La multiplication des radios localespermettra sans nul doute d'enregistrer tous les chants populaires ancrés dansla société.Pour ce qui est de Radio Tlemcen, j'ai notéavec grand plaisir deux émissions qui ont visé cet objectif : enregistrer etdiffuser des chants Andalous, Hawzi, Haoufi, Gherbi, Aroubi, Bedouin, etc...qui vont enrichir la discothèque de la radio et permettre aux chercheurs depuiser dans ce patrimoine sans l'altérer. Pour Radio El Bahia, j'ai écouté avecplaisir l'émission Ahl Andalous animée par Mokhtar Allal qui, dernièrement, aprogrammé des Hawzi de Cheikh feu Abderrahmane Sekkal. Pour canal Algérie,Yacine Senouci est à féliciter pour Fen Bladi où il encourage les jeunesformations à l'échelle nationale pour l'Andalou, le Hawzi, le Chaabi, avecl'explication historique et musicale de l'increvable Abdelkader Bendamecheauteur des deux tomes sur «les grandes figures de l'art musical algérien». Al'occasion du 1er festival national de la musique Haouzi qui se déroule àTlemcen du 26/6 au 3/7, Salim El Hassar, animateur et réalisateur de l'émission«couleurs andalouses», transmise par Radio Tlemcen tous les mardis à 20 heures,se confie au journal.Le Quotidien d'Oran : Les mélomanes de lamusique andalouse écoutent avec beaucoup de plaisir les émissions «couleursandalouses» que vous animez une fois par semaine à la radio régionale deTlemcen. Je trouve personnellement que vos recherches sur le patrimoine andalouet hawzi sont d'une richesse inouïe. Permettez-moi de vous demander d'oùproviennent vos sources ?Salim El Hassar : Le patrimoine de lamusique andalouse est extrêmement riche et très peu connu à la fois. Jeconviens avec d'autres chercheurs pour dire que Tlemcen, qui fut pendant dessiècles au coeur du Maghreb avec la grande civilisation qu'il a produit enAndalousie, est un des plus grands réservoirs de la musique citadine enOccident musulman. Les poètes, les musiciens de Tlemcen ont énormémentcontribué à enrichir et renouveler cette musique. Vous savez qu'au coeur de la«Sanaa» andalouse nous chantons toujours à Tlemcen, Alger ou Constantine lespoèmes d'auteurs algériens, voire El Quaïssi Al Andaloussi, Abi Djemaa,Talalissi Tilimsani... sans parler bien sûr des poètes dans les genresriverains : Hawzi, Medh, Aroubi. Du point de vue de l'histoire de cettemusique, elle est très peu connue d'autant que Tlemcen, depuis des siècles, acessé d'être la grande métropole maghrébine à l'image d'Alger aujourd'hui ou deTunis, Rabat au Maghreb. Le relais de cette musique s'est alors depuis fait parl'intermédiaire d'artistes d'un très grand mérite, mais que le large publicalgérien ne connaît pas à défaut d'une médiatisation à l'instar d'autresproducteurs qui sont plus proches des grands centres de médiatisation. Si HadjCheikh Larbi Bensari s'est imposé un peu par l'image, c'est surtout en raisonde sa stature de grand maître à l'échelle maghrébine et arabe, mais en dehorsde ce cerbère de la musique traditionnelle plus personne. Feu Cheikh AbdelkrimDali, si ce n'est son installation à Alger à la demande pressante de mélomanesde la musique andalouse, n'aurait jamais été connu, l'ignorance pèse trop lourddans ce domaine. Qui connaît Lazâar Dali Yahia, Mohamed Bedjaoui, SalahBenchâabane, Ibihou Bensaïd, Ahmed Ghomari, dit Hassouna, Joseph Benguenoun ditCheikh Zouzou, Driss Rahal, Redouane Bensari... quand (soupirs) on sait que cedernier, considéré par les spécialistes comme un des derniers monuments de lamusique andalouse, est décédé en juillet 2005 dans l'incognito au Maroc. Quiconnaît aussi les grands maîtres producteurs du Hawzi, du Aroubi ou du Gherbi ?Qui connaît Ghouti Bouali auteur de plusieurs ouvrages, dont un sur la métriqueet un autre sur la musique «Kechf El Kinâa» en 1900 cités par les grandsmusicologues Farmeur, d'Erlanguer et qui fut aussi le fondateur de la premièretroupe théâtrale. Qui connaît Cadi Chouaïb l'auteur de Zahratou Rihane fiMil'al alhane (la fleur de myrte dans la science des sons) en 1879. Ils sonttout simplement rares. L'on sait par contre comment leurs interprètes