement en
Algérie des réserves mondiales de gaz de schiste participera à entretenir plus
longtemps la bulle gazière actuelle – notamment sur le marché spot nord-américain.
Cela dessert clairement l'exportateur de gaz conventionnel qu'est Sonatrach, mise sous pression par
ses clients sur le prix de ses contrats à long terme à cause de la mévente du
GNL sur les marchés spot. En outre, de nombreux spécialistes considèrent qu'aux
coûts d'exploration et de développement actuels des gisements de gaz schisteux
le potentiel de l'énergie solaire, en particulier la filière du concentré, devient
un investissement plus soutenable dans la production d'électricité, un usage du
gaz naturel qui absorbe près du quart de sa production en Algérie.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 11/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Idir Ahatim
Source : www.lequotidien-oran.com