Algérie

Tlemcen: Retrouvailles entre anciens élèves



La 9e journée de retrouvailles entre anciens élèves regroupés par l'Ecolymet (Association des anciens élèves de l'EPS, collège, lycée et medersa de Tlemcen) qui s'est déroulée jeudi dernier a été d'abord une grande rencontre pleine d'émotions où des têtes grisonnantes ont retrouvé leurs camarades de classe d'enfance et d'adolescence. Le président de l'association, le Dr Omar Benhabib, et son staff ont réussi à transformer cette journée de Liquaâ al habaïeb (rencontre d'amis) en journée d'étude sur l'histoire de l'Algérie allant de St Augustin jusqu'à Mohammed Dib. Tout d'abord le professeur Damerdji Amine a tracé le parcours de son frère, le chahid docteur Tidjani Damerdji (7-12-1917 - 17-4-1957), mort au combat, puis Salim Ducos, un ancien élève de Remchi vivant à Paris, a témoigné sur le parcours nationaliste de feu l'abbé Berenguer, ancien curé de Montagnac (actuel Remchi), devenu un fervent militant du FLN, jusqu'à l'indépendance du pays. A propos du général Montagnac, le conférencier dira «Toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe. L'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis le pied. Qui veut la fin veut les moyens quoi qu'en disent nos philanthropes. Tous les bons militaires que j'ai l'honneur de commander sont prévenus par moi-même que s'il leur arrive de m'amener un Arabe vivant, ils recevront une volée de coups de plat de sabre. Voilà mon brave ami comment il faut faire la guerre aux Arabes: tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de 15 ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger les bâtiments (allusion aux maisons où les militaires exploitaient les femmes sexuellement), les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens». Le professeur Ducos expliqua à l'auditoire attentif: «Je pense à la loi 2005 sur les effets de la colonisation dont un article a été abrogé mais pas la loi elle-même. Qu'en dirait Berenguer? Savez-vous que selon Pierre Coudre, un chrétien militant pour l'indépendance et ayant fait à ce titre 2 ans de prison, l'abbé Berenguer avait envoyé une lettre dès le 1er novembre 1954 à son supérieur l'archevêque Duval (dit Mohamed Duval) pour lui indiquer qu'il devait le considérer comme membre du FLN. C'était sa réponse aux effets positifs du colonialisme». Ce curé fils d'émigrants espagnols est né en 1915 à Lourmel (El Amria). Après l'assassinat du Dr Benaouda Benzerdjeb (10/1/56), un article publié dans Oran-Républicain le 19/1/1956 intitulé «Regards chrétiens» par notre ancien curé de la paroisse de Remchi lui attira des ennuis avec les militaires. Dans cet article il a traité sans détour et avec beaucoup de courage ce qu'il pense pour lui être la révolte des Algériens. Le 20 février 1959, diabolisé et affublé du qualificatif «curé communiste», il quittera l'Algérie en lutte, sillonnant alors les pays d'Amérique Latine en qualité de représentant du Croissant-Rouge algérien. Il a laissé un testament pour être enterré au cimetière chrétien de Tlemcen.

Le 3e conférencier fut Tabet Aïnad de Sidi Bel-Abbès qui rappela les massacres du 8/5/1945 à travers toutes les villes d'Algérie Sétif, Kherrata, Saïda, Oran et Tlemcen. Après une pause café, les anciens élèves ont pu apprécier le talent des jeunes comédiens de la Grande Maison de Mohammed Dib que Mme Sabiha Benmansour, professeur à l'université et présidente de la Fondation, a présenté comme écrivain du terroir qui l'a propulsé dans la littérature universelle. Avant le déjeuner en plein air sur la terrasse de la Fondation Benhalfat, Khelifa Abderrahmane, qui s'est déplacé d'Alger, a raconté l'histoire du port d'Honaïne, le port officiel de la capitale des Zianides, et surtout les efforts qu'il a fournis comme archéologue pour sauver les restes des sites historiques qui témoignent de cette période riche en événements. Les auditeurs ont apprécié l'après-midi la communication de Bechaouche Azeddine, le Tunisien, qui a raconté en spécialiste latiniste l'épopée de Fronton de Cirta, St Augustin (354-430), de Hippone (Annaba), Apulée (auteur de l'Ane d'or, conte de Psyché-Cupidon), ces Africains nés en Algérie ont laissé des traces indélébiles dans la civilisation de l'empire romain, comme précisera le conférencier, penseurs, écrivains, philosophes et surtout pour leur civilité. Lui succéda Fouad Soufi, chercheur historien, qui parla de la Route de l'or et montra l'impact économique et financier qui propulsa la capitale zianide de Yaghmoracen où les familles El Maqqari, El Okbani, Al Marazika jouèrent un rôle de premier plan dans l'échange du sel contre l'or avec leurs caravanes permanentes entre Tlemcen, Sidjilmassa et le Soudan (l'actuel Mali). C'est la stabilité du pouvoir zianide, dira le conférencier, qui a permis l'essor de la capitale des Zianides qui s'étendait de la Trouée de Taza à l'ouest jusqu'aux confins de Bougie la hammadite. Enfin toujours dans la mémorisation de l'histoire, Baghli Sidi Mohamed nous a «promenés» grâce à un montage audiovisuel vers le village de Tameradit avec ses grottes troglodytes sur les hauteurs de Tlemcen en longeant ce qui reste du Canal romain (Sakiet Nasrani) qui passait en plein centre de l'actuel quartier résidentiel de Birouana. Les femmes «Slaniennes» de l'ancien collège de Slane, devenu Ibn Khaldoun, ont été évoquées par Mme Choumissa Boudghène Stambouli, ancienne directrice d'école primaire d'Oran, qui a rendu hommage aux dames premières bachelières ainsi qu'aux disparues telles que Moumeni, Malti, sans oublier les jeunes lycéennes martyrs de la Révolution: Maliha Hamidou, Taleb Salima, Hadj Slimane Aouicha.

Clôture de cette belle journée mémorable, par le cheikh Boukli-Hacène Salah et ses «Fraquat» de Ibn Msaïb, Bentriqui, Bensahla et d'autres poètes du Haouzi, Aroubi, Gherbi qui a enchanté les «vieux» qui ont chanté en choeur «Nas min baâd nas, ma yadoum illa Allah», Haoufi pur du terroir (génération après génération, il ne restera que le bon Dieu !) ou bien ce morceau «Assafi ala ma mada» (mes regrets sur le passé !). Chaque adhérent a reçu un petit livre sur les extraits des conférences organisées en l'an 2008 avec de belles photos en couleurs sur les retrouvailles de plusieurs générations.




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