Avant-hier matin. Une terrasse sur le trottoir aux abords de la place Audin, à Alger. Arrivé avec un peu de retard, les autres ayant déjà été servis, l'ami appelle le serveur. Celui-ci se plante derrière son dos, sans mot dire. 'Un thé", demande l'ami au serveur qui ne le regarde même pas. 'Dans un petit verre, un verre à thé", précise-t-il, à tout hasard. Le serveur retourne à l'intérieur de l'établissement, sans toujours lui adresser la parole. Quelques minutes plus tard, il revient avec un thé... dans un grand et grossier verre de cantine.
'Je vous ai demandé un petit verre, un verre à thé", ose le client. 'Ne le bois pas", répond le garçon ! 'On est en 2014 (bien 2014), ajoute-t-il, on ne supplie plus les gens."
Devant le spectacle surréaliste de cette agressive réplique du serveur, comment ne pas y penser : au même moment, s'ouvrait, au Club-des-Pins, 'les assises du tourisme" !
À l'instant même où l'ami était invité à boire son thé douteux, servi dans un verre de réfectoire, sur une table de plastique posée sur un trottoir éventré, le conseiller à la Présidence était peut-être en train de lire le message à travers lequel le Président assurait que toutes les conditions étaient réunies pour l'envol du secteur du tourisme : les autoroutes, les routes du littoral, le réseau ferroviaire, le métro et les tramways, l'eau potable, le téléphone, etc.
Le message du Président note l'importance des SDAT et cite les potentiels naturels qu'il dit, certes, ne pas suffire 'à eux seuls pour la relance du tourisme". Et pour cause ! Une seule scène de café suffit à dénoncer l'illusion d'un proche avenir touristique pour le pays, avec ou sans sites naturels, avec ou sans hôtels aux normes internationales. Car le tourisme commence au café de son immeuble, à l'épicerie de quartier, au taxi de l'aéroport.
Dans notre société rentière, les 'professionnels" et leurs personnels affrontent le client, ils ne l'accueillent pas. Ils ne sont pas disponibles ; ils sont en embuscade, jusque dans le regard. Dans nos rapports marchands, c'est à qui arnaquera l'autre.
L'acte commercial n'a aucune dimension humaine. Globalement, nous ne sommes mus que par l'avidité, pour le vendeur et le prestataire de service, ou par la nécessité, pour le client. Entre prédateurs et proies.
À la fois l'un et l'autre, en fonction du rapport du moment.
Et nos autorités s'étonnent que ce qu'ils appellent pompeusement la destination Algérie n'attire pas les touristes, et se consolent cycliquement avec l'emphatique concept de schémas directeurs.
Il suffit de demander aux compatriotes revenant de voyage ce qui les aura poussés à aller en Turquie, en Tunisie ou au Maroc.
Ils vous diront que, là-bas, ils en ont pour leur argent : de nourriture, de confort, de services et de... considération. Et de liberté, aussi. Là-bas, patrons, cadres et employés n'ont pas le loisir d'agresser les clients en faisant valoir le statut de 'sans besoins" que leur confère un système rentier, ni le temps de faire des fetwas intempestives à leurs clients.
Tout le paradoxe est dans cette ambivalence : les autorités font dans l'incantation 'développementiste" tout en assumant un environnement de régression civique, de pollution, d'agressivité, d'intégrisme... Bref, un environnement hostile au touriste !
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
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Posté Le : 16/04/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha Hammouche
Source : www.liberte-algerie.com