Le salafisme radical s'est invité dans la campagne
présidentielle française via le massacre de sept Français issus de
l'immigration ou de confession juive. Même des tout-petits y sont passés.
Imad Ibn Ziaten, 30 ans, soldat français
du 1er RTP, fut la première victime du tueur, abattu le 11 mars à Toulouse
d'une balle dans la tête tirée à bout portant. Le jeune homme, d'origine
marocaine, doit être inhumé au Maroc. Deux autres militaires, Abel Chenouf, 25 ans, et Mohamed Legouad,
citoyens français d'origine maghrébine, ont été froidement exécutés le 15 mars.
Myriam Monsonego, 7 ans, Arieh
Sandler, 5 ans, Gabriel Sandler,
4 ans, et leur père, Jonatan Sandler,
30 ans, ont été abattus devant leur collège religieux israélite à Toulouse le
19 mars.
Le misérable
assassin responsable de ces crimes est Mohamed Merah,
un carrossier âgé de 23 ans, de nationalité française et d'origine algérienne.
Né le 10 octobre 1988 à Toulouse, il a d'abord beaucoup fait dans la
délinquance, plusieurs infractions de droit commun, dont certaines avec
violence, en France : dix-huit au total, dont des vols, recels et outrages.
Selon Claude Guéant, le ministre de l'Intérieur français, détaché par Nicolas
Sarkozy à plein temps sur l'événement, il aurait « des attaches avec des
personnes se réclamant du salafisme et du djihadisme». Longuement cerné mercredi par les forces de
l'ordre à Toulouse, l'homme soupçonné d'être l'auteur des tueries récentes dans
la région se revendique d'Al-Qaïda, dit «être un
moudjahid» (combattant de Dieu), «avoir voulu venger les enfants palestiniens»
et «avoir voulu s'en prendre à l'armée française» pour ses implications en
Afghanistan.
Mohamed Merah était déjà connu de la DCRI (Direction centrale du renseignement
intérieur). Selon Claude Guéant, il a «effectué des séjours en Afghanistan et
au Pakistan dans le passé »; il aurait déjà été arrêté à Kandahar, en
Afghanistan, pour avoir posé des bombes et a pu s'évader grâce aux talibans.
«Sa
radicalisation s'est plutôt faite au sein d'un groupe d'idéologie salafiste», poursuit Claude Guéant, et elle s'est affermie
lors de ses deux voyages en Afghanistan et au Pakistan. Le groupe salafiste auquel il appartiendrait est un «groupe
toulousain qui n'a pas forcément de nom» et qui est «composé d'une quinzaine de
personnes», a-t-il précisé. Plus curieusement, le suspect aurait déjà été dans
le viseur de la police depuis les meurtres des militaires à Montauban, sans que
celle-ci aille au-delà. Les preuves visiblement manquaient alors. Sa mère et
son frère ont été interpellés.
LE SALAFISME S'INVITE
DANS LA PRESIDENTIELLE
Ce misérable
petit bonhomme, sanglant boucher, certainement envahi de pieuses certitudes, va
donc assombrir la conscience du pays, endolorir toutes ses diverses
communautés, affecter tous ses citoyens à un peu plus d'un mois de l'élection
présidentielle. On en est navré pour les victimes, pour leurs familles et pour
leur entourage. On est navré pour le pays, pour la Nation et pour la
République. Déterminé, d'un sang-froid sans pareil et prêt
jusqu'à tuer à bout touchant des tout-petits, Mohamed Merah
a agi sur des lieux géographiques qu'il connaissait parfaitement et dans une
chronologie politique qu'il maîtrisait à l'évidence. La campagne électorale,
qui aujourd'hui bat son plein, lui garantissait un écho médiatique sans
précédent.
Il faudra
certainement exiger en France la dissolution et l'interdiction des
organisations qui se réclament du salafisme ou tout
au moins celles qui ne condamnent pas ce lâche massacre.
Chez les candidats,
dont beaucoup sont aujourd'hui à Toulouse, l'heure est, si ce n'est à l'union
nationale, tout au moins à l'indignation sincère et à l'émotion partagée. Mais
demain, les calculs d'état-major redémarreront. Si ce n'est déjà fait : Marine
le Pen réclame déjà un référendum sur la peine de
mort ! Alors que la campagne électorale se concentrait sur les vrais sujets
d'inquiétude des Français, l'emploi et la chute du pouvoir d'achat,
l'irresponsable acte sanglant d'un salafiste, serial-killer d'une banlieue plutôt chic, fait revenir tous
les mauvais démons par la fenêtre : l'immigration, l'Islam, l'insécurité…
Il faut pourtant
le répéter : ni l'islam, ni l'immigration, ni l'insécurité n'étaient à ce jour
au cÅ“ur des préoccupations des électeurs en France. Et pourtant, Dieu sait que
Nicolas Sarkozy avait tout fait pour remettre ces sujets à la mode, toutes
thématiques qui lui avaient permis de remporter avec brio la présidentielle de
2007. On avait eu ainsi droit, dans le mois qui a précédé, à des montées furieuses
de la droite et de l'extrême droite, un coup sur l'invasion des boucheries
halal (pour moi, excellentes et pas chères !), un autre coup sur l'insécurité
dans nos banlieues, un troisième coup sur l'Europe « qui ne peut accueillir
toute la misère du monde ». Nicolas Sarkozy, notre candidat président, un jour
candidat, un jour président, s'est même attaqué au Traité de Schengen, pieux
compromis communautaire: il veut donc rétablir des douaniers à toutes nos
frontières pour réduire de moitié l'arrivée des immigrés clandestins ou non.
