Personne ne semble s'intéresser sous le
ciel de la République algérienne de l'avenir du paquebot Tonic Emballage dont
le naufrage, long et lent, fait penser à la liquidation en pure perte du groupe
Khalifa. Ni reprise par les privés algériens, ni nationalisation, l'outil de
production périclite en silence.
« Il vaut mieux aller voir la Badr
(Banque algérienne du développement rural) qui n'a pas l'air de s'inquiéter de
n'avoir plus aucune nouvelle du paquebot Tonic Emballage où elle a mis beaucoup
d'argent». C'est la réponse, lasse et encore un peu étonnée, d'un patron
algérien à une question sur l'apparemment renoncement du FCE (Forum des chefs
d'entreprises) à peser en faveur d'une sauvegarde du complexe Tonic Emballage.
Le fait que la Badr - qui a engagé en faisant le grand écart en matière de
règles prudentielles, 65 milliards de dinars de crédit dans le projet – ne
semble pas s'inquiéter du sort du complexe de Bou Ismaïl paraît déroutant.
De fait, les dernières nouvelles du grand
paquebot industriel en naufrage remontent à la fin décembre 2009 où le tribunal
de Blida a confirmé une décision du tribunal de commerce datée du mois de juin
2009 sur la mise en faillite de dix des onze sociétés qui forment le groupe
Tonic Emballage. Les avocats du groupe ont bien annoncé un pourvoi en cassation
mais le jugement était exécutoire. Les options étaient soit une reprise par
l'Etat, par la Banque (la Badr) en tant que principal créancier ou une cession
à un privé… A condition de pouvoir les reprendre et les assainir… Des onze
entités du groupe, sur le navire amiral, la société Elite Impression était
considérée comme rentable et n'a pas fait l'objet d'une décision de mise en
faillite. Mais aucun signe n'est venu depuis qu'une quelconque action est menée
quelque part sous le ciel de l'Algérie pour éviter que le groupe Tonic
Emballage ne connaisse le sort du groupe Khalifa.
La proposition du FCE
Début janvier 2010, une visite
d'opérateurs italiens et français sur le site de l'entreprise à Bou Ismaïl, a
donné lieu à des spéculations sur une reprise qui sont vite retombées. Il ne
s'agit que d'une vague visite organisée dans le cadre d'un programme «Paper
Med» destiné à encourager du transfert du savoir-faire et de la technologie.
Depuis les nouvelles du complexe ne relèvent que du passé où de la pure rumeur.
En avril 2009, le FCE a adressé une lettre à Ahmed Ouyahia pour mettre en garde
contre «l'enlisement» du groupe Tonic Emballage qui «renvoie un message plutôt
négatif en direction des investisseurs qui prennent des risques pour investir
dans un contexte que tout le monde sait difficile». Le FCE a suggéré une
sauvegarde de «l'important outil de production Tonic Emballage, à travers un
partenariat avec d'autres investisseurs privés algériens, à construire sur la
base de l'élargissement de l'actionnariat du groupe Tonic, la fusion de toutes
les sociétés qui le constituent et la création d'une société par actions
unique, qui reprendra et poursuivra les activités du groupe». Belle idée qui ne
semble pas avoir obtenu les faveurs du gouvernement en raison du volume de la
dette du groupe qui atteindrait la bagatelle faramineuse de 87 milliards DA !
Une «nationalisation» qui ne vient pas
Trop élevé pour les privés algériens,
selon le gouvernement algérien. Un mois avant la proposition du FCE, Ahmed
Ouyahia, en campagne pour la réélection d'Abdelaziz Bouteflika, a promis au
cours d'un meeting à Bou Ismaïl aux travailleurs du complexe industriel de
Tonic Emballage : «Cette usine de papier ne s'arrêtera jamais. L'Etat a perdu
70 milliards de dinars dans cet investissement et nous attendons le verdict de
la justice.». L'option d'une reprise par le privé algérien étant exclue, celle
d'un investissement étranger rendue improbable par les nouvelles conditions
édictées par la LFC 2009, il ne restait que cette bonne vieille
nationalisation… Dans les faits, en tant que principal créancier, la Banque
publique Badr, «hérite» de fait du complexe… Tonic Emballage a en effet
contracté le plus gros crédit accordé à une PME dans l'histoire du pays, plus
de 80 milliards de dinars (1,1 milliard de dollars) dont 65 milliards engagés
par la seule Badr Bank. Le projet était grandiose : une filière intégrée de
production de papier, de dérivés, de papier tissu et d'emballage de synthèse.
Deux plates-formes industrielles ont été construites et équipées, la seconde
sur 25 hectares inaugurée en pleine crise de la dette en 2007. Problème, Tonic
Emballage n'arrive pas à respecter le calendrier des remboursements. Depuis les
promesses de campagne d'Ouyahia on a évoqué une nationalisation des actifs et
leur affectation au groupe public GIPEC (Groupe Industriel du Papier et de la
Cellulose). Le problème est que Gipec n'est pas au mieux de sa forme… et l'idée
est restée à l'état de rumeur.
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Posté Le : 06/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim Rabia
Source : www.lequotidien-oran.com