modernesqui font boutique des chansons populaires du patrimoine sont connus parce quemédiatisés sans avoir jamais eu de pensée pour Ahmed Bentriqui, BoumedièneBensahla, Mohamed Ben Msaib, et tant d'autres poètes musiciens fondateurs duHaouzi, Aroubi du Medh dont ils exploitent leurs oeuvres. Par exemple «naïlisadr hanin» diront les interprètes, c'est une belle chanson de Fadela Djazaïriaou Hachemi Guerouabi, c'est tout simplement faux. Les connaisseursreconnaîtront l'erreur pour rétablir la vérité et dire non c'est une chanson deChikh Abi Ameur. Il y a aussi dans tout cela un peu d'ingratitude de la partdes maîtres contemporains. Je parlerai aussi sans citer de nom d'un maître quidéclarait un jour «Mal Hbibi Malou» est une chanson de patrimoine c'est vrai,mais son auteur est connu à l'échelle maghrébine c'est l'auteur compositeur du17ème siècle Mohammed Ben Msaib. Vous savez sans doute que Cheikh RedouaneBensari qui détenait le riche répertoire de la musique andalouse étaitsollicité jusqu'au dernier moment de sa vie par les maîtres contemporains pourdes enregistrements spécifiques de morceaux à tempérament lent (Mceddar ouBtaih) tombés dans l'oubli dont il était le seul à détenir la mémoire ou lavérité musicale d'un tel héritage des vieux maîtres de Tlemcen ou d'Alger. Voussavez que ce grand quidam de la musique andalouse a laissé plus que tous lesmaîtres qui existent et ceux qui ont eu le plus grand nombre d'heures d'écoutede morceaux (andalous, touchia, haouzi, kadriart, inkelabat) qu'il avait appristrès tôt puisqu'il participa à l'âge de 15 ans dans l'orchestre de son pèreHadj Larbi Bensari qui a représenté l'Algérie aux deux congrès sur la musiquearabe au Caire en 1932 et à Fez en 1936. Ces maîtres inconnus de la chansontraditionnelle il faut les chercher. C'est durant un séjour universitaire enFrance que j'ai trouvé puis diffusé pour la première fois sur la radiorégionale de Tlemcen, des chansons inconnues jusque-là enregistrées par CheikhLazar Ben Dali Yahia et Ibiho Bensaïd. Ilexiste heureusement une pléiade de jeunes chercheurs qui accomplissent cepassionnant travail de mémoire en consultant aussi les archives de mémoire.Nasreddine Baghdadi, Fayçal Benkelfat, Hadj Mhamed Triqui, Kazi Tani Abdelhak,dit Mohamed El Hassar Belkacem Ghoul, Salim Mesli, Abdelkrim Bensid et d'autresqui méritent, cependant, des encouragements avec une pensée posthume égalementpour Abdeldjalil Triqui et mon ami Tarek Hammouche (Radio chaîne 1 Alger).Q.O : Est-ce que avec un trésor pareil vousn'avez pas l'intention d'enregistrer des CD ou des cassettes vidéo ou audiopour conserver cette mémoire prodigieuse ?Salim El Hassar: C'est vrai, un tel travailest nécessaire, mais est-ce le rôle d'un mélomane ou d'un chercheur ? Je peuxcontribuer à ce travail qui mérite d'être et qui a été suggéré bien avant moipar des spécialistes qui consacrent depuis des années un laborieux travail derecherches et de diffusion, je pense à Fayçal Benkelfat qui a une qualificationet une longue expérience au Maroc et en Algérie, et qui s'est doté d'outilsmodernes efficaces pour le faire et qui n'a jamais été sollicité pour cela, etc'est dommage. Maintenant, ce travail doit être assisté par des connaisseurspour la présentation des auteurs et tout le travail méthodologique qui doitaccompagner le projet. Il est regrettable qu'à Tlemcen où se concentre unebonne partie de la mémoire dans toutes ses formes matérielles et immatériellesil n'y ait pas encore à titre d'exemple, d'ateliers, de laboratoires pour lapréservation des sites et monuments historiques d'un vrai conservatoire et d'unmusée archéologique et ethnologique. Vous savez, la mémoire n'attend pas. Nousavons l'exemple aujourd'hui des pertes irrémédiables enregistrées par lepatrimoine de la musique citadine. Sur 1000 morceaux Sanaa, légués par HadjLarbi Bensari, il n'en reste que 600 et c'est la même chose pour le Haouzi, leGherbi, le Medh, le Haoufi...
Posté Le : 01/07/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Sid'ahmed Cheloufi
Source : www.lequotidien-oran.com