Comme le note
Jacques Julliard, éditorialiste de l'hebdomadaire Marianne, avant la dernière
tuerie antisémite de Toulouse : « Ce qui est insupportable avec Nicolas Sarkozy
: l'instrumentalisation de tous les sujets, y compris les plus dignes
d'intérêt, à des fins politiciennes. La renégociation de Schengen, comme
avant-hier le débat sur l'identité nationale, hier la question des Roms,
aujourd'hui celle de la viande kasher ou halal, n'a en vérité qu'un objet,
décliné de façon obsessionnelle : opposer les Français aux étrangers et aux
immigrés pour ressouder une majorité de droite. Ce cynisme est indigne d'un
homme dont la fonction devrait être de rassembler ».
ET LE RESTE DE LA CAMPAGNE ALORS ?
L'évènement
dramatique de Toulouse vient bouleverser une campagne qui, jusque-là, n'était
pas franchement passionnante. Nicolas Sarkozy, pour remonter dans les sondages,
multiplie déclarations de mesures urgentes-à-venir-plus
tard et nouvelles mesures historiques qu'on n'a pas eu le temps de faire dans
la mandature précédente. Que toutes ces annonces soient contradictoires ou
extrêmement mouvantes n'a aucune espèce d'importance ;
à défaut de bilan, les promesses n'engagent que ceux qui y croient! François
Hollande, plus prudent, se refuse à coller à cette profusion démagogico-populiste, mais, s'il reste le vainqueur attendu
à ce jour du second tour, il sait bien qu'il va hériter d'une maison
sérieusement lézardée : la récession est là, durablement ; les autorités
européennes, murées dans leur idéologie néolibérale, ne s'entendent que sur des
mesures, comme disent les économistes «contracycliques»,à
savoir imposer de façon bureaucratique des mesures de rigueur et des plans
d'austérité draconiens, là où il faudrait relancer l'économie et la demande;
l'Union européenne bâillonnée par un duo franco-allemand, le système « Merkozy », où c'est l'Allemagne qui porte la culotte.
Pour le reste,
Bayrou fait du Bayrou, sincère et argumenté. Marine le Pen
a, comme c'était joué d'avance, réuni les 500 cautions d'élus municipaux et
autres pour se présenter. De Villepin, ancien Premier
ministre, n'a pas pu le faire et c'est dommage. Eva Joly, Norvégienne juge et
candidate écologiste, fait une campagne épouvantable et c'était prévisible.
Jean-Luc Mélenchon, excellent orateur, a réussi à réunir 100.000 sympathisants
à la Bastille
le week-end dernier pour le Front de Gauche, à gauche de la gauche. Le seul
vrai mystère absolu de cette campagne de 1er tour réside dans l'énigmatique
candidature de Jacques Cheminade. Qui est Jacques Cheminade ? Personne ne le connaît. Pourtant, c'est la 2e
fois qu'il se présente. Laissons la parole au Monde: «Jacques Cheminade, 70 ans, a réitéré son exploit de 1995 de réunir
les 500 parrainages d'élus nécessaires pour se présenter. Lors de sa seule
participation à la course présidentielle, il recueillit 0,28% des suffrages.
Beaucoup de mystère entoure ce natif de Buenos-Aires, ancien élève de l'ENA et
son parti groupusculaire, Solidarité et progrès (…) M. Cheminade,
qui avait également tenté de se présenter en 1981 et en 1988, prône notamment
la création d'une nouvelle monnaie - l'euro-franc
polytechnique -, la sortie de la zone euro, du FMI, de l'OMC
ou encore le développement des relations diplomatiques avec «l'Eurasie». Mais
derrière Solidarité et Progrès et les mots d'ordre hostiles au monde de la
finance, l'on déniche l'influence d'un homme politique américain, Lyndon Larouche. Ancien militant
trotskiste, il s'est présenté à plusieurs reprises aux primaires d'investiture
démocrate. Il s'est fait remarquer récemment en comparant Barack
Obama à Hitler ». Il faut toujours un peu de poésie
et d'inattendu dans une campagne présidentielle.
ET LES ACCORDS
D'EVIAN ?
Eh oui ! Cette
semaine, on célébrait le cinquantième anniversaire des «Accords d'Evian» qui
scellaient l'indépendance de l'Algérie. Beaucoup d'articles et sujets dans la
presse et les médias français, un intérêt obscurci par ces maudits attentats
dans la région toulonnaise. Toutefois, il faut noter, entre autres, l'initiative
de notre confrère Marianne qui, les 30 et 31 mars et le 1er avril, organise un
vaste colloque sur « La Guerre
d'Algérie, 50 ans après ». A conseiller particulièrement, le vendredi matin, un
face-à face François Hollande et Abdelaziz Belkhadem. Quant au 5 Juillet ? Je compte bien être à Alger
! Si on me donne mon visa… Mais vous savez, avec les problèmes de
l'immigration…
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Posté Le : 22/03/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com