Algérie

Tlemcen (Texte et illustrations) de Georges Marçais , - Éditions du Tell, Blida 2003



Tlemcen (Texte et illustrations) de Georges Marçais , - Éditions du Tell, Blida 2003
Une introduction à Tlemcen

(...) Si quelque jour il me prend fantaisie d'écrire une histoire de ma vie, qui, je le crains, n'intéressera que moi, on y lira un chapitre dont le titre sera : " Tlemcen ou l'initiation ". Je m'y retrouverai tel que j'étais en 1899-1900. En ce temps-là, j'avais les cheveux plus noirs qu'aujourd'hui et je les portais plus longs, parce que j'étais alors peintre de mon métier. Les gamins, qui me connaissaient tous et qui m'avaient donné un nom arabe, me voyaient passer avec mon grand chapeau, mon pliant et ma boîte à couleurs dans les petites rues ou dans les délicieux chemins de la campagne tlemcénienne, me hâtant pour ne pas manquer l'heure de mon effet de lumière sur le minaret de Sidi bou-Médine ou sur les rochers de Lalla Setti. En attendant le rendez-vous du soleil, j'entrais souvent dans les mosquées, où l'on me connaissait aussi.
Ma présence n'y dérangeait personne, ni le bon vieux qui disait son chapelet appuyé contre un pilier, ni les oiseaux qui s'accrochaient aux lustres. Je m'y oubliais parfois à dessiner des chapiteaux ou des décors de murs, à suivre la calligraphie subtile des entrelacs, à en déterminer le rythme, à comprendre l'équilibre quasi-classique de leur apparente fantaisie, à rechercher les formes végétales déjà stylisées que le vieil ornemaniste, guidé par son instinct de l'élégance, stylisait à son tour. Les feuillets d'album, assemblés par pur dilettantisme, trouvèrent leur emploi quand notre ami Stéphane Gsell demanda à mon frère et à moi d'écrire un livre sur les monuments arabes de Tlemcen. Je revins ici, et cette fois avec un mètre et une boussole. Entre temps j'avais lu dans les bibliothèques parisiennes ce qu'on avait écrit sur l'art musulman occidental, ce qui n'était pas alors bien considérable. Je retrouvai Tlemcen et la bonne vie. Je retrouvai aussi mes vieux amis tlemcéniens, dont les chères ombres se lèvent cote à côte dans mon souvenir : c'étaient les trois chaykhs vénérés de la Médersa, Si Ahmed bel-Bachir, Si Ben Youcef el-Bàghdâdi, Si'l- Hadj ben Yamina, hommes au cœur pur, savants, candides d'âme et de vêtements, qui semblaient sortir tout vivants de quelque Légende dorée musulmane et qui me révélaient un Islam infiniment sympathique. Et c'était. aussi le savant qadi Si Cho'aïb; et, non loin de là, car il était un peu musulman, Othon Perdrizet, le délicieux compagnon de nos chasses aux images.
C'est dans cette atmosphère si cordiale qu'avec une fraternelle collaboration fut composé mon premier livre. Tlemcen m'avait découvert un monde nouveau. Dans ses mosquées, j'étais entré en familiarité avec l'art hispano-mauresque, dont les villes marocaines ne m'auraient certes pas livré le secret d'aussi bonne grâce; l'accueil de ses habitants, de son élite intellectuelle comme de son menu peuple, m'avait préparé à comprendre l'origine des traditions qu'ils perpétuaient. C'était l'introduction la plus séduisante à l'étude de la civilisation musulmane et à l'histoire du moyen-âge berbère. A Tlemcen comme à Fès, mais dans des proportions qui les rendaient plus aisément perceptibles, les aspects de la vie actuelle devaient s'expliquer par le passé, incitaient à connaître ce passé, à dépouiller les livres des chroniqueurs, des géographes et des hagiographes. Ce travail, que je n'ai pas du tout la prétention d'avoir achevé, allait être le complément parfois austère de mes années d'apprentissage; et c'est encore me rajeunir que d'esquisser devant vous, d'après ce que les vieux auteurs nous en ont appris, la destinée de Tlemcen, ville d'art et d'histoire. (...)


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