Algérie

Tlemcen : Retrouvailles des anciens camarades de Cuba


Des cadets de la révolution parmi les enfants de combattants et de réfugiés algériens dans les régions d'extrême ouest du Maroc et qui étaient envoyés en 1961 pour formation à Cuba, se sont retrouvés jeudi à Tlemcen après une séparation de 46 années. C'est le début de l'hiver de l'année 1961. Les dirigeants d'alors, avec l'aide des pays frères qui soutenaient notre combat pour l'indépendance (ex-URSS et Yougoslavie, Chine, Cuba, Egypte, Maroc…), ont projeté la formation et la préparation des futurs cadres pour que soit assuré l'encadrement militaire et civil, en prévision de l'indépendance. Pour diverses raisons, des familles algériennes de divers horizons se sont réfugiées dans la région d'Oujda au Maroc à l'image de celle de Bendahmane de Maghnia dont le chef de famille était à l'origine de la pose d'une bombe à Sebdou au siège d'un haut responsable militaire chez qui il était chauffeur ou encore ce père de Bechar, Zaoui, qui était recherché pour son activisme pour la cause nationale et qui ont aussitôt traversé la frontière avec leurs familles de peur des représailles. Ils étaient une vingtaine de cadets issus de cette collectivité réfugiée, âgés entre 8 et 16 ans, qui ont été désignés (à leur insu) pour être formés à Cuba. Les conditions de regroupement et de départ de ces futurs candidats au voyage ont été des plus singulières. Actuellement sexagénaires, certains parmi eux évoquent non sans amertume ces conditions. «Un civil, accompagné d'un policier marocain m'ont récupéré à partir d'une salle de cinéma en pleine séance et en sus, à l'insu de ma mère, laquelle a eu les nouvelles de ma destinée, bien des semaines après », dira l'un d'eux avant qu'un 2ème ajoute : « J'étais conduit directement de l'école au lieu de regroupement sans que ma famille ait été avertie». Dans leur majorité, ces enfants ont vécu un déchirement relatif qui semble avoir marqué. C'est ainsi que le groupe d'enfants a été rassemblé dans une villa à Casablanca où un trousseau vestimentaire leur a été fourni et où ils ont demeuré 3 mois durant à attendre, devraient-ils comprendre, les conditions sécuritaires favorables pour la traversée. Le grand départ vers Cuba a eu lieu à minuit en cette fin du mois de mars 1961 et la traversée qui a duré 27 jours n'a pas été de tout repos. En effet, témoignent nos interlocuteurs, « c'est dans la cale d'un bateau de marchandise que nous avons, en compagnie de 132 moudjahid blessés, effectué la traversée avec tous les désagréments que ces conditions engendrent ». C'est là des mesures décidées pour tromper la vigilance américaine en ces temps de blocus. C'est le 21 avril que nos cadets de la révolution foulent le sol cubain non sans être accueillis d'une manière officielle par les hauts responsables de l'Etat cubain tel Che Guevara lequel, avec Fidel Castro ont veillé personnellement aux conditions de leur formation et séjour. Après une formation générale, les cadets ont été orientés pour une formation dans divers corps militaires et se sont rapidement intégrés jusqu'en novembre 1965 (après le coup d'Etat) où ils ont été rapatriés sans qu'ils soient avertis au préalable de cela et, disent-ils, de la manière la plus inattendue et la plus étrange. En effet, la préparation du départ a été très sommaire au grand étonnement de ces jeunes, lesquels n'arrivaient pas à comprendre les raisons de cette décision subite. Alors qu'ils ont toujours été accueillis par les officiels en place (ambassadeurs) à chacun de leurs déplacements dans d'autres pays ou encore par le ministre des Moudjahidine en Algérie, ils étaient lors de cet étrange retour au bercail toujours encadrés par les policiers lors des diverses escales jusqu'à l'aéroport d'Alger où personne, à leur étonnement, ne les attendait comme d'habitude. C'est en ce jour de novembre 1965, à l'aéroport d'Alger que s'est achevée subitement l'aventure de ce groupe de camarades, lesquels s'y sont séparés très discrètement dans l'indifférence totale des partis officiels et se sont fondus par la suite anonymement dans la société. 46 ans après ce jour, grâce à l'effort de l'un d'eux qui a réussi à localiser ses anciens compatriotes, ils se sont retrouvés à Tlemcen. Ils sont arrivés de France, Belgique, Bechar, Oran, Sebdou, Maghnia, Témouchent pour ces retrouvailles qui se sont avérées un moment de bonheur où se sont confondues joies et émotions. C'est à un moment d'intense émotion que nous avons assisté. Malgré leurs âges avancés, ils se sont reconnus d'emblée. S'en sont suivies les embrassades et accolades émouvantes. Leur doyen, Hadj Zaoui qui est venu de Bechar et qui est, en outre, le plus émotif de tous, semblait le plus ravi de cette rencontre insolite. «J'ai jamais cru que je vous reverrais» dira-t-il, les larmes aux yeux. Suivent ensuite les souvenirs et les anecdotes qu'ils se sont rappelés les uns et les autres. «Tu te rappelles le «petit pont» que j'ai fait à Fidel Castro», dira l'un d'eux avant que l'autre rappelle «Nous avions beaucoup côtoyé le «Che» avec qui nous avions fait pas mal de volontariat telle la récolte du café, de la canne à sucre et de la pomme de terre». Au fur et à mesure, la mémoire se ravive et la discussion s'anime davantage. La personne d'honneur à qui tout ce beau monde semble vouer respect et égard est l'épouse du doyen, Tania, laquelle était également leur collègue d'école à Cuba où elle a connu son mari. Après leur rapatriement en 1965, Tania qui avait la nationalité américaine et qu'elle garde toujours, a rejoint son mari Zaoui à Bechar où elle vit en couple jusqu'alors. Celle-ci qui a embrassé l'islam et qui est actuellement Hadja et arrière-grand-mère se singularise également par son amour pour la patrie de son mari. La séparation était à la mesure des retrouvailles, intense et émouvante. Les enfants d'autrefois, aujourd'hui tous sexagénaires, se sont ainsi séparés sans avoir réussi ensemble à expliquer la raison de ce malheureux rapatriement qui a mis subitement à néant leur rêve qu'ils ont vainement payé au prix d'une bonne partie de leur enfance mais non sans que ces camarades de Cuba aient pris une résolution de se retrouver chaque année à la même date de leur actuelle rencontre.


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