Le viol perpétré par deux agents de l'ordre sur une jeune fille a provoqué un tollé général au sein de la société, notamment les ONG luttant contre les violences faites aux femmes.
Tunis.
De notre correspondant
La société civile est montée au créneau après l'interrogatoire subi par la victime dans une affaire de blasphème et d'outrage public à la pudeur qui risquerait de lui être collée et dont les témoins ne sont autres que ses bourreaux. De nombreuses associations de défense des droits des femmes, de lutte contre les violences subies par les femmes, de lutte contre la torture, etc. ont déjà publié des communiqués pour dénoncer «cet ignoble outrage aux valeurs humaines». Une manifestation s'est même tenue jeudi dernier, 27 septembre, devant le siège du gouvernement, à la Casbah, avec la participation d'avocates et de militantes féministes.
La réaction officielle n'a pas été harmonieuse. Alors que les départements de l'Intérieur et de la Justice essaient de temporiser, la ministre chargée des Affaires de la femme et de la famille n'a pas mâché ses mots : «Je suis terriblement indignée par ce viol, d'autant plus que les bourreaux appartiennent aux forces de l'ordre. Je déplore l'absence de structures d'écoute, d'accueil et de suivi de ces femmes violentées.» «Vous n'imaginez pas ce que subit une femme pour porter plainte devant la police, réitérer ça lors de la confrontation et, ensuite, devant le juge. C'est rouvrir autant de fois la même blessure qu'elle essaie de cicatriser à jamais surtout en l'absence de structures d'écoute et d'accompagnement censées l'aider», a-t-elle dit, indignée.
Indignation
La société civile n'est montrée en créneau que suite à la convocation de la jeune fille voilée pour comparaître devant le juge d'instruction en tant qu'accusée pour «blasphème et outrage public à la pudeur». Les organisations participantes à la manifestation ont par ailleurs réagi aux propos du chargé de communication du ministère de l'Intérieur, Khaled Tarouche, «qui avait laissé entendre que la jeune fille avait en quelque sorte provoqué son agression par son attitude», comme l'a rapporté la présidente du Conseil national des libertés en Tunisie, Sihem Ben Sedrine. Elle a par ailleurs dénoncé la procédure juridique concernant le procès initial du viol. «L'instruction n'aurait pas du tout pris son cours puisque la jeune fille a été auditionnée une seule et unique fois et le juge d'instruction l'aurait menacé de la poursuivre en justice si elle reparlait de ce viol. Tout de suite après, il y a eu le mouvement des magistrats et l'affaire a été détournée vers une atteinte à la pudeur. Je dénonce le complot du silence qui est en train de s'exercer à l'encontre de la jeune victime et son fiancé», a rapporté Mme Ben Sedrine, qui a appelé Fawzi Jaballah, chargé de mission auprès du ministre de la Justice, et Kahled Tarrouch, chargé de communication du ministère de l'Intérieur, à «à s'excuser et à démissionner».
Du côté des ministères de l'Intérieur et de la Justice, on ne cesse d'appeler à la réserve. «Le ministère de l'Intérieur a étudié en toute impartialité le dossier de la jeune fille violée par deux agents de police et appliqué les dispositions dictées par la loi dans de telles affaires», n'a cessé de répéter son bureau de presse. Un communiqué rendu public avant-hier a affirmé que «le ministère de l'Intérieur n'a tenté ni d'alléger ni d'alourdir la charge de qui que ce soit» ; il a appelé à «ne pas tomber dans l'amalgame» et à «éviter toute instrumentalisation politique et médiatique de cette affaire». Le ministère de la Justice a publié un communiqué rappelant «l'article 50 du code de procédure pénale qui accorde au ministère public la latitude d'entrevoir toutes les éventualités lors de l'examen des péripéties d'une affaire». «Etre victime sur un aspect d'une affaire ne saurait écarter l'éventualité d'être accusé sous un autre angle», a ajouté le même communiqué.
«Les islamistes d'Ennahda ne sont pas à l'aise sur un tel terrain dans la mesure où il est en rapport avec les tabous concernant la femme et la société. C'est ce qui explique les précisions successives des ministères de l'Intérieur et de la Justice. Ils veulent nous convaincre qu'il s'agit d'un fait divers anodin alors que tout le monde est convaincu, y compris leurs services, qu'il ne l'est pas», remarque l'avocate et militante des droits de l'homme Bochra Belhaj Hmida.
Il est à noter que la polémique sur cette affaire continue de plus belle et qu'une manifestation est prévue devant le tribunal de première instance de Tunis, le 2 octobre, date de report de l'audition par des membres de la société civile en soutien à la jeune femme.
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Posté Le : 29/09/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mourad Sellami
Source : www.elwatan.com