C'est demain jeudi que l'auditorium de la
faculté de médecine Dr Benaouda Benzerdjeb (ex-caserne chahid Acimi Miloud)
arbitrera la commémoration du 50e anniversaire de la mort au champ d'honneur du
colonel Lotfi et du commandant Ferradj (le 27 mars 1960 à Béchar), un devoir de
mémoire insigne à l'initiative de l'université Abou Bekr Belkaïd et du Centre
national des études et de la recherche sur le mouvement national et de la
Révolution du 1er Novembre 1954, avec le concours de l'Ecolymet, l'Union des
historiens algériens et l'association Ferradj (Afak Aïn Ghoraba).
Cet
hommage s'inscrit, faut-il le souligner, sur le sillage du colloque
international sur Lotfi organisé en tandem par l'UABT et l'Ecolymet en juillet
2004 au sein de la bibliothèque centrale d'Imama. En marge de cette rencontre
académique, l'illustre historien Benjamin Stora nous brossa, à la faveur d'un
entretien, le portrait charismatique de Dghine Benali.
«C'est un homme d'une très grande culture dans les deux langues,
c'est-à-dire arabe et française. Ça, c'est très important de le signaler parce
que dans le fond, il y a eu très souvent ou trop souvent malheureusement, une
sorte de coupure à cause de l'histoire coloniale. Mais il y a eu sur cette
question culturelle des traits dans le mouvement national algérien qui
n'étaient pas obligatoirement les traits dans les deux cultures en même temps,
c'est-à-dire qu'il (Lotfi) pouvait passer, qu'il pouvait naviguer entre ces
deux cultures… Il avait cette espèce de double parcours simultané. Et ça, je
crois, c'est très important à relever, qui annonce bien entendu aussi cette
sorte de circulation culturelle qui existe entre plusieurs univers,
c'est-à-dire la volonté de circulation culturelle qui est très forte et qu'il
faut mettre en rapport avec un autre type de circulation et de mobilité, qui
est la circulation culturelle d'un pays à l'autre, c'est l'Algérie vers le
Maroc et du Maroc vers l'Algérie. Cet aspect, malheureusement aujourd'hui , a
disparu, c'est-à-dire que nous savons que les frontières existent et sont fermées
; nous savons que la circulation et la mobilité, ce qu'on pourrait appeler
aujourd'hui la transversalité culturelle maghrébine, disons au sens large, est
un problème… Ce problème de transversalité qui existait, d'échanges entre les
deux pays, les deux territoires qui partagent les mêmes croyances, le même
langage, les mêmes habitudes, etc. eh bien, à travers ce parcours très
singulier, on voit bien cette circularité, cette circulation transversale
culturelle entre les langues et les dépassements des frontières. Il est un
homme de l'unité maghrébine quelque part, de par son parcours, de par sa
trajectoire, de par l'intérêt qu'il portait à la fois bien sûr et surtout aux
choses algériennes mais bien entendu et également aux choses maghrébines. Je
crois qu'il faut signaler cet aspect-là parce que c'est un aspect qui, avec le
passage des indépendances, disparaît et il y a dans les jeunes générations
notamment cette sorte de perte de transmission mémorielle de ce qui a été la
circulation maghrébine. C'est-à-dire que ces hommes étaient bien sûr des
nationalistes algériens ou marocains, mais ils étaient avant aussi des
Maghrébins, c'est-à-dire au sens large. Dans leur univers, dans leur
imaginaire, ils fonctionnaient comme des Maghrébins, et ça je crois que la trajectoire
de Lotfi marque très bien cet aspect. Son parcours, cette circulation non
seulement entre les cultures , mais entre les territoires est un aspect qu'il
faut naturellement prendre en compte pour mesurer que son nationalisme n'était
pas un nationalisme étroit, un nationalisme fermé, mais il est un homme d'une
grande culture.
Dans ce parcours-là, il faut signaler que ses sympathies
politiques, très jeune, qui vont naturellement, qui se portent naturellement
sur la question du nationalisme, c'est-à-dire la réappropriation de ce qui a
été l'histoire ancestrale de l'Algérie, c'est-à-dire d'abord la conquête
française, de la colonisation française, le porte vers les mouvements
politiques du nationalisme algérien qui sont présents dans l'Ouest algérien, dans
l'Oranie, et le porte plus particulièrement, peut-être, par sensibilité
culturelle vers les UDMistes, soit le mouvement de Ferhat Abbès, qui est un
grand personnage du nationalisme algérien, le porte également à regarder aussi
vers les Ulémas. Je parle de l'avant 54, bien entendu, bien sûr par son
parcours à la Médersa de Tlemcen, c'est-à-dire qu'il a comme objectif, à
travers ces deux regards portés sur ces deux mouvements, ces deux espaces
culturels et politiques, eh bien on voit un homme qui est à la fois un
passionné d'égalité politique, c'est-à-dire pourquoi dans le fond il n'y a pas
d'égalité entre tous les hommes dans le système colonial : il est à la fois
donc un passionné d'égalité politique, sociale et juridique, mais un passionné
de culture et d'éducation, parce que la question de l'éducation est une
question centrale, et que sans éducation, sans instruction, dans le fond, on se
prépare mal au passage à l'indépendance politique…».
A
noter la publication de deux livres sur le parcours glorieux de Lotfi, à savoir
«Colonel Lotfi» de Khalfa Mameri (Collection écoliers d'Algérie/1998) et «Le
Colonel Lotfi».
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Posté Le : 07/04/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Allal Bekkaï
Source : www.lequotidien-oran.com