Algérie

Tlemcen: Un été sans brocante



Il n'y a plus que Dakmous Boumediène qui persiste contre vents et marées à la sauvegarde de l'art de la brocante.

S'il y avait bien un lieu privilégié pour les touristes algériens (pour leur majorité, des émigrés revenus au bled) qui visitent Tlemcen, c'est bien la brocante. Elle est située contre les remparts du Mechouar, entre la Coupole, restaurant mythique, et le kiosque de Breyèche, une personnalité oubliée de la ville, face au Colisée, cinéma tombant actuellement en ruine, alors qu'il avait donné une culture artistique et cinématographique à la génération précédente. Cette brocante cadrait bien avec le monument, comme à Tipaza ou ailleurs, dans les grands centres touristiques.

 Mais depuis quelques années déjà, les brocanteurs ne sont plus au rendez-vous. Et Tlemcen n'a plus rien à offrir aux touristes de passage dans la ville. Et puis, le charme entier des remparts est parti avec les brocanteurs. Un pan entier de l'histoire de Tlemcen est totalement négligé car ils étaient les seuls à pouvoir le mettre en relief. Et faute de guide qui narrerait son histoire, une histoire bien entendu qu'ils sont les seuls à agencer en romance, imaginant des personnages sortis des siècles derniers, parlant des bouquinistes qui squattaient les marches du Colisée pour étaler leurs livres, romans policiers (de Chase, SAS...) et bandes dessinées (Blek le Roc, Akim, Zembla, etc.) juste près d'eux, qui faisaient encore une fois la culture des jeunes des années 60 à 80.

 Seul Dakmous Boumediène, le plus ancien brocanteur et ancien cadet de la Révolution, sergent pendant 14 ans dans la Garde républicaine, peine à vouloir exposer ses vieilleries entre la Coupole et le kiosque...

 Nous l'avons rencontré ce brocanteur réfractaire, presque caché entre le restaurant de la Coupole et le kiosque, face à un tapis à moitié vide, donnant quelques explications aux touristes, aux émigrés qui ont mis du temps à le trouver. Et devant un reste de café, il continue à gesticuler, même sans montrer la pièce de collection, car pour lui la brocante est avant tout la sauvegarde d'une culture qui manque d'espace à Tlemcen.

 Tout ce qu'il demande, c'est une autorisation pour exposer sa marchandise. C'est par décret que la commune de Tlemcen avait voulu faire de cet espace du Mechouar, en face de l'hôtel du Moghreb, détruit par une bombe lors de la décennie noire et qui tarde à revoir le jour, un espace culturel où se rencontreraient les philatélistes, les numismates, les artistes peintres, les bouquinistes... Mais au fil du temps, ce décret s'estompait jusqu'à ne plus servir à rien. Et commencèrent alors les harcèlements de la part des agents de l'ordre qui se mirent à procéder à des saisies. Les brocanteurs se demandaient comment on peut saisir un bronze, un nu, une vieillerie quelconque en cuivre, une pièce indienne ou arabo-ottomane, un samovar russe de 1818, une cuillère en argent... Tout un petit trésor que les brocanteurs ont mis plus d'un an à amasser, dans l'attente de cette période estivale synonyme d'arrivée de touristes et surtout d'éventuels collectionneurs.

 A Tlemcen, en tous les cas, on se demande comment on tolère la bidonvillisation du centre-ville avec des étals à même le sol, où se côtoient marchandises hétéroclites, bassines, culottes, sandales..., et qu'on n'admet pas que des brocanteurs exposent leurs objets d'art qui donnent plutôt une belle image de la ville. Ce sera encore un été sans brocante.